Aroldis Chapman, le célèbre lanceur gaucher des Reds de Cincinatti. Il lance sa balle à 169 km/h (cf wikipedia).
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Je parlais l’autre jour à mon cours de pensée critique de la différence entre les arguments et les explications. Une explication rend compte de quelque chose dont la vérité n’est pas en cause. Si, par exemple, vous me demandez pourquoi l’équipe des Packers de Green Bay, dans le Wisconsin, a gagné le Super Bowl, je peux vous donner plusieurs raisons. mais la plus simple est qu’elle a marqué plus de points que l’équipe des Steelers de Pittsburgh. Nous ne disputons pas le fait que ce sont les Packers qui ont remporté la victoire. Je n’essaie pas de le prouver. tout ce que je fais, c’est de vous donner une explication simple de la raison pour laquelle ils ont gagné.
Inversement, si vous me demandiez pourquoi je pense que croire en Dieu est rationnel parce que vous doutez, quant à vous, de son existence et pouvez avoir envie d’y croire, je peux vous donner plusieurs raisons. En faisant cela, ce que je vous présenterais serait une série d’arguments pour prouver la véracité d’une croyance sur laquelle nous ne sommes pas d’accord entre nous.
En classe, j’ai pris un exemple dans le manuel de Peter Kreeft, Socratic Logic (3.1c) et ai demandé à mes étudiants si ce qui suit était un argument ou une explication : « La vitesse des balles de baseball est plus grande si elles sont lancées par des hommes que par des femmes parce que les hommes ont plus de force musculaire dans le haut du corps ». La bonne réponse est qu’il s’agit d’une explication parce que la raison est donnée (« les hommes ont plus de force musculaire dans le haut du corps ») pour justifier un fait qui est indiscutable (« la vitesse des balles de baseball lancées par des hommes est plus grande »). Du moins, c’est ce que je croyais.
Comme pratiquement tous les autres à Baylor University, mes étudiants sont intelligents et désireux d’apprendre. Mais comme la plupart de leurs congénères dans d’autres établissements, ils ont été formés à une culture plus vaste, qui vient des écoles qu’ils ont fréquentées, des médias qu’ils consomment, et qui leur a appris que les jugements universels portant sur la nature des choses sont par nature injustes. Il y a, bien sûr, du vrai dans ceci, mais seulement dans la mesure où cela relève du jugement universel.
Ainsi, on aurait tort, par exemple, de porter un jugement négatif sur quelqu’un uniquement en raison de sa race, sans savoir rien d’autre de lui. Mais, par une ironie, la raison pour laquelle ce jugement particulier est faux tient précisément à ce que nous avons conçu un jugement universel sur l’ensemble des êtres humains, à savoir que chacun de nous possède une dignité intrinsèque en raison de la nature que nous partageons.
Bien entendu, si une personne commet un acte immoral, nous jugeons que celui qui le commet a tort. Mais nous le faisons précisément parce que nous respectons son humanité et la capacité de choix moral que possède par nature tout être humain. Même si certains êtres humains ne peuvent pas exercer cette capacité pour cause d’immaturité ou de maladie, ils n’en sont pas moins des sujets moraux qui méritent le respect moral. Ils ne relèvent pas moins de la nature humaine que leurs congénères au jugement mûr et sain.
Bien entraînés par leurs professeurs à repérer et à condamner, à la réflexion, les jugements universels, certains de mes étudiants se refusaient à admettre la bonne réponse, qu’ils considéraient comme un pur préjugé. Ils semblaient penser que dire que « les balles de baseball lancées par les hommes sont plus rapides que celles lancées par des femmes » revient à se complaire dans état d’esprit irrationnel, antique et démodé, indigne de l’époque éclairée à laquelle nous vivons. Si c’est le cas, ils ont bien tort.
La capacité que possède l’esprit humain de former des jugements universels distingue les hommes des autres choses telles que les babouins, les escargots ou les rochers. Et donc, en dépit de toutes leurs bonnes intentions, les professeurs de culture de mes étudiants ne leur ont pas rendu service. Car quiconque apporte une aide en atrophiant le fonctionnement propre de l’esprit est un ennemi de l’éducation, même si, dans son cœur, il s’en croit un ami.
Le bonne réponse est juste parce qu’il y a une différence entre la compréhension d’un terme et son extension. Ainsi, par exemple, si je dis que l’Amérique est un pays riche, je dis quelque chose qui est juste d’un point de vue général pour ce qui est de l’Amérique prise dans son ensemble, mais qui ne l’est pas par rapport à chacun des membres de la population pris en particulier.
Les deux mots les plus importants dans le problème posé à la classe sont « hommes » et « femmes ». Si je devais dire qu’en tous les cas, une balle de baseball va plus vite si elle est lancée par un homme que par une femme, je penserais « homme » et « femme » sous l’angle du particulier. C’est-à-dire que je parlerais de chaque homme et de chaque femme. Dans ce cas, mon affirmation que « tous les hommes lancent des balles de baseball plus rapides que celles lancées par les femmes » est évidemment fausse, puisqu’il y a certaines femmes qui lancent plus vite que certains hommes. Inversement, quand je dis que « les balles de baseball lancées par les hommes ont une vitesse supérieure à celles lancées par les femmes parce qu’ils ont plus de force dans le haut du corps », je me réfère à ce qui est vrai en prenant les hommes en général. Et dans ce cas, il est irréfutable que les balles de baseball lancées par les hommes en général sont plus rapides que celles lancées par les femmes en général.
La distinction entre le particulier et le général est claire, facile à comprendre, et essentielle au bon exercice de nos capacités intellectuelles. C’est pour cela que le politiquement correct nous rend stupides.
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Francis J. Beckwith est professeur de philosophie and et d’études politico-religieuses à la Baylor University. Son dernier livre est « Politics for Christians: Statecraft as Soulcraft ». Il a un blog : returntorome.com.
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