3056-Avortement : contester le mythe - France Catholique
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3056-Avortement : contester le mythe

Le 21 janvier, les organisateurs du collectif "30 ans ça suffit" ont rassemblé contre l’avortement légal, pour la troisième fois consécutive, sans se décourager. Leur Marche pour la vie ambitionne de peser sur les élus.
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Trente-deux ans après la loi de 1975, le débat est-il fermé ? L’histoire officielle en fait un véritable mythe, et l’aveuglement collectif induit est loin d’être levé. Nicolas Sarkozy l’a encore repris à son compte dans son discours d’intronisation comme candidat à l’élection présidentielle du 14 janvier, évoquant Simone Veil, entre Jeanne d’Arc et l’abbé Pierre, parmi les figures emblématiques de la France : « Elle a la voix, la figure, la dignité d’une femme, d’une mère, rescapée des camps de la mort qui s’écrit à la tribune de l’Assemblée : ‘nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays.’ Ce jour-là, elle s’appelle Simone Veil. »

Ramener le débat au mythe, en amalgamant ce thème avec celui du génocide nazi, et en se fondant sur des chiffres erronés interdit le vrai débat. Les démographes ont recalculé que les avortements clandestins étaient de l’ordre de 60 000 en 1974 ; et, devenue légale, la pratique a logiquement explosé, atteignant récemment 220 000 actes par an. La loi a été plusieurs fois aggravée. Selon l’Institut national d’études démographiques, près de 40% des Françaises subissent désormais au moins un avortement dans leur vie féconde. Cette réalité sonne comme un échec collectif, tant par ce nombre que par les souffrances qu’endurent les personnes touchées. Mais les politiques continuent de croire que la contraception est le seul mode de prévention à renforcer, alors que la France détient le record mondial de son usage.

Pourtant les adversaires déclarés de l’avortement n’ont pas désarmé. Une poignée de fidèles objecteurs de conscience a toujours continué de dénoncer sans faiblir, une « loi inique ». Le plus emblématique d’entre eux fut sans doute Michel Raoult, fondateur de Choisir la vie. Conseiller municipal d’opposition, il perdit – ou donna – sa vie, en tentant de maîtriser le tireur-fou de Nanterre. C’était le 26 mars 2002, en pleine campagne présidentielle. Il s’était alors engagé auprès de Christine Boutin.

Cinq ans plus tard, les héritiers de Michel Raoult ont à nouveau battu le rappel et le pavé, ce dimanche 21 janvier, dans une démarche protestataire à la fois tenace et rajeunie de République à Opéra. Ils s’exprimaient pour la troisième année consécutive sous le label du Collectif associatif « 30 ans ça suffit ».

Pas d’explosion de la participation, mais un renouvellement des effectifs et du ton. Certes, il y a toujours ces quelques élus du Front National dont la présence gêne ou conforte, rejoints cette année par Philippe de Villiers. On note aussi une apparente hésitation sur les modes d’expression, reflets des positionnements des associations mobilisatrices.

La plupart des slogans s’appuient sur le droit de tout être humain à la vie, mais d’autres réclament « au nom des catholiques » des élus contre l’avortement. Et la fin du cortège se transforme même en procession, avec cantiques et chapelet, pour ceux qui revendiquent la prière publique comme mode d’action.

Cette année, des délégations venues d’Europe et le soutien de plusieurs évêques hexagonaux ont contribué à crédibiliser la démarche. Les Associations Familiales Catholiques s’y sont associées « en raison du contexte électoral ».

Fait notable, la presse rend compte de la manifestation avec de moins en moins d’ironie et d’acidité. Les images télévisées montrent un rassemblement familial. Les couleurs joyeuses ont tendance à supplanter l’imagerie sanguinolente. Le ton adopté a changé : comme aux Etats-Unis, où le thème de l’avortement mobilise les foules – un million à la traditionnelle marche de Washington, également mi-janvier – les femmes, leurs souffrances et leurs besoins, sont au cœur des slogans. Mais la comparaison s’arrête-là. Outre-Atlantique, l’avortement est l’enjeu d’un débat politique de premier ordre. La parole y est libre, mais aussi plus radicale dans les deux camps, et l’Eglise s’est engagée de toutes ses forces. On objectera que la pratique de l’avortement demeure très répandue aux USA, avec une législation beaucoup plus permissive qu’en France.

Ici comme ailleurs, l’indispensable contestation ne suffit pas pour engager le tournant culturel. Il reste un énorme travail d’explication, de dialogue et de compassion à réaliser pour éviter que les nombreuses personnes intimement concernées par l’avortement ne se sentent jugées et condamnées.

Tugdual DERVILLE