3079-Lituanie : Rencontre avec le cardinal Backis - France Catholique
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Saint Benoît, un patron pour l'Europe
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3079-Lituanie : Rencontre avec le cardinal Backis

Premières impressions au retour d’une courte visite du 18 au 23 juin dans ce pays balte, membre de l’Union européenne depuis 2004.
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Ce bref séjour aura été marqué par la francophonie. Communauté St-Jean, Frères de Tibériade, Bénédictins de Palendriai (fondation de Solesmes), même le cardinal Audrys Juozas Backis, archevêque de Vilnius, parle parfaitement le français. Il faut dire qu’il a grandi en France où son père, ambassadeur, avait été nommé juste avant la deuxième guerre mondiale. Après avoir longtemps travaillé au Vatican, Jean-Paul II l’a nommé à Vilnius en 1993, avec comme tâche prioritaire : tout reconstruire !

Ce pays a une histoire mouvementée. Après son apogée au XVe siècle, où la Lituanie allait de la Baltique à la mer Noire, elle tombera sous l’influence de la Pologne (1569) puis de la Russie (1795). Indépendante pendant 23 ans entre 1918 et 1941 (et encore Vilnius est à nouveau polonaise à partir de 1920), la Lituanie ne le redeviendra qu’en 1991, après l’occupation nazie et 47 ans de régime soviétique.

C’est donc un pays fragile qui a subi des déportations et qui continue de se vider (10 % de population en moins depuis l’indépendance). Les campagnes se dépeuplent, les jeunes préférant partir en ville ou à l’étranger. Officiellement, 100 000 Lituaniens ont récemment émigré à Londres, 60 000 à Dublin et plus de 100 000 aux Etats-Unis. En réalité, les chiffres sont à multiplier par deux.

En ville, le niveau de vie progresse, notamment grâce à l’apport d’argent européen, mais les inégalités aussi, d’autant que le coût de la vie a explosé. Les gens craignent l’arrivée de l’euro, même si elle a été reportée au plus tôt à 2009. La course à l’argent envahit la société. Malgré tout, les Lituaniens conservent un certain sens des valeurs, notamment le respect de la famille traditionnelle, même si les familles sont souvent décomposées (séparation liée au travail, alcoolisme…)

Le cardinal Backis se réjouit de voir que beaucoup de jeunes foyers catholiques, avec en général plus d’enfants que la moyenne (3 ou 4 au lieu de 1 ou 2), pratiquent et sont engagés dans l’Eglise. C’est un réel motif d’espérance pour lui, et qui n’est pas sans rappeler la situation de la France, d’autant que, s’il y a également des personnes âgées, la génération intermédiaire manque aussi à l’appel.

En 14 ans, le cardinal a ordonné 40 prêtres et s’apprête à en ordonner 3 autres ainsi que 7 diacres en vue du sacerdoce. 60 % des prêtres de son diocèse ont moins de 40 ans, 40 % moins de 30 ! Sa grande difficulté a été de récupérer les biens de l’Eglise et remettre en état les églises dont les trois quarts avaient été réquisitionnées (entrepôts, dépôts de missiles…). Aujourd’hui, le grand défi concerne la catéchèse et la formation spirituelle des jeunes. Il n’y a presque pas d’écoles catholiques (faute de moyens humains et financiers) et son rêve serait de commencer par des jardins d’enfants et des maternelles catholiques. Le diocèse de Vilnius a tout de même une radio catholique, soutenue par l’AED.

L’Union européenne ? Mgr Backis estime que c’est une bonne chose pour la Lituanie, mais la transition accélérée du collectivisme au capitalisme a fait des dégâts. La bureaucratie et la corruption limitent le développement du pays, même la distribution des aides sociales européennes. Le Cardinal, qui distribue 600 repas tous les jours à Vilnius, a présenté un dossier social en tous points conforme aux projets susceptibles d’être financés par l’Union européenne, mais a refusé de verser 10 % de commission à l’intermédiaire lituanien chargé de gérer son dossier. Son projet n’a jamais été présenté ! Pourtant, ce pays, qui a tant souffert, mériterait plus.

Marc FROMAGER