Le gouvernement égyptien « ordonnait immédiatement » le mercredi 29 avril, l’abattage des quelque 300 000 porcs du pays. Une question de santé publique, estiment les autorités, mais qui touche directement les chrétiens, qui représentent 15 pour cent des 76 millions d’habitants que compte le pays.
Par Mario Bard, AED-Canada
La majeure partie de la population est musulmane et ne mange donc pas de porc. Alors, à qui appartiennent-ils? Aux chrétiens, principalement à ceux qui vivent dans les dépotoirs, gagnant leur vie grâce au recyclage. Dans certains quartiers de la capitale, Le Caire, on trouve les cochons un peu partout, car ceux-ci ne sont pas tenus en enclos. C’est pourquoi on les retrouve souvent dans la rue. Tous les experts interviewés dans le monde disent la même chose : ces animaux ne représentent aucun danger de transmission de la grippe porcine; ils ne sont que des incubateurs de celle-ci, d’où le nom de grippe porcine. De plus, la transmission demeure, pour l’instant, une énigme, et aucune preuve de transmission d’un animal à un humain n’a été observée. De plus, une chose est sûre : le porc cuit ne représente aucun danger à la consommation puisque le Virus est automatiquement détruit.
Dans un communiqué diffusé la semaine dernière, l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE), déclarait : « L’information scientifique actuellement à la disposition de l’OIE et de ses partenaires indique que ce nouveau virus de l’influenza A/H1N1 se transmet d’homme à homme et aucune infection parmi les porcs, ou du porc à l’homme, n’est prouvée. » (fin avril 2009)
Les experts de cette organisation vont même jusqu’à déclarer qu’il faudrait nommer autrement cette grippe : « L’OIE estime par conséquent qu’il est inapproprié de désigner la maladie sous le nom de “grippe porcine” », indique dans une note sur le site web de l’organisation, son directeur Bernard Vallat. Les experts se sont entendus pour nommer cette grippe « grippe A ».
Enfin, l’OIE continue en soulignant qu’ « Il n’est pas nécessaire de prendre des mesures particulières à l’égard du commerce international des porcs ou des produits issus des porcs s’il n’y a pas de foyers animaux confirmés dans les zones où sont détectés les cas de grippe humaine, ni de considérer qu’il y a un quelconque risque sanitaire pour les consommateurs de ces produits. » En Égypte, il n’y a eu aucun cas détecté jusqu’à maintenant. (5 mai 2009).
Pourquoi?
Alors que l’OIE déconseille l’abattage systématique, pourquoi le gouvernement égyptien ordonne-t-il cet abattage? Il y a peut-être une réponse dans le climat de tension où se trouvent les chrétiens depuis les années 70, par rapport au gouvernement. Autrefois, le pays vivait une laïcité ouverte, du moins en ce qui concerne ses élites dirigeantes, intellectuelles et professionnelles. L’Égypte est aujourd’hui traversée par les mêmes courants fondamentalistes islamiques, que dans le reste des pays à majorité musulmanes. La constitution égyptienne établit ceci à l’article 2 : « L’Islam est la religion de l’État dont la langue officielle est l’arabe; les principes de la loi islamique constituent la source principale de législation. » Par contre, à l’article 46, « L’État garantit la liberté de croyance et la liberté de l’exercice du culte. »
Bien qu’elles clament officiellement la séparation entre état et religion, et disent garantir la pleine liberté de croyance et de religion, les autorités actuelles ne prêchent aucunement par l’exemple. Tout d’abord, la religion est inscrite sur la carte d’identité égyptienne, créant des occasions multiples de discrimination. Ensuite, depuis plusieurs années, les chrétiens ont de plus en plus de difficultés à obtenir les autorisations nécessaires pour faire construire ou simplement réparer des lieux de cultes. Enfin, des convertis au christianisme sont régulièrement menacés de mort par leur famille, et si le meurtre survient, la police est étrangement lente à ouvrir une enquête…
Donc, est-ce que l’abattage des porcs vise les droits des chrétiens du pays? Oui, répond sans hésiter le père Henri Boulad, jésuite et directeur du Collège de la Sainte-Famille de la capitale égyptienne – Le Caire –, de passage à Montréal, et interviewé par l’AED, Aide à l’Église en Détresse. Pour le religieux, c’est « un mouvement clairement anti chrétien », dans lequel « on ne peut pas ne pas y voir un geste de persécution envers la minorité chrétienne d’Égypte. » Que fera le gouvernement pour venir en aide aux chrétiens qui élèvent ces porcs et leur donner une juste compensation? Rien selon le père Boulad.
Par contre, selon un article de la-Croix.com paru le 4 mai, le gouvernement promet 100 livres égyptienne (21 dollars canadiens) pour chaque porc mâle abattu et 250 livres (52 dollars canadiens) pour chaque femelle. « Un argent dont les chiffonniers ont peur de ne jamais voir la couleur », indique La Croix. « “Même s’ils me donnent 5 000 livres, ce n’est pas une compensation juste : je gagne 1 000 livres (209 dollars canadiens) par mois grâce à mes porcs”, explique Lamar. » Alors, assiste-t-on ici, encore une fois, à une persécution déguisée en opération sanitaire? En 2008, Aide à l’Église en Détresse a soutenu les chrétiens d’Égypte pour un montant de 614 540 dollars canadiens.
Pour aller plus loin :
- CHRETIENS DU PROCHE-ORIENT : LES MARTYRS OUBLIES
- Irak - L’AED soutient les chrétiens qui fuient la persécution
- Persécution des Chrétiens d’Orient : quelle réponse de l’Europe ?
- Mgr Pascal Gollnisch : « Nous n’avons pas pris la mesure du danger que représente Daesch »
- En vue du prochain Synode pour le Moyen-Orient