On s’y attendait : les jours du juge d’instruction paraissent aujourd’hui comptés. Le rapport du Comité Léger concernant la réforme de la justice pénale a repris à son compte les orientations données par Nicolas Sarkozy lui-même en prônant la suppression du magistrat instructeur au profit des magistrats du parquet.
Faut-il le rappeler ? cette suppression du juge d’instruction s’inscrit d’abord dans l’actualité. Il y a eu récemment la fameuse affaire d’Outreau, avec les comportements reprochés au juge Burgaud. On peut aussi rappeler le comportement de certains magistrats instructeurs dans les affaires concernant le monde politique depuis les années 1980, et même remonter à la fameuse affaire de Bruay en Artois, en 1972, où l’on a vu le « petit juge » Pascal s’acharner contre un suspect pour des motifs visiblement idéologiques, sans jamais parvenir à le confondre.
Mais la suppression du magistrat instructeur correspond à une tendance plus profonde qui est la remise en cause du système inquisitoire français au profit du système accusatoire qui est celui des tribunaux anglo-saxons, popularisé par les séries et les films américains. Dans un tribunal français, le juge mène les débats, appuyé sur les résultats de l’instruction. Dans un tribunal américain, l’instruction se fait à l’audience, avec la confrontation de l’accusation et de la défense.
Le système américain est sans doute très télégénique, mais la réalité paraît bien loin des représentations idéalisées. Ce système est en effet fort défavorable (pour ne pas dire impitoyable) aux plus démunis : expertises, frais divers, tout est à la charge des parties (et donc de l’accusé), à la différence de ce qui se passe dans notre pays.
La suppression du juge d’instruction pourrait bien n’être qu’une fausse bonne idée. Alors que le juge d’instruction est un magistrat inamovible et indépendant, le parquet, appelé à remplir ses missions dépendra directement de la Chancellerie, et donc du pouvoir politique. Quant au juge « de l’enquête et des libertés », son rôle se bornera à contrôler le déroulement de l’enquête judiciaire. L’indépendance de la justice a tout à y perdre, pour ne rien dire des justiciables.
Réformer l’institution judiciaire est une nécessité, nul ne peut sérieusement le nier. Mais la suppression du juge d’instruction est-elle vraiment une réforme ?
Serge PLENIER © Acip