3108-Pâques avec l'Irak - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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3108-Pâques avec l’Irak

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Le 21 février 2008, Mgr Stenger président de Pax Christi France et plusieurs membres de la délégation œcuménique qui s’était rendue en Irak du 11 au 20 février tenaient une conférence de presse à la Maison de la Conférence des Évêques de France afin de faire le point sur l’opération « Pâques avec les Chrétiens d’Irak » lancée le 12 janvier en coopération avec Justice et Paix, l’Œuvre d’Orient, Chrétiens pour la Méditerranée et la Fédération Protestante de France, et rendre compte de leur voyage.
D’emblée Mgr Stenger a tenu à souligner l’impact qu’avait eu en France l’opération. Plusieurs centaines de paroisses catholiques et protestantes ont diffusé l’appel de Jean d’Ormesson. Plus de 10000 personnes ont visité le site internet de Pax Christi pour prendre connaissance de cette initiative. L’appel à envoyer des messages de solidarité n’a pas eu le succès espéré. Il faut donc le relancer et pour ce faire Pax Christi diffuse sur son site internet un modèle de message de soutien. Sur le plan financier, au 20 février 2008, 631 dons avaient été effectués correspondant à une somme de 56875 euros.

Cependant, aussi importante que soit la somme recueillie, Mgr Stenger a tenu à rappeler qu’elle restait encore insuffisante et qu’il fallait continuer à envoyer des dons. Mais, sur le long terme, la récolte de fonds à des fins caritatives n’étant pas la vocation de Pax Christi, l’Œuvre d’Orient ou l’Aide à l’Eglise en Détresse prendraient le relai.

La délégation conduite par Mgr Stenger, évêque de Troyes et président de Pax Christi France, comprenait également le Père Rodolphe Vigneron, vicaire épiscopal du diocèse de Strasbourg, Mgr Philippe Brizard, directeur général de l’Œuvre d’Orient, M. Marc Fromager, directeur national de l’Aide à l’Eglise en Détresse, le Père Pierre Mareschal de Charentenay, sj, rédacteur en chef de la revue Etudes, Don Renato Sacco, délégué de Pax Christi Italie, le Père Sabri Anar, curé de la paroisse chaldéenne St-Thomas Apôtre à Sarcelles, le Pasteur Didier Crouzet de la Fédération Protestante de France, ainsi que trois journalistes des médias catholiques français : Laurent Larcher du journal La Croix, Maurween Veyret du Jour du Seigneur, Pascal Maguesyan de RCF.

26 communautés chrétiennes ont été rencontrées, dans le Nord (Kurdistan irakien) et le centre (Kirkouk). Elles étaient quasi exclusivement catholiques même si quelques contacts ont été pris avec des non-catholiques, ainsi avec l’évêque syriaque orthodoxe de Kirkouk. Il s’est avéré impossible de se rendre à Bagdad et à Mossoul pour des raisons de sécurité. Aussi bien les autorités gouvernementales françaises que les autorités religieuses chrétiennes, particulièrement le Patriarche chaldéen Mgr Delly, avaient formellement déconseillé de telles étapes. Cependant le chef de l’Eglise chaldéenne avait envoyé auprès de la mission son auxiliaire Mgr Shlomo Wardouni, qui a pu rendre compte à la délégation franco-italienne de l’immense détresse des Chrétiens de Bagdad.

Quelles conclusions tirer de ces rencontres ? En tout premier lieu, la chaleur de l’accueil reçu et l’enthousiasme de voir enfin venir des représentants des chrétiens d’Occident. À plusieurs reprises le sentiment d’avoir été abandonné a été exprimé, et ce voyage a au moins permis de dissiper ce malentendu. Ensuite, il faut rappeler que les chrétiens rencontrés étaient originaires des terres où ils étaient installés. Leurs aïeux en avaient été chassés par les différentes tragédies du XXe siècle, notamment par Saddam Hussein en 1975, ils y revenaient maintenant.

Cela cependant n’allait pas sans poser problème. Ces familles étaient presque toujours citadines, travaillant souvent dans la fonction publique, il leur fallait désormais vivre dans des villages. Elles avaient été arabisées, elles devaient découvrir ou redécouvrir le monde kurde et sa langue. Enfin il leur fallait retrouver des perspectives professionnelles, sans lesquelles une implantation au Kurdistan était sans avenir. La délégation a d’ailleurs rencontré le ministre chaldéen des Finances du gouvernement kurde, M. Sarkis Aghajan dont nous avons récemment parlé dans ces colonnes, qui leur a rappelé que les chrétiens étaient les bienvenus au Kurdistan et qu’il avait lui-même fait reconstruire plus de 400 villages chrétiens abandonnés à l’époque de Saddam Hussein afin de les y reloger. Il a rappelé que chaque famille installée recevait une allocation mensuelle en rapport avec ses précédents revenus et que le gouvernement kurde était déterminé à construire toutes les infrastructures nécessaires à une vie sereine.

Pourtant, une partie de la hiérarchie religieuse chrétienne craint qu’une sec­torisation géographique des chrétiens avec ou sans création d’un territoire autonome au sein du Kurdistan irakien n’aboutisse au repli sur elles-mêmes des communautés chrétiennes. À plusieurs reprises les délégués franco-italiens ont entendu que rêver d’une Jérusalem terrestre en Irak était pure folie. Il est de notoriété publique que l’Église chaldéenne est divisée sur cette question, ce qui ne fait qu’ajouter aux divisions déjà manifestes lors de l’élection du successeur de Mgr Bidawid à la dignité patriarcale en 2003. Or l’Église chaldéenne est la principale Église d’Irak et son affaiblissement serait nuisible pour tous les Chrétiens. Le Père Bruno Cadoré, Prieur provincial des Dominicains, présent dans l’assistance à la conférence de presse, a tenu à rappeler que ses frères et sœurs dominicains ne voulaient pas quitter Mossoul et Bagdad et tenaient à rester auprès des populations chrétiennes et autres qui avaient besoin d’eux.

Les chrétiens sont particulièrement en position de faiblesse : ils sont ultra-minori­taires ; ils refusent le recours à la lutte armée, contrairement par exemple aux Yézidis qui ont fini par constituer des milices ; aucune logique tribale ne les habite ; ils ne bénéficient pas de l’aide d’une puissance extérieure. La délégation a été particulièrement marquée par la détermination des Chrétiens à rester fidèles à leur foi, quel qu’en soit le coût. Marc Fromager directeur général de l’AED a évoqué une rencontre avec une famille de Kirkouk dont un des membres avait été enlevé et récemment libéré. On exigeait d’eux le versement d’une rançon de 60 000 $ dont ils seraient dispensés s’ils se convertissaient à l’islam. Ils ont préféré la ruine à l’apostasie. Les Églises chrétiennes s’inquiètent par ailleurs de l’action menée par les communautés évangéliques, souvent d’origine américaine, arrivées en Irak après l’invasion du pays, à la richesse ostentatoire, et dont le prosélytisme sincère mais parfois tapageur gène aussi bien musulmans que chrétiens. Cette présence protestante, nouvelle en Irak à l’exception de quelques petites communautés épiscopaliennes comme nous l’a rappelé en marge de la conférence de presse le pasteur Didier Crouzet, brouille le paysage et contribue à une nouvelle division des chrétiens.

Parmi les propositions concrètes, Mgr Stenger a souligné l’importance de soutenir le développement du lycée de Dohouk, création de l’église chaldéenne et ouvert aussi bien aux Musulmans qu’aux Chrétiens.
Sur le plan politique, Mgr Stenger appelle les pays de l’Union Européenne à octroyer des visas aux chrétiens d’Irak, moins pour qu’ils viennent s’installer en Occident, que pour qu’ils puissent se former, étudier et contribuer au développement de leur pays. La mise en place récente d’un consulat français à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, a paru aux membres de la délégation franco-italienne une mesure qui allait dans le bon sens.

Enfin, sur le plan spirituel, il faut nourrir la communion entre les chrétiens irakiens et français. Des jumelages entre des paroisses irakiennes et des paroisses françaises seront proposés, dont la mise en place sera organisée avec la paroisse chaldéenne de Sarcelles. Les intervenants à la conférence de presse ont tenus à lancer un appel à la communauté musulmane de France pour qu’elle s’engage, aux côtés des chrétiens de France, au service de la paix. Mgr Stenger a, en dernier lieu, souhaité que la Semaine Sainte à venir soit un moment particulier de communion avec l’Irak. Ce sera la 3e étape de l’action qu’entend mener cette année Pax Christi au service des Chrétiens irakiens.

Jean-Marie TISSIER

http://www.lejourduseigneur.com/accueil/l_evenement/exclusivite_jds_les_premieres_images_de_la_delegation_stenger_en_irak

http://paxchristi.cef.fr/chretiens-irak.htm

http://www.mission-chaldeenne.org/video/le-calvaire-des-chretiens-d-irak.wmv

Une semaine pour l’Orient Chrétien aura lieu à la salle Sous le Pont, 2 A av. de l’Europe, 92310 Sèvres, du 10 au 16 mars. Avec le 10 mars (21h) conférence-débat avec Frédéric Pichon (chercheur en Sciences Religieuses autour de son livre « Voyage chez les Chrétiens d’Orient », éd. Presses de la Renaissance) ; le 11 mars (21h) conférence-débat avec Mgr Pierre Bressollette (vicaire général de l’archevêque de Paris en charge de l’ordinariat des Orientaux catholiques en France), sur le thème « Qui sont les Chrétiens d’Orient ? » ; le 13 mars (21h) conférence-débat avec Mlle Agnès Ide (correspondante en France de Suroyo Télévision) et Ephrem-Isa Yousif (universitaire, directeur de collection aux éditions L’Harmattan sur le thème « Vie et souffrance des Chrétiens d’Irak »). Une exposition est prévue sur les Chrétiens d’Orient du 11 au 14 mars (14h-20h), et les 15 et 16 mars (9h-12h). Rens. auprès du Père Blin, ✆ 01.46.29.99.92 ou Jean-Marie Tissier ✆ 06.81. 12.97.74.