La plupart des programmes d’aide sociale lancés voici longtemps avaient pour but d’aider la pauvre jeune femme mère célibataire par une faute de jeunesse, ou le pauvre jeune homme affamé et privé d’emploi. Le système de redistribution se justifiait en tant qu’usage charitable et équitable d’un surplus de richesse. Le bien-fondé de cette formule de redistribution doit être révisé, presque tous les organismes d’assistance étant perturbés par la dépravation des comportements sexuels.
Actuellement 41% des enfants Américains naissent hors mariage, et pour les enfants nés de parents mariés, les divorces en touchent beaucoup, au point qu’à l’âge de 17 ans, il ne restait en 2008 que 45% de nos enfants vivant chez leurs parents dans une famille intacte. Les parents des 55% restants se sont repoussés et séparés.
Une telle fracture entraîne un fort accroissement des besoins en aide, santé et soutien psychologique, aide à l’enfance, et autres — et donc une progression massive des coûts tant dans le domaine de l’éducation que de la prévention. Cette progression massive des dépenses est supportée de façon disproportionnée par les familles stables. Du fait qu’elles sont dans la norme, elles ont de meilleurs revenus, peuvent mieux épargner, et paient plus d’impôts. Les parents qui se séparent pensent (même inconsciemment) «les autres peuvent bien payer le surcoût pour moi et mes enfants.»
À mon avis, il est temps de revoir le problème, non pas encore politiquement, mais dans l’optique de la doctrine sociale de l’Église, de sorte que notre pays puisse suivre des règles sociales sensées. Qu’on l’aborde ou non, ce problème et les milliers de problèmes liant famille et finances publiques créeront des tensions alors que les 55% de ruptures de couples deviendront probablement 70% en 2025 — dans seulement quatorze ans. Il nous faut des principes bien établis pour orienter les efforts à venir.
Les réponses aux questions suivantes (et à bien d’autres) doivent s’articuler sur de solides principes.
– Est-il équitable de transférer massivement des dépenses d’une minorité de familles stables au profit d’une majorité de familles décomposées?
– Quand des millions et des millions de célibataires aux États-Unis décident d’accomplir l’acte sexuel (un « droit » tel que décrété par la Cour Suprême, affaire Eisenstadt contre Baird en 1972) ils font un choix. Est-il équitable de leur demander d’en subir totalement les conséquences financières?
– À l’issue d’un divorce, pourquoi le demandeur (ou les deux s’il s’agit d’un divorce par consentement mutuel) n’aurait-il pas à en assumer tout le coût?
Serait-il équitable que les États révisent leurs législations fiscales afin de favoriser franchement les familles stables (et ainsi relever leur revenu disponible et réduire les prélèvements sociaux et les dépenses d’éducation et de prévention)? À ce propos, les familles recomposées pèsent sensiblement plus lourd sur la charge collective et ne devraient logiquement pas bénéficier comme des familles stables de semblables exemptions incitatives.
– Serait-il équitable que les taxes locales soient ajustées de même, pour les mêmes raisons?
– Les États et les collectivités locales devraient-ils inciter à l’installation les familles répondant au critère de stabilité de la même façon qu’ils incitent les entreprises à s’installer dans leurs régions par des exemptions de taxes?
– Ou devrait-on chercher d’autres formes de redistribution atténuant l’injustice commise à l’encontre des familles stables ?
– Devrait-on confier non aux nécessiteux mais aux contribuables les bons d’achats? Ceux-ci les remettraient aux organismes caritatifs appropriés qui les distribueraient selon leurs indications ?
– Serait-on fondé à demander aux nécessiteux d’adhérer à certains comportements pour leur ouvrir des droits à une telle redistribution?
Serait-on fondé à créer des caisses distinctes alimentées par différentes catégories de cotisants / bénéficiaires — à l’instar des compagnies d’assurances qui différencient leurs prestations selon les structures familiales ? L’inégalité de ressources qui en découlerait serait-elle injuste envers les moins aisés ?
– À quel point ceux qui adoptent délibérément un comportement sexuel inconsidéré cessent-ils d’inspirer pitié et distribution d’allocations publiques et devraient être priés d’assumer leurs dépenses, ou bien de faire appel à la charité privée ou à un système de bons d’achats tel que suggéré ci-dessus — forme de charité locale, sélective et auxiliaire.
– Le gouvernement ayant retiré sa protection au mariage (son devoir essentiel), comment les familles peuvent-elles s’organiser pour compenser cette défaillance, cette injustice gouvernementale ? Quand la loi est injuste sur un sujet aussi fondamental, comment être fidèle au gouvernement considéré ?
– De quelle sorte de droits d’association et de défense dispose la famille stable dans le chaos du système post-moderne ?
– La famille dispose-t-elle d’un droit équivalent au droit de grève « juste »?
– Quelles conditions faut-il remplir pour mériter le qualificatif « juste ».
Quand Léon XIII amorça la tradition des grandes encycliques sociales, le sort injuste des travailleurs et l’impact sensible sur les familles et sur la société étaient l’incitation à développer tout ce courant d’exploration doctrinale et d’expression de principes.
Cent-vingt ans plus tard, le monde socio-politique a évolué et, essentiellement en raison de l’individualisme foncier des nécessiteux eux-mêmes dans leur comportement sexuel, de nouvelles injustices se sont installées.
Quels principes devraient alimenter la pensée des Catholiques et autres gens de bonne volonté ? Quels principes devraient être inviolables dans le tracé d’un chemin vers un ordre nouveau. Que faut-il retenir, et que faut-il rejeter dans le propos Catholique ? Quand la justice redistributive devient-elle une incitation à l’injustice? (je crois que le pas a été franchi).
Sans alternatives originales nous ne pourrons ni procéder à une redistribution équitable, ni faire la charité, ni étayer un ordre social de plus en plus injuste. Il est temps de chercher une voie comparable au chemin tracé par le Pape Léon XIII à une époque de véritables injustices. Peut-être découvrirons-nous un jour quelque document analogue à « Rerum horrendarum » [Les horreurs du siècle] ou, si on reste optimiste, « Iter serenum » [la voie de la sérénité].
Patrick Fagan est directeur de l’Institut de Recherches sur le Mariage et la Religion (MARRI) au Conseil de Recherche sur la Famille. Mapping America publie des études et sondages sur ces différents sujets.
Pour aller plus loin :
- Les soins de santé sont un droit, mais cela n’amène pas Sanders bien loin
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Le droit au mariage des personnes transsexuelles devant la Cour européenne
- Une Encyclique sur l'homosexualité ?
- Un temps pour détruire, un temps pour construire