3031-Procréation artificielle - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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3031-Procréation artificielle

On a longtemps cru l’assistance médicale à la procréation (AMP) inattaquable. Ses transgressions étaient passées sous silence au nom du désir parental. Face à la joie d’une naissance longtemps attendue que pèse la défense de l’embryon ? Mais trois vagues de contestation s’élèvent aujourd’hui.
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Derrière le sigle aseptisé (AMP), les techniques pour obtenir l’enfant désiré sont de plus en plus osées : insémination artificielle, fécondation in vitro (FIV), congélation d’embryons dans l’azote liquide. Avec la réalisation de rêves impossibles on célèbre la fin d’une fatalité. Aux yeux de certains, tout paraît légitime pour vaincre le drame de l’infertilité, jusqu’au recours au don de gamète (sperme ou ovocytes) voire d’embryons, tous issus, en France, de donneurs anonymes. Au total 9 500 enfants conçus par FIV y naissent chaque année dont 1 000 après recours à un donneur ; 4 500 sont issus d’une fécondation artificielle.

Chacune de ces vies est précieuse, mais l’envers du décor ne peut plus être ignoré.

D’abord, la moitié des couples sortent sans enfants de l’AMP. Constatant leur échec, à l’issue de ce qu’ils décrivent comme « un véritable parcours du combattant », certains regrettent la perte de temps qu’ils ont subie lorsqu’ils se tournent vers l’adoption. Des femmes confient leur impression d’avoir été des cobayes aux mains d’une technique toute-puissante, sans respect pour leur intimité et leur pudeur.

La journaliste de France 2 Brigitte Fanny-Cohen a fait sortir ces souffrances du silence en 2001 en publiant son livre-témoignage : « Un bébé mais pas à tout prix » (Ed. Jean-Claude Lattès).

Ce sont ensuite des couples devenus parents grâce à l’AMP qui expriment leur souffrance. La loi de 2004 a autorisé l’expérimentation sur les embryons dits « surnuméraires » qui ne font plus l’objet d’un « projet parental ». L’Agence française de biomédecine les estimait alors à environ 40% des 120 000 embryons congelés. Dans un article détonnant du Nouvel Observateur (n°2171 du 15 juin 2006), Sophie des Déserts révèle l’étendue du malaise : certains couples ont d’abord découvert qu’ils ne pouvaient échapper à la création de trop nombreux embryons, puis à la congélation d’une proportion croissante d’entre eux. Les voilà dorénavant soumis chaque année à un questionnaire écrasant. On leur demande en substance : avez-vous encore un projet parental pour vos embryons ? Sinon, que désirez-vous faire ? Les donner à un autre couple ? Les donner à la science qui les disséquera au profit de l’humanité ? Ou nous donner le feu vert pour les détruire ? Leurs embryons congelés étaient jusqu’ici l’objet de pensées émues ou de silences gênés. Beaucoup les appelaient leurs « bébés ». Soudain sommés de sceller leur destin, ils vivent un douloureux réveil. Et leur ressentiment peut se retourner vers les « procréateurs ». De ce côté, le même malaise est perceptible. « On arrive à s’en sortir en partant du projet d’enfant, l’embryon est quelque chose à partir du moment où il a un avenir dans la tête de ses parents, sinon on devient fou » tente d’expliquer Jean-Marie Kunstmann, responsable du Cecos (centre de dons de sperme) de Cochin cité par Sophie des Déserts. Un aveu confirmé par les réticences des professionnels à détruire les embryons.

La véritable rébellion contre les dérives de la procréation artificielle pourrait enfin venir de personnes issues d’un don de gamètes ou d’embryons. Plus de 50 000 vivent actuellement en France. Dans son livre Mon père, c’est mon père (édition L’Harmattan) paru en avril, Jean-Loup Clément rapporte leurs témoignages et certains mots sont terribles : secret de famille, sentiment de honte et de culpabilité, colère, vaine recherche du père biologique, impression d’être issu d’une forme d’adultère, peur de nouer sans le savoir des relations incestueuses. Adversaire résolue du don d’embryon, la psychanalyste Ge- neviève Delaisi de Parceval l’avait dénoncé, au moment des débats bioéthiques, comme une « bombe à retardement » : le « vol pur et simple d’une pièce maitresse du puzzle de l’histoire de ces futurs enfants » (Libération du 23 septembre 2004). Qu’ils aient été mis au courant ou non, tous sont privés définitivement du droit d’accès à leur origine personnelle. Ne sont-ils pas fondés à dénoncer la tyrannie d’un désir parental qui a fait fi de ce droit élémentaire ? Embryons, ils étaient sans voix. Désormais, ils ont la parole.

Tugdual DERVILLE