Le jeu de bonneteau de la culture moderne - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Le jeu de bonneteau de la culture moderne

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La veille du décès de Jean-Paul II, le cardinal Ratzinger (maintenant Benoît XVI) disait : « il existe de nos jours un nouveau moralisme dont les maîtres-mots sont justice, paix, préservation de la création – des mots qui font référence à des valeurs morales essentielles dont nous avons un réel besoin. Mais ce moralisme demeure confus et, par conséquent, glisse presqu’inévitablement dans le domaine des partis politiques. Il est principalement un slogan que nous adressons aux autres, et pas suffisamment une responsabilité personnelle pour notre vie de tous les jours. » C’était dans son discours sur La crise européenne de la culture. C’était un discours sur l’impact des Lumières.

Si vous êtes un religieux aux Etats-Unis, ses mots décrivent la dérive d’une certaine vie religieuse. Nous entendons parler de la justice, de la paix et de la création. Mais quelque chose manque. Nous voyons des ordres religieux et des diocèses déchirés par des affiliations politiques. Ratzinger a délibérement choisi le mot « moralisme ». Par exemple, les religieux qui se focalisent sur la décoration intérieure plus que sur la prière. C’est la spiritualité du restaurant plutôt que celle de la table de communion. Ce sont les religieux des Lumières. L’effet des Lumières peut être discerné chez les évêques des Lumières, les diocèses des Lumières, le clergé des Lumières, les laïcs des Lumières.

Ratzinger parlait d’une morale qui ne prenait pas Dieu en compte : « Le moralisme politique sous lequel nous avons vécu et vivons encore, n’ouvre pas la voie à une régénération, bien plus, il la bloque. Partant, c’est également vrai d’un Christianisme et d’une théologie qui réduirait l’essence du message de Jésus, le Royaume de Dieu, aux valeurs du Royaume, ces valeurs étant conjointement amalgamées aux mots-clefs du moralisme politique et déclarées synthèse des religions. » (L’accent sur le mot valeurs est une rajoute.) C’est la conséquence d’avoir écarté Dieu comme l’Unique, le Véritable, le Beau, devant servir de référence à tout. Altérer la signification de ces mots s’inscrit dans une partie de bonneteau. Les mots auront la signification que vous voudrez leur donner.

Cela produit une culture du calcul où « le calcul des conséquences détermine ce qui doit ête considéré ou non comme moral. Et ainsi la catégorie du bien, telle que clairement décrite par Kant, disparaît. Rien n’est bien ou mal en soi, tout dépend des conséquences qu’une action laisse présager. ». Nous avons, quoi, la moitié de l’Eglise US qui calcule quand suivre ou ne pas suivre l’Eglise ? Quelle dose de calcul dans la création de scandales ? Ce n’est pas simplement le péché mais une Eglise qui, en toute connaissance, prêche et agit délibérement contre elle-même.

En outre, comme l’Europe et l’Amerique peuvent le découvrir, « nous avons le cynisme d’une culture sécularisée qui renie ses propres fondations. » De plus, « la culture des Lumières est essentiellement définie par les droits de la liberté », qui ont prospéré au point qu’ils commencent à être en contradiction les uns avec les autres, comme les droits de la mère et les droits de son enfant à naître. La contradiction tient au manque de référence à Dieu, le Dieu de la vie.

L’oubli d’une référence extérieure produit également une étrange notion de la liberté qui « conduit au dogmatisme, [et] qui se montre de façon croissante hostile à la liberté. » Il veut dire que la liberté est réelle quand elle est soumise à Dieu.

Avant que Ratzinger liste nombre de subtilités de la civilisation des Lumières, « nous devons d’abord finir de les décrire. C’est une partie de sa nature, enracinée dans une culture de la raison, qui l’a rendue consciente d’elle-même, au point de prétendre à l’universel et de ce concevoir comme achevée, n’ayant besoin d’aucun autre apport culturel. »

La prétention de cette culture intellectuellement, moralement et spirituellement fermée est combattue par l’Eglise Catholique, qui est ouverte à Dieu intellectuellement, moralement et spirituellement car, en dernier ressort, elle conçoit l’intelligence et la volonté en termes théologiques.
Ratzinger concède que « les Lumières sont d’origine chrétienne », au sens où elles cherchent une société prônant l’égalité des hommes. Mais elles sont aussi une réaction contre le Christianisme en tant que religion d’Etat. Cependant, pour le Christianisme : « seule la raison du Créateur, qui s’est manifesté dans un Dieu crucifié comme étant l’amour, peut réellement nous montrer le chemin. » C’est l’alternative à l’opinion irrationnelle des Lumières sur le monde, selon laquelle la nature du monde ne peut rien nous enseigner et donc nous devons penser en termes de valeurs et de droits, imaginer notre route.

Donc, grosso modo, y a-t-il un quelconque mouvement pour identifier les courants des Lumières -au sens strict- dans l’Eglise Américaine ? Qu’en est-il de l’influence des Lumières sur les disciplines enseignées au séminaire ? Qu’en est-il de l’influence de la pensée des Lumières sur la façon de vivre des catholiques ? Et comment les Lumières influencent-elles les diocèses dans le choix et la conception de leurs programmes ? Le discours de Ratzinger devrait être le début de quelque chose, et non pas une note en bas de page dans l’histoire – ce qui serait le mode opératoire des Lumières.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/the-shell-game-in-modern-culture.html

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Bevil Bramwell, prêtre chez les Oblats de Marie Immaculée, enseigne la théologie à Catholic Distance University. Il tient le département de philosophie du collège de Boston et travaille dans le domaine de l’ecclésiologie.