Don Giovanni à l'Opéra Bastille ou un Mozart bizarre - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Don Giovanni à l’Opéra Bastille ou un Mozart bizarre

Copier le lien

L’Opéra Bastille accueille jusqu’au 21 avril 2012 le Don Giovanni mis en scène par Michael Haneke en 2006. On peut s’étonner d’une reprise qui transforme le chef-d’œuvre de Mozart en une ennuyeuse trash story.

Don Giovanni, commandé à l’origine par l’Opéra de Prague, précède de peu la Révolution française de 1789. Inspirée par le mythe du séducteur démoniaque, l’œuvre connaît un succès jamais démenti. On le considère volontiers comme « l’opéra des opéras », tant cette œuvre de maturité porte à son zénith le talent prodigieux de Wolfgang Amadeus Mozart. Dès lors, comment servir et transcender une œuvre jouissant d’une telle aura ?

C’est le défi relevé par Michael Haneke en 2006 et reproduit à l’identique en 2012. Né à Munich en 1942, ce metteur en scène qui aime créer la polémique avec des films aux sujets sulfureux, a triomphé à plusieurs reprises au festival de Cannes avec la Pianiste et le Ruban blanc. Avec ses fidèles comparses, Christoph Kanter pour les décors, Annette Beaufaÿs pour les costumes et la collaboration d’André Diot pour la création lumière, il livre un étrange Don Giovanni qui, tout en se voulant contemporain, sonne bizarrement sépia.

Le décor, très actuel, pourrait être celui d’une entreprise sise dans une tour à la Défense ou même un grand hôtel à New York ! Côté cour, de vastes baies vitrées convexes supposées surplombées l’abîme d’un gratte-ciel et, côté jardin, une coursive s’ouvrant sur des bureaux et des ascenseurs. Verre, acier, univers bleuâtre et froid où se morfond Leporello (David Bizic) le rabatteur de Don Giovanni (Peter Mattei) occupé quant à lui à circonvenir Donna Anna (Patricia Petibon), oie blanche à la veille de convoler en justes noces avec Don Ottavio (Bernard Richter et Saimir Pirgu en alternance). Le valet tue l’ennui en grignotant son casse-croûte et c’est son propre couteau qui servira à Don Giovanni pour tuer le père d’Anna venue en fâcheux demander compte de l’honneur perdu de sa fille. Survient alors Donna Elvira (Véronique Gens), conquête bafouée cherchant vengeance, affublée d’un long manteau camel pas vraiment affriolant. Et quasi sur ses talons, la troupe des techniciens de surface en blouse grise et masque de Mickey, parmi lesquels Zerlina (Gaëlle Arquez ) et Masetto (Nahuel di Pierrot) promis l’un à l’autre, n’était le génie maléfique du héros s’ingéniant à user d’un droit de cuissage quelque peu suranné.

En sarrau de méchante toile et baskets blanches, le jeune couple peine à apparaître glamour et Don Giovanni fait figure de vrai psychopathe pervers pour déceler le moindre sex-appeal sous cet accoutrement, tandis que le livret chanté évoque de jeunes paysannes accortes et fraîches dansant à la fête du village !

Le décalage est tel entre la grâce musicale qui s’élève de la fosse d’orchestre conjuguée à l’excellence des voix chantées et l’affligeante banalité de l’univers évoqué par les choix de mise en scène, qu’on décroche à tout moment de l’illusion théâtrale en se demandant par quels détours tortueux de la pensée unique on a pu en arriver à ce fiasco insipide. Où est « la soif de l’infini dans la volupté » que célébrait Musset ? On est tout au plus dans le fait divers politico-médiatique : ce Don Giovanni, c’est DSK au Sofitel !

http://www.qobuz.com/info/MAGAZINE-ACTUALITES/SUR-SCENE/Reprise-de-Don-Giovanni-a-l-Opera65383

http://toutelaculture.com/2012/03/un-don-giovanni-en-costume-de-finance-a-lopera-bastille/