Le Magistère de l’Église offre bien plus à l’Afrique que le New York Times.
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Lors de la dernière fête des mères: l’éditorialiste Nicholas Kristof, du New York Times, publiait un article sur la mortalité des femmes en couches en Afrique. En d’autres articles il attirait l’attention au sujet de la traite des hommes, et son intention d’aller voir ce qui se passe en certains coins mal famés du monde afin d’en commenter les tragiques situations révèle une démarche louable en vue de préserver de grandes souffrances et d’injustices des populations vulnérables. Malheureusement son souci se heurte à un lourd malentendu.
Il soutient que le planning familial détient la méthode pour sauver « beaucoup parmi les 350 000 femmes qui meurent en couches chaque année de par le monde » — et déplore qu’on ose ne pas en convenir. On légifère sur la contraception des chevaux sauvages, note-t-il, pourquoi traiter les humains différemment?
Il reconnaît qu’on pourrait gérer à l’aide de compétences médicales élémentaires les conditions susceptibles d’entraîner le décès en cours d’accouchement. Mais au lieu de porter une attention méritée sur cette question, il saute à sa « solution » : si les Somaliennes avaient moitié moins de grossesses — il y vient sans coup férir — il y aurait moitié moins de morts lors des accouchements. Si d’un coup la solution préconisée par Kristof était appliquée, le nombre de décès en couches diminuerait, mais le taux de 640 pour 100.000 naissances ne changerait pas. À comparer au taux de 14 pour 100.000 naissances dans les pays développés.
Peut-on m’expliquer en quoi ce serait une « solution »? La contraception ne guérit pas une femme anémique ou victime de complications au terme de sa grossesse. Pour Kristof, il est évident que les femmes enceintes sont un des éléments du problème qu’on pourrait résoudre ou au moins atténuer par élimination ou prévention de la grossesse. Ce point de vue global ne saurait évidemment être celui d’un chrétien. Mais peut-on l’étiqueter « humanisme séculier »? — rabaisser la valeur de la vie humaine, en mépriser la transcendance, c’est finalement tolérer que les puissants dominent les faibles; est-ce le bon genre de solidarité nécessaire pour résoudre de vrais problèmes d’infrastructure et de développement des populations?
Je n’ai toujours pas un « iPhone », mais si on pouvait brancher automatiquement les lecteurs sur l’indispensable correctif à l’article de Kristof, ce serait sur un article des Docteurs Mulcaire-Jones et Bob Scanlon dans « Linacre Quarterly ». Cette revue trimestrielle est publiée par l’association digne de foi « Catholic Medical Association » — ne pas confondre avec l’association « Catholic Health Association » (qui a soutenu le projet « Obamacare »).
Les auteurs relèvent, ce que Kristof omet : « au milieu de la nuit, on ne peut sauver une femme victime d’une hémorragie à l’accouchement à l’aide d’un contraceptif ou ou d’une directive anticonceptionnelle. Un nouveau-né asphyxié ne ressuscitera pas à l’idée que sa conception aurait pu être évitée.»
Ils notent que le modèle de « Santé de la procréation » soutenu par les Nations Unies au cours des deux dernières décennies n’a guère apporté d’améliorations en Afrique car on n’a pas visé les causes de 90% des morts liées à la maternité, mais, comme Kristof le recommande, en cherchant à empêcher les grossesses plutôt que soigner les femmes enceintes et les nouveaux-nés. « Cette stratégie de démission a non seulement largement raté l’objectif — les causes majeures de mortalité maternelle (troubles d’hypertension, travail d’accouchement difficile, hémorragies) — mais encore a trahi la vocation des soins en obstétrique — l’obstétrique est faite des soins donnés à deux personnes, la mère et son fœtus.»
Ce sont des remarques de bon sens, et dans un monde sensé on devrait porter davantage les investissements sur ce qu’on sait efficace pour préserver la vie des mères et des nouveaux-nés lorsqu’ils sont le plus vulnérables (dès le début des douleurs, et pendant les sept jours suivants) : présence d’auxiliaires compétents capables d’identifier les complications et d’y apporter les soins appropriés, disponibilité d’antibiotiques, de banques du sang sécurisées, et autres agents pour prévenir les hémorragies postnatales.
Ils ont mis au point et commencé à appliquer leur propre programme « Naissances en sécurité » conçu pour agir ainsi. Qu’une telle suggestion soit considérée par les bureaucrates qui tiennent les cordons de la bourse comme marginale ou dangereusement révolutionnaire plutôt qu’incontournable est d’une affligeante tristesse pour la santé publique.
L’équipe Mulcaire-Jones & Scanlon ainsi que Kristof débutent leurs articles respectifs par le récit poignant de mères mourant en couches. C’est évidemment un moyen efficace pour accrocher le lecteur; ces récits devraient déclencher une réaction immédiate. Mais leurs recommandations contradictoires prouvent qu’un seul est fondé sur une compassion authentique et l’honnêteté intellectuelle médicale. Quoi que Kristof cherche à nous faire croire, la compassion ne sera pas touchée en résolvant par des demi-mesures la moitié du problème. D’un autre côté, la vue de Mulcaire-Jones & Scanlon sur l’homme et son développement, explicitement fondée sur la théologie catholique et sur l’enseignement du Magistère, prouve que leur approche du problème est toute différente, et d’une hauteur bien plus grande.
C’est un exemple flagrant de l’enjeu des débats en cours sur l’identité catholique des organismes charitables catholiques. Leur approche sensée, désespérément urgente, de la mortalité maternelle n’est guère susceptible d’attirer les aides publiques de Genève ou de Washington. Mais c’est justement le type d’initiative valable que les organismes catholiques devraient s’efforcer de soutenir.
Les organismes ont, contrairement à l’ONU, la possibilité d’agir en pointe. Bien sûr, l’Église n’a pas des moyens équivalents à ceux des donateurs occidentaux en faveur de la « Santé de la procréation », et nul ne prétendra qu’il n’y a pas de défis colossaux à surmonter, même avec les meilleures méthodes. Mais l’infrastructure de l’Église en Afrique est inégalable. Et il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir du témoignage moral, serein et actif, comme en atteste la vie de Jean-Paul II. Un « NON » à une collaboration avec les programmes de l’ONU est bon et nécessaire. Mulcaire-Jones & Scanlon nous proposent en contrepartie l’indispensable « OUI ».