LA RETRAITE A 70 ANS : OUI, MAIS…
Liberté nouvelle pour ceux qui se sentent en pleine forme ? Artifice pour sauver un système en déséquilibre ? Peut-être les deux…
La bataille est engagée autour de la retraite à 70 ans, dont l’annonce a suscité des réactions contraires. Les uns y voient une remise en cause des droits acquis : n’ont-ils pas cotisé quarante ans de leur vie pour avoir droit à une retraite à plein temps à 60 ans ? Les autres s’en réjouissent parce que l’obligation de cesser toute activité à 60 ans leur semble être une forme d’exclusion.
Les uns et les autres ont de bonnes raisons à faire valoir.
Incontestablement, la retraite à 70 ans peut se comprendre comme une liberté nouvelle, si la décision d’arrêter ou de continuer appartient totalement à l’assuré. Prolonger son activité pendant plusieurs années présente alors un double avantage :
– c’est un choix personnel : travailler tant que l’on en a envie, parce qu’on se sent en pleine forme, qu’on aime ce que l’on fait, et que le pouvoir d’achat est supérieur celui de la retraite attendue ;
– c’est une sage précaution : on accumule des droits nouveaux, bien utiles pour compenser la baisse des pensions que l’on redoute ; dans certains pays on peut bénéficier d’exemptions fiscales ou sociales (pas de cotisations à payer ou cotisations déductibles des impôts)
Ce « cadeau » n’est pas du goût des opposants. Ils font remarquer que l’assuré a été obligé de cotiser toute sa vie pour un certain niveau de retraite ; maintenant il est sinon forcé, du moins fortement incité à prolonger son activité simplement parce que le système de retraite est en déficit. Aujourd’hui on doit cotiser 41 ans au lieu de 40 de sorte que de fait (sinon de droit) l’âge légal passe de 60 à 61, puis on rejoindra sans doute la norme internationale qui est aujourd’hui de 65 ans, mais qui se rapproche, de plus en plus, de…70 ans. Ainsi le départ volontaire à 70 ans pourrait-il n’être qu’un ballon d’essai pour un départ obligatoire et généralisé à 70 ans…
Des deux côtés, l’argumentation est solide. Comment se prononcer ? Pour ma part, je salue la liberté de choix de chaque assuré, et je trouve même que le concept d’âge légal uniforme est vide de sens, ne tenant compte ni de la pénibilité du métier, ni de l’état de santé, ni de la situation de famille, ni surtout des goûts personnels. Pour autant je ne crois pas que l’on puisse rééquilibrer le système de notre Sécurité Sociale en se contentant d’en modifier ses paramètres. Bien sûr chez nous le pourcentage d’actifs parmi les personnes entre 55 et 64 ans est des plus faibles au monde (39 % contre 47 % pour l’Europe et 80 % au Japon). Bien sûr le nombre des retraités ne cesse d’augmenter et celui des cotisants de diminuer. Mais va-t-on demander aux Français de prendre leur retraite à 80 ans – ce qui arrangerait tout ? L’incongruité de la mesure démontre l’incapacité de « sauver » le système actuel et l’urgence d’en changer. Aujourd’hui le régime par répartition est le seul véritable pilier de notre système; le principe en est que les cotisations qui sortent des poches des actifs entrent immédiatement dans celles des retraités, et ne rapportent au cotisant qu’un droit théorique qu’il exercera bien plus tard et qui aura fondu entre temps comme neige au soleil. On ne peut déboucher que sur une ruine généralisée. Pour retarder l’échéance fatale, on vous dit : cotisez davantage, travaillez plus longtemps, et recevez moins.
La retraite à 70 ans nous conduit ainsi au carrefour: ou bien on fait des retraites un choix personnel et on laisse toute liberté au futur retraité de s’assurer en conséquence, ou bien on reste fidèle au principe actuel : une obligation publique en déficit permanent, croissant et irréversible.
Jacques GARELLO