Tandis que Dominique Strauss-Kahn doit faire face non seulement à de nouvelles rumeurs liées au réseau lillois de proxénétisme, mais aussi aux révélations sur son épouse, risquant d’éclairer les raisons de leur connivence, le nouveau héraut du Ps, lui, semble avancer sans coup férir sur la scène politique. Il faut dire que celle-ci lui avait été généreusement ouverte : quatre débats télévisés sur des chaînes grand public, deux soirées électorales, une multitude d’interviews et de reportages comme s’il s’était agi de la vraie présidentielle, le tout révélant une collusion peu discrète avec la majorité des médias.
Le champion de la gauche est donc annoncé vainqueur de Nicolas Sarkozy à au moins 60% alors que, au début de l’année, il n’était guère considéré capable de représenter le Parti socialiste. Il y a là une victoire de l’opiniâtreté personnelle et une persistance politique héritées d’un homme avec lequel il a en fait entretenu peu de rapports, François Mitterrand ; comme lui, il va incarner une forme de « force tranquille » face au sortant qui, pour apparaître moins vibrionnant, a souvent donné le tournis à ses compatriotes. Du coup, sans le charisme de celui qui avait réussi à incarner toute la gauche — bien que n’étant pas réellement l’un des siens ! —, François Hollande a incontestablement le vent en poupe. Simple élu local, en Corrèze, il peut même paraître un homme neuf, dont le côté rassembleur a été accru par le ralliement, au second tour de la primaire, de tous les autres candidats face à une Martine Aubry réduite au rôle de repoussoir.
Homme d’une gauche ouverte vers le centre, François Hollande va devoir chasser sur les mêmes terres que Nicolas Sarkozy et François Bayrou tout en satisfaisant les représentants de la gauche dure chez lui, au Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon et chez les écologistes d’Eva Joly, toujours soucieuse de « sortir du nucléaire ». Pour compenser son libéralisme économique et son mondialisme — que Marine Le Pen aussi lui reproche en le présentant en « frère siamois de Nicolas Sarkozy » — il devra donner des gages dans le domaine de la culture et des mœurs. On le savait déjà favorable au « mariage » homosexuel, on lui découvre aujourd’hui d’autres engagements. Ainsi, par le biais de l’amendement n° 3775 au projet de loi de finances pour 2012, il entend contrer tout « financement d’activités d’enseignement privé hors contrat ». Enfin, dans Le rêve français (Toulouse, Privat, 2011, 288 pages), il s’oppose à « une vision agressive et caricaturale du passé national où toute perspective critique serait bannie au bénéfice de discours incantatoires sur la grandeur de la France » car, selon lui, « l’Histoire sert de repères [sic, au pluriel] à condition d’avoir une vision claire, de donner une place à ceux dont on a compris plus tard l’importance du combat » (pp. 39-40). Autrement dit, il refuse l’exaltation du passé national et veut mettre l’Histoire au service de sa vision politique.