Avec le mois de mai, le processus des états-généraux de la bioéthique lancé en février entre dans sa phase la plus active, son aboutissement étant prévu le 23 juin à Paris. D’ici là, trois forums régionaux thématiques se seront tenus à Marseille, Rennes et Strasbourg. Mais depuis plusieurs mois, le débat fait déjà rage sur la toile. Fait remarquable, mais qui n’est pas véritablement une surprise, un rééquilibrage s’y est opéré au détriment des lobbies scientistes ou des tenants d’un « droit à l’enfant ». Les neuf dixièmes des contributions au site officiel des états généraux prennent position pour le respect de la dignité humaine inconditionnelle et des droits de l’enfant. Ceux qui revendiquent la pratique des mères porteuses, l’accès aux techniques de procréation artificielle ou la recherche sur l’embryon sont minoritaires.
Il faut dire que les mouvements pour la vie et les chrétiens se sont massivement investis dans le débat, saisissant l’opportunité offerte par le concept de forum citoyen, qui n’est plus réservé aux seuls experts.
Le contraste entre l’engouement de certains et l’indifférence du grand public permet de mesurer à quel point les défenseurs de la vie diffèrent des « groupes d’intérêts ». Alors qu’ils n’ont aucun intérêt personnel à défendre, les chrétiens se passionnent notamment pour ces enjeux sociétaux.
Signe révélateur, le blog bioéthique ouvert par la Conférence des évêques de France avait reçu en avril deux fois plus de visites que le site internet gouvernemental ouvert le même jour.
Les arguments au service de la vie sont d’une telle logique scientifique et d’une telle cohérence qu’ils ne facilitent pas les tentatives de justification qui s’y opposent. Ces dernières tendent à fuir la raison. Ainsi, par exemple, tantôt, on niera l’importance de la gestation en survalorisant le biologique (pour légitimer la pratique des mères porteuses) tantôt on ne valorisera que la gestation en occultant l’importance de la filiation biologique (pour légitimer la pratique du don de gamètes ou d’embryon)…
Les organisateurs du débat ne peuvent ignorer que la loi tend à trancher au milieu du gué, selon la résultante d’un rapport de force « biopolitique » bien davantage que selon la justice et le droit véritables. Or, à en juger les plus récentes déclarations publiques, ce rapport de forces est peut-être en train de s’inverser sur des sujets aussi emblématiques que les mères porteuses, la recherche sur l’embryon et l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation pour les personnes célibataires ou homosexuelles…
Pour autant, rien ne garantit que les promoteurs de la dignité humaine seront au final suivis. D’une part, on peut s’interroger sur la façon dont les panels de citoyens vont être constitués et surtout formés pour les grandes réunions thématiques à venir… D’autre part le dernier mot restera au Parlement. Même si la Mission parlementaire pour la révision des lois bioéthiques a déjà beaucoup auditionné, ce n’est qu’à partir de l’automne que les députés ou sénateurs non spécialistes, se pencheront sur ces sujets.
À l’issue d’un processus qui aura eu le mérite de libérer la parole, la montagne pourrait alors accoucher d’une souris : ce serait le cas si la loi était quasi-inchangée. Mais on aura peut-être évité pire…
D’ici là fleuriront les événements. Dans l’élan du travail de formation engagé par la Commission présidée par Mgr d’Ornellas, les diocèses multiplient les groupes de travail et conférences publiques. Les médias chrétiens éditent les dossiers spéciaux et émissions thématiques. France Catholique publiera à partir de la semaine prochaine une série de fiches argumentaires thématiques réalisées par l’Alliance pour les Droits de la Vie. Cette dernière organise par ailleurs une grande Tournée Bioéthique, en partenariat avec l’Office chrétien des personnes handicapées, le Comité protestant pour la dignité humaine et l’association Convergence soignants soignés. Elle fera étape dans 10 villes entre le 11 et le 27 mai.
Au programme, le décryptage des paradoxes bioéthiques et la possibilité de signer un Appel argumenté « Réconcilions la biomédecine et la vie » qui sera adressé aux décideurs. Grâce à des témoignages, certaines souffrances sociales occasionnées par le dépistage anténatal et préimplantatoire du handicap et certaines pratiques d’assistance médicale à la procréation seront révélées.
Une façon de souligner qu’un statu quo législatif resterait insatisfaisant. n
Pour aller plus loin :
- L'Eglise a-t-elle le droit de parler de bioéthique ?
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Les états-généraux de la Bioéthique
- Bioéthique à l’Assemblée les 10 et 11 février
- La tournée Bioéthique de l'Alliance pour les Droits de la Vie