3110-Gourévitch et la démagogie - France Catholique
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3110-Gourévitch et la démagogie

La démagogie est un vieux métier qui ne connaît aucun chômage. Un universitaire nous l’enseigne, peut-être pour nous en prémunir... par Denis LENSEL
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Dans ce manuel en huit leçons, Jean-Paul Gourévitch, consultant international et professeur de communication politique à l’université Paris XII, nous apprend les ficelles d’un métier très en vue. On trouve en effet des démagogues dans la haute poli­tique mais aussi dans ses niveaux les plus humbles, comme les actuelles élections municipales et cantonales nous l’ont rappelé avec abondance. Mais la démagogie trouve aussi un terrain privilégié dans la Presse (eh oui…), à la télévision, et dans le monde du spectacle ou de la publicité.

Ce métier nécessite une palette de talents et de connais­sances scientifiques multiples, psychologie des foules, sociologie, sémantique, et… toxicologie, car la démagogie est une drogue, surtout quand elle s’appuie sur le maniement des sondages. Qu’il soit dictateur sournois ou prétendument démocrate, le démagogue est un homme-or­chestre.

La généalogie des démagogues laisse songeur : Gourévitch nous fait remarquer que « l’ancêtre des déma­gogues » est… le Serpent de la Bible, qui « mène sa danse en changeant de rôle à chaque tableau ». Le Malin se montre « un excellent publicitaire » de la tentation. Se prétendant plus savant que Dieu, il dissipe la peur du fruit défendu ; puis il dénonce son adversaire, toujours Dieu, en le présentant comme un manipulateur tyrannique… ; enfin il promet « une révélation enclose dans la transgression », et ainsi, conclut-il « vous serez comme des dieux » Et l’affaire est faite.

Il y a une typologie des démagogues : il y a les démagogues « impériaux », de César à Hitler et Staline en passant par Napoléon, le « logorrhéique » Castro, le démagogue « ethnique » comme le national-communiste Milosevic, Mao auprès des jeunes Gardes rouges de la « Révolution culturelle », et aujourd’hui les « supermédiatiques ».

En démocratie, on réclame « toujours plus » à l’État en matière d’assistanat et, de façon paradoxale, « encore moins » aux citoyens, notamment en durée du travail : en viendra-t-on à « la semaine de 24 heures pauses com­prises » ?
En période de durcissement électoral ou dictatorial, les démagogues n’admettent aucun rival : fasciné très jeune par le système soviétique, Goebbels, bon VRP du totalitarisme, avait publié un Lénine ou Hitler dès 1926… Le démagogue n’a au­cune idéologie figée : il veut d’abord prendre puis garder le pouvoir, en fracassant les vitrines de ses concurrents à coups de calomnies.
La démagogie média­tique relaie celle des tribuns : d’après Mac Luhan, le vrai but de la télévision est de « vendre du public aux annonceurs » sur fond de domination financière de la « pub ».

Partout, l’illusion règne : le citoyen « croit qu’il peut orienter l’action des gouvernants » alors que l’agenda électoral lui est imposé si on vote encore, et qu’il peut alors au mieux demander des comptes aux élus. Mais ceux-ci ont appris, d’abord à gouverner l’œil rivé sur la boussole peu fiable de sondages qui les intimident, puis à justifier leur bilan : la conjoncture est difficile, mais « c’est dur pour tout le monde ».

La vérité « ne triomphe jamais, mais ses adversaires finissent par mourir », disait Max Planck. Hélas, la démagogie est une maladie transmissible…
Heureusement, le professeur Gourevitch nous enseigne deux re­mèdes contre la démagogie : la mémoire historique et l’humour, dont son livre est truffé par ses rapprochements inattendus et ses prémonitions aussi extravagantes que vérifiables…

D.L.

Jean-Paul Gourévitch, Profession démago, comment devenir démago en huit leçons, Éditions du Palio, 223 pages, 16,90€.