Aujourd’hui, jour de grève! C’est un classique très français. Je me souviens d’une protestation autrefois, du président si francophile du Sénégal, Léopold Cédar Senghor, se plaignant de ce pays toujours en grève. Pourtant, Senghor était socialiste à Dakar! Mais il faut bien s’y résoudre. Chez nous, il y aura toujours deux camps, celui des pro et des anti. Les anti vitupèrent un pays rétrograde, incapable de se réformer, et qui ne trouve rien de mieux que d’organiser périodiquement une super-pagaille, au demeurant la plus antisociale qui soit. En paralysant les transports, on porterait préjudice aux plus humbles et aux plus pauvres, et on pénaliserait l’ensemble de la population en désorganisant notre appareil économique.
Et puis il y a les pro, et je dirais même les mordus. Pour eux un jour de grève, c’est une vraie fête, surtout à cause des grandes manifs qui renouvèlent régulièrement les sortilèges du premier mai. Un de mes meilleurs amis ne raterait pour rien au monde une de ces manifs, où, au delà de la fraternité du monde des travailleurs, il sent battre le pouls d’une France qui ne se rend pas. A l’heure où on se plaint du déclin généralisé de notre syndicalisme et de la faiblesse de l’engagement social, les grandes manifestations de protestation marqueraient le retour d’un peuple dont les esprits forts annoncent la disparition, depuis que le Parti Communiste des grands jours est promis aux oubliettes de l’histoire et que l’élan de 1936 et de 1968 est relégué au musée des rêves et des statues de cire.
Oh je ne prendrai pas partie pour les uns contre les autres… Non que je sois trop prudent pour me mouiller. Je constate avec réalisme deux catégories qui coexistent et qui, bon gré mal gré, forment un unique peuple. Un peuple qui se chamaille, mais qui, cahin-caha, doit trouver les solutions nécessaires à sa pérennité, et aujourd’hui à sa sortie de crise.