La guerre moderne, de Roger Trinquier - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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La guerre moderne, de Roger Trinquier

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Roger Trinquier. La guerre moderne. Préface de François Géré. Collection Stratégies et Doctrines, Economica, 2008, 109 pages, 27 €.

Cette réédition de l’œuvre doctrinale du colonel Trinquier, 45 ans après sa parution, est liée sans doute à l’engouement des académies militaires américaines pour la préparation et la conduite de la guerre irrégulière, celle qui n’est pas déclarée et qui continue à sévir au Pakistan, en Afghanistan et dans bien d’autres pays.

Face au terrorisme et à la guérilla, qui selon la leçon de Lacheroy sont soutenus par les hiérarchies parallèles de l’organisation politique, le contrôle des masses est primordial, il requiert le concours de tous les moyens. Certains des moyens militaires classiques sont d’une efficacité relative : les postes fixes peuvent être noyautés, les barrages sont contournables et consommateurs de forces, les opérations d’envergure sont décelées ; l’attaque aérienne, limitée par la dispersion et le camouflage des maquisards, est compromise par les campagnes de la presse pacifiste.

La destruction de l’organisation clandestine impose la spécialisation des unités entre le quadrillage, l’action dans les zones habitées, dans les intervalles et contre les zones-refuges de l’adversaire. Le succès des armes, le dispositif de protection urbaine, l’action psychologique, l’aide sociale et le regroupement des villages renforcent la confiance de la population et contribuent à son appui inconditionnel.

Dans cette guerre où théoriquement tout est permis, Trinquier juge la torture inefficace, contrairement à la propagande adverse qui en fait le promoteur des sévices physiques. C’est une menace qui pèse sur les troupes irrégulières, mais que Trinquier se refuse à mettre en œuvre, comme en ont témoigné les officiers qui ont servi sous ses ordres dans le Secteur d’El Milia : Messmer, Dabezies et le général Jacquinet (source privée).

Cette doctrine s’appuie sur des exemples historiques qu’il faut rappeler :

– le succès américain contre la guérilla en Corée, qui à la fin de 1952 a perdu en trois mois 11.000 tués et 10.000 prisonniers,

– l’efficacité des contre-maquis du Haut-Tonkin, portés de 20.000 à 50.000 combattants de 1952 à 1954, qui ont permis l’évacuation du camp de Nasan, la reconquête de deux provinces laotiennes, l’interdiction de la route de Laovay à Dien Bien Phu et l’immobilisation de 14 bataillons Viet pendant la bataille,

– les massacres dus au terrorisme en Kabylie (2000 victimes à Michelet avant avril 1957),

– l’élimination du terrorisme en ville d’Alger, suivie de l’abandon des chefs d’ilots recrutés en 1957-58.

Le soutien de la guérilla par des Etats non-belligérants, compromis en Grèce par le retournement yougoslave, a été efficace en Indochine où l’effort militaire français a été trop tardif. La riposte consistait à porter la guerre chez l’adversaire, et à mettre en place des équipes de contact constitutives de maquis. C’est le plan (non exposé dans la guerre moderne) qu‘en février 1960, Trinquier avait proposé au ministre des armées : infiltrer un millier de harkis dans le sud tunisien, et répandre l’insécurité parmi les bases de l’ALN. Recherchant une paix de compromis, le gouvernement a refusé ce plan en octobre 1960 (référence le temps perdu, publié par Trinquier en 1978).
La guerre moderne est un livre capital, qu’il faut relire.

Maurice Faivre