La sérendipité est, nous dit-on, l’« aptitude à découvrir par hasard des choses positives ». En entreprise, on parle d’une créativité accidentelle due à des circonstances que nous n’avons pas maîtrisées : chance, maladresse ou erreur.
Cette satanée grippe A, donc, pourrait-elle favoriser des découvertes providentielles ? C’est la valeur d’une crise (« danger » + « opportunité » en chinois) que de changer la donne, nous libérant de la routine.
Prenons la rentrée scolaire toujours éprouvante pour les familles. Voilà que plane le doute. Et si l’H1N1 venait bientôt offrir aux écoliers des vacances imprévues ? Ceux qui sont moins ravis que les autres de retrouver leurs cahiers se prennent à rêver… Il suffit que le Préfet sache compter jusqu’à trois. À partir de ce nombre d’enfants atteints dans une même classe, elle pourra fermer. On parle de programmes scolaires télévisés pour ne pas abandonner les élèves à l’oisiveté. Se souvenant de l’aridité des anciennes émissions éducatives, certains parents lorgnent déjà sur la pile des DVD familiaux.
Pourquoi ne pas se réjouir de l’hypothèse que les enfants soient – exceptionnellement et provisoirement – affranchis de l’école, cette vaste entreprise collectiviste qui impose, grosso modo, à tous les citoyens en herbe d’une même tranche d’âge de faire la même chose en même temps ? Et, cette fois, la fermeture serait non conflictuelle, plutôt que due à une grève.
Les entreprises elles-mêmes (où s’élaborent des plans de défense contre la pandémie) envisagent de doper le travail chez soi. Il pourrait libérer nombre de Franciliens du harassant aller-retour domicile-bureau et nous révéler qu’on peut être performant autrement.
Les voitures au repos, c’est bon pour les émissions de gaz à effet de serre !
Voilà même que la coïncidence entre la fermeture des crèches et le retour forcé des pères à domicile pourrait offrir à tous les précieux moments familiaux qui font souvent défaut.
Et si la crise nous humanisait ? Dans le métro, il faut un sérieux incident pour que les gens se regardent et se parlent. Lors de grandes pannes d’électricité, on renoue avec ses voisins, sur l’air d’ « Au clair de la lune… prête-moi des bougies » ; ceux qui restent entre soi sont privés de télévision et un pic de natalité est toujours observé 9 mois plus tard… On peut aussi penser à la personne âgée seule qui vit sur notre palier… Se montrer solidaire avec les plus vulnérables, c’est le grand défi de la pandémie.
L’État démontre là sa nécessité, tout en faisant appel à l’engagement de tous. Qu’on soit de ceux qui ironisent sur les grandes peurs collectives ou de ceux qui sont enclins à les embrasser, avouons qu’il est rassurant aujourd’hui, de vivre dans un pays doté d’une solide administration et d’un système de santé performant. La quête du bien commun fondée sur des arbitrages politiques et des appels au civisme devient incontestable. L’urgence d’une solidarité planétaire se fait même évidente.
Et finalement, c’est le respect de la vie de chacun – spécialement des plus fragiles – qui se révèle une valeur consensuelle, pour laquelle nous sommes appelés à modifier nos comportements.
L’un d’eux est emblématique : il s’agit du lavage des mains, rite auquel les autorités sanitaires nous invitent à nous adonner avec lenteur et précision… Juste retour des choses car c’est à lui que beaucoup d’entre nous doivent la vie. En 1847, un médecin Hongrois, le docteur Semmelweis, a soudain compris pourquoi le taux de mortalité des jeunes accouchées était si élevé dans son service. Depuis cette date les sages-femmes et les médecins accoucheurs se lavent les mains et la mortalité maternelle et néonatale s’est effondrée.
En hommage au génial Semmelweis, faisons donc comme vœu de rentrée que la France fasse preuve de « sérendipité ».