3022-Du beau, du bon jeu ! - France Catholique
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3022-Du beau, du bon jeu !

Un “France-Brésil” d’anthologie pour redécouvrir la valeur du sport pour une nation. Au-delà de l’euphorie innocente de la victoire, apprécions le sentiment de fraternité qu’elle provoque.
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Quart de finale de la coupe du monde de football. D’une passe gagnante à Thierry Henri – sa première – Zinedine Zidane nous a donné une belle émotion : l’impression de revivre une épopée. Défense de fer, récupérations lumineuses, audace des relances, précisions des passes. A trente-quatre ans, le meneur de jeu, qu’on disait émoussé, a survolé de sa classe une partie d’anthologie, toute l’équipe de France avec lui étouffant celle du Brésil jusque-là favorite. (Le score de 1 à zéro nous ouvre la voie à un France-Portugal en demi-finale et peut-être – nos lecteurs le savent au moment où paraît cet article – à la finale…)

Beau joueur, le roi Pelé en personne de décerner aussitôt à « Zizou » le titre de « magicien du match », une magie plaçant sous l’éteignoir les enchanteurs du Brésil au premier rang desquels le meilleur joueur du monde, Ronaldinho.

Il planait sur ce match une atmosphère propre à réconcilier avec le sport planétaire, ses stars gavées d’euros et ses affaires à rebondissement, nombre de détracteurs. En comparaison des coups-bas et de la tension qui furent perceptibles lors des autres quarts de finales (expulsion par l’arbitre de l’Anglais Rooney sur injonction cruelle du Portugais Ronaldo, son propre camarade de club ; bagarre déclenchée contre les officiels allemands par des joueurs argentins au bord de la crise de nerfs après leur défaite) ce France-Brésil a fait figure de partie de famille. Partenaires dans plusieurs clubs d’Europe, les footballeurs des deux camps sont restés détendus, malgré l’enjeu, à l’image d’un Zidane tout sourire, manifestant de multiples signes d’amitié en direction des Brésiliens. Ces derniers eurent eux-mêmes la défaite noble et digne, alors qu’au pays des rois du football, on sait qu’elle constitue un drame national.

En France tout avait mal commencé : résultats en demi-teinte, sélectionneur vilipendé par la presse, supporters désenchantés. Et comme en 1998, le revirement a été sans complexe. Hommage au président de la Fédération française de football, Jean-Pierre Escalette, qui a su garder sa confiance au sélectionneur lorsqu’une élimination prématurée était dans toutes les têtes. Il contestait alors que ce qui demeure un jeu puisse prendre dans le débat national une place exagérée. Mais que faut-il alors penser des réactions d’enthousiasme qui ont fait place à celles de dépit ?

En 1998, on avait loué « la France black-blanc-beur » d’une façon incantatoire, comme si la victoire était celle de notre politique d’intégration. Les émeutes de l’hiver dernier on marqué sa faillite. Et la fête sur les Champs-Elysées a d’ailleurs été ternie par une grave réplique de ces violences. Mais il ne faudrait pas négliger la valeur de ces moments de « communion ». Surtout lorsqu’ils mêlent, comme ce samedi soir, les supporteurs de deux équipes appelées à se rencontrer au tour suivant, les Portugais de France se manifestant après leur qualification. Certes, il faut remettre à sa place l’enjeu d’un match, au regard de réalités beaucoup plus graves de la vie. Mais pourquoi bouder ce plaisir d’une fierté nationale se nourrissant d’un esprit d’enfance inoffensif, voire bienfaisant ?

Sur le plan français, la coupe du monde a provoqué une soudaine trêve dans le ratiocinage pleurnicheur et même la bagarre politique. Sur le plan international, le football – sport le plus « mondialisé » – est source de fraternisation. Notons que chaque équipe joue avec les talents de sa culture : « folie » brésilienne, « discipline » allemande, « fighting-spirit » anglais… Pour une fois – ou pour le moment – les Etats-Unis ne dominent pas, et à chaque grande compétition on découvre les spécificités de nouveaux pays. En ce qui concerne l’Europe, ni sa construction, ni l’internationalisation de ses clubs, n’ont porté atteinte au patriotisme sportif. Il sert peut-être d’exutoire à une agressivité qui trouve à s’exprimer innocemment. Pourquoi ne témoignerait-il pas d’un légitime amour de sa nation, cette « communauté de destin » qui nous structure ? Pour ceux qui trouveraient ces réflexions peu catholiques, ajoutons que le tout nouveau secrétaire d’Etat du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone, a avoué sa passion… pour le Football.

Tugdual DERVILLE