3113-Le glas de Mossoul - France Catholique
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3113-Le glas de Mossoul

par Robert MASSON
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Dans cette sorte de naufrage où sombrent l’Irak et ses pourtours de peuples qui lui sont proches, les chrétiens paient un lourd tribut aux folies meurtrières dont on ne voit pas le terme. Ces chrétiens, on devrait le savoir, ont des titres d’antériorité indiscutables. Ils étaient là avant presque tous les autres. Et le reste du monde leur est redevable de ce qui s’appelle la Révélation. C’est de là en effet qu’Abraham partit, sur la parole de Dieu : « Va vers le pays que je te montrerai ». Il y est allé, et il a ouvert une voie sur laquelle nous ne cessons d’aller. C’est notre droit à tous qui est en cause dans ce malheur irakien qui n’en finit pas de crier jusqu’aux cieux.

Les iniquités de l’heure, une fois encore, sont imputables à la guerre, dont le pape Jean-Paul II disait qu’elle est ce qui peut arriver de pire. Les chrétiens sont bien placés pour le savoir, alors qu’ils su­bissent des pressions de tous ordres, pour les amener à émigrer. Ils partent d’abord sans s’écarter trop – signe de l’espoir qu’ils gardent de pouvoir revenir un jour et preuve de leur attachement à cette terre dont ils furent des ressortissants d’origine.
L’assassinat de l’archevêque de Mossoul, Mgr Rahho, est un signe d’aggravation. Cet arche­vêque en question était une figure de courage, dans les désastres d. Par sa seule présence, il en imposait. On le savait en première ligne dans le combat pour l’Homme. À plusieurs reprises, il avait senti la menace, et savait à quoi s’en tenir sur les sombres résolutions de groupes armés, qui n’ont en tête que d’éliminer les chrétiens sans tenir compte de leur droit d’être là. Dans le tohu bohu, qui est depuis le lot de l’Irak, ces chrétiens n’ont pas d’illusions sur leur devenir. Mais ils étaient là, et entendaient y rester.

La présence chrétienne est certes en question, sur toutes ces terres du Proche Orient que Satan le diviseur voudrait bien voir ail­leurs. Il est plus urgent que jamais de savoir les enjeux du malheur irakien. Les chrétiens d’Occident ont moralement comme un droit d’ingérence spiri­tuelle. Ces chrétiens du Proche Orient sont, eux aussi, nos frères aînés et très aimés, comme disait le pape Jean-Paul II aux enfants d’Israël, lors d’une visite à la synagogue de Rome. Nous sommes tous des chrétiens d’Irak. C’était bien le sens d’ailleurs de la visite récente d’une délégation de Pax Christi, conduit par Mgr Stenger, l’évêque de Troyes. Quelques jours seulement avant l’enlèvement de Mgr Rahho, l’arche­vêque de Mossoul, dont on vient de retrouver le corps enfoui sous terre. Trois pères de famille chrétiens, qui formaient sa garde personnelle, avaient été tués sur le champ.

L’archevêque de Mos­soul n’ignorait pas les menaces dont il était l’objet. Il se refusait à donner consentement à une violence qu’il réprouvait de tout son être. Comme d’ailleurs des populations laissées à elles-mêmes. Les évêques en la circonstance, renouaient avec ces antiques traditions, qui en faisaient les défenseurs de leur peuple, en cas de danger.

Ces derniers mois, nous avons eu, nous-mêmes, la grâce de faire un pélerinage aux sources de cette région où l’histoire a sévi au point de réduire à presque rien ces chrétiens qui parlaient la langue araméenne, que parlait le Christ. Avec humour ils disent : « Si le Seigneur revenait sur la terre, nous serions les seuls à le comprendre. »

L’empire ottoman, qui régnait sur ces terres, avait couvert et organisé des massacres dont l’ampleur annonçait tout simplement des génocides qui ne manqueraient pas de se pro­duire ailleurs. Sous la haute autorité de Constantinople à l’époque, il y eut mas­sacre délibéré par centaines de milliers, et l’on attend toujours en vain un geste de repentir pour ce forfait, alors commis.

Les chrétiens à vrai dire ont eu tout à souffrir au long des siècles. Quand on sait les déferlantes de haine qui rappellent de funestes souvenirs, on a de quoi être inquiet. Mieux que personne, Mgr Rahho connaissait le sort fu­neste des disciples de Jésus. la solidarité active dont témoignait l’évêque de Troyes, et le groupe de Pax Christi qui l’accompagnait, était facteur d’espérance dans les désastres du temps. La résolution de l’archevêque de Mossoul était à l’exacte mesure des risques et périls du moment.

À quelques jours de cette Semaine sainte, le meurtre de cet arche­vêque et de ses compagnons nous donne la vraie mesure de l’événement. Juste avant, l’archevêque avait médité un chemin de croix, qui prenait évidemment toute sa force dans les conditions de l’heure. La parole de l’évangile s’imposait à tous : « Ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout ». L’archevêque de Mossoul ne s’est pas dérobé alors qu’on en voulait à ses biens, et surtout à sa personne.

La délégation fran­çaise reste marquée par les conditions dans lesquelles l’évêque de Mossoul eut à franchir des barbelés qui ceinturent la ville, et en empêchent l’accès. Cet évêque-courage est leçon pour tous et d’abord pour les chrétiens qui ont à vivre leur foi à leurs risques et périls. n