Affichant un total de 6,7 kg à eux trois, les deux garçons et la fille se portent bien. Enfantés à Paris par cette Française d’origine asiatique largement ménopausée, ils ont été conçus in vitro, après un « don d’ovocytes » qu’elle affirme avoir obtenus au Vietnam. Mis devant ce fait accompli, le généreux système de santé français a tout fait pour maintenir en bonne santé la mère et ses trois enfants. Exercice difficile car, à vouloir devenir mère après l’âge, on risque des complications cardiovasculaires. Au moment de l’annonce de cette première mondiale de naissance de triplés, on apprenait qu’une autre Française, quoique plus jeune (44 ans) avait payé le prix fort après avoir tenté sa chance au marché du tourisme procréatif. Après avoir elle aussi accouché de triplés, conçus in vitro en Grèce, elle se retrouve dans le coma depuis trois mois au CHU d’Angers. Nés à six mois de grossesse, les bébés sont pris en charge par le père et une vaste chaîne de solidarité.
Ces grossesses tardives et multiples sont particulièrement dangereuses, tant pour la femme que pour les enfants, qui risquent la grande prématurité et le handicap. Mais quelle limite peut-on mettre au désir d’enfant quand il se réveille tardivement et que des apprentis sorciers vendent leur technique pour déjouer l’inexorable marche du temps ? La gynécologue Joëlle Belaïsch-Allart s’ « inquiète clairement » de recevoir « de plus en plus de demandes après 40 ans, voire entre 45 et 50 ans » qu’elle explique par « une meilleure maîtrise de la contraception, le développement des carrières féminines » et les « secondes unions dont on voudrait un enfant ». Même si les records comme celui de l’Indienne qui a accouché de jumeaux à 70 ans choquent, le vieillissement des femmes enceintes est un phénomène général.
C’est désormais à près de 30 ans en moyenne que les Françaises accouchent, un âge où déjà la fécondité baisse. A 42 ans, elle n’est plus que de 6%, naturellement, soulignent les spécialistes de l’assistance médicale à la procréation (AMP). Le « cas Rachida Dati » ne doit pas faire rêver les millions de quadragénaires qui déchanteront, estimant venu le temps d’être mères une fois leur vie professionnelle bien lancée. « N’attendez pas trop longtemps pour avoir un enfant » vient de leur écrire, chez Odile Jacob, le professeur François Olivennes, spécialiste de l’AMP. La supplique vient agacer un féminisme radical qui mesure l’inégalité entre l’homme et la femme en matière de fécondité. Car tandis qu’un opprobre quasi-unanime frappe les mères de l’impossible qui semblent attendre le troisième âge pour enfanter, ce n’est qu’à partir de 65 ans que les praticiens s’interrogent sur la légitimité d’aider un homme à devenir père. Pour les femmes, s’appuyant sur la loi bioéthique, ils posent des limites. Du fait de la pénurie d’ovocytes, les centres d’AMP ne retiennent comme receveuses que celles de moins de 43 ans, et parfois plus jeunes. La Sécurité sociale ne finance plus après cet âge. Il ne reste plus qu’à voyager pour assouvir le désir d’enfant quoi qu’il en coûte ensuite.
Il n’est pas certain que cela puisse durer : porte-parole de l’UMP, Chantal Brunel a demandé la création d’ « une mission d’information à l’Assemblée nationale afin qu’un cadre légal soit envisagé » pour ces grossesses. « L’enfant n’est pas un cadeau qu’une mère s’offre comme une robe ou une voiture. Il s’agit d’un être humain qui doit avoir autant de chances dans sa vie que les autres. Il n’est ni dans l’intérêt de l’enfant, ni dans l’intérêt de la mère, de jouer aux apprentis sorciers avec la vie », a-t-elle déclaré. Pour le professeur François Thepot, directeur médical de l’Agence de Biomédecine « L’AMP en France est faite pour traiter l’infertilité, on ne veut pas en faire un nouveau mode de procréation pour des gens qui souhaiteraient avoir des enfants en dehors du cadre naturel ». Une telle posture ne manquera pas d’alerter ceux qui entendent, à l’occasion des prochaines lois bioéthiques, s’appuyer sur les dérives de l’AMP pour en faire bénéficier des demandeurs hors du contexte d’un couple stable en âge de procréer, composé d’un homme et d’une femme.
Tugdual DERVILLE