3013-L'embryon européen - France Catholique
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3013-L’embryon européen

Alors que l’Irlande, le Portugal et la Pologne subissent des pressions en faveur de l’avortement légal, voilà qu’en Grande-Bretagne où il est le plus étendu, on commence à le remettre en cause. En France, comme dans les autres pays, le sort des embryons se scelle dans un paradoxal rapport de forces.
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En Grande-Bretagne 47 % des femmes souhaiteraient, selon un récent sondage, voir réduire le délai de l’avortement légal, déjà diminué en 1990 de 28 à 24 semaines de grossesse. En 2004, le promoteur de la loi de 1967 lui-même, le libéral-démocrate David Steel, s’était prononcé pour une réduction du délai à 22 semaines, son homologue conservateur de l’époque, Mickaël Howard, surenchérissant à 20 semaines.

Des images médicales venaient de leur révéler, comme à des millions de téléspectateurs, à quoi ressemblent les fœtus « avortables » : capables de s’étirer à 12 semaines, suçant leur pouce et baillant à 14, ouvrant les yeux à 18… Le coup de grâce à l’aveuglement collectif qui déniait leur humanité a été donné par le sourire de l’un d’entre eux. « Quand je l’ai vu, avait dit en substance David Steel, je me suis dit qu’on était allé un peu loin ». De plus, les progrès des soins aux grands prématurés permettent désormais d’en sauver dès 24 semaines… La contradiction a fini par éclater.

Malgré la repentance partielle de leurs anciens, les politiques anglais actuels sont hostiles à toute révision de la loi. Les leaders des partis se sont entendus pour ne pas réveiller de querelles sur des sujets classés « moraux ». Une façon d’écarter un débat sensible, tout en professant un pragmatisme froid qui fait l’impasse sur l’éthique. Mais ils acceptent d’envisager qu’on encourage la vie.

Signe du malaise anglais, le Planning familial, qui revendique partout davantage de liberté d’avorter, en vient à plaider outre Manche pour le statut-quo. Placé sur la défensive, il doit même faire face à des situations inattendues, battant en brèche ses dogmes féministes : les hommes sondés se montrent plus favorables à l’avortement que les femmes. Et certaines vont jusqu’à se rebeller : Sue Axon, une mère de deux adolescentes a ainsi demandé en novembre qu’on revienne sur la possibilité qu’ont les mineures d’avorter sans alerter leurs parents. Elle dit regretter l’avortement subi il y a vingt ans et ses conséquences douloureuses. Grâce à de tels témoignages, désormais repris par la presse, les langues se délient à propos d’un acte souvent entouré d’un secret culpabilisé.

Remis en cause sur le terrain de ses victoires, le lobby de l’avortement tente d’attirer l’attention vers les pays où le droit d’avorter est extrêmement restreint. Il vient logiquement de s’emparer du cas d’Alicja Tysiac. Cette Polonaise porte plainte contre son pays devant la Cour européenne des droits de l’homme car on lui a refusé l’avortement malgré les risques que cette grossesse faisait courir à sa vision malade. Au parlement européen, le choc des cultures est patent. L’élargissement a contribué à ouvrir un espace de parole aux pays qui ne considèrent pas l’avortement comme un droit de l’homme, avec à la clef des conflits nouveaux. Des députés polonais se sont heurtés en 2005 à leurs collègues à propos d’une exposition de photographie contestant l’avortement comme un « génocide ». Incomprise dans les plus anciens pays de la communauté, une telle comparaison y est interprétée comme une provocation antisémite !

La France, quant à elle, reste au milieu du gué. On s’émerveille devant le film de Niels Tavernier, « L’Odyssée de la vie ». Ces images de synthèse diffusées sur France 2, le 31 janvier, font découvrir l’humanité de l’embryon et le mystère de son développement intra-utérin. Dans le même temps, les décrets d’application de la loi bioéthique font entrer en vigueur l’exploitation des embryons « surnuméraires ». Nouvelle directrice générale de l’Agence de biomédecine, Carine Camby estime que 40 % des quelque 120 000 embryons humains stockés dans l’azote liquide en France « ne s’inscrivent plus désormais dans le cadre d’un projet parental ». Une manne pour les chercheurs que cette nouvelle catégorie d’êtres humains destinés à la vivisection. Le cardinal Barbarin avait stigmatisé cette disposition de la loi bioéthique comme « une transgression sans précédent ».

« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Les velléités d’harmonisation européenne menacent peut-être la maxime de Pascal pour ce qui concerne le camembert au lait cru, mais elle n’en finit pas d’être confirmée par l’hétérogénéité des niveaux de protection juridique de l’embryon selon les Etats. Le caractère respectable de l’embryon humain dès sa conception est une évidence scientifique, mais le chemin est long pour qu’elle s’inscrive dans les raisons, les cœurs… et la loi. Tout dépend d’un rapport de force où l’émotion domine. Les uns pensent devoir faire valoir des détresses indéniables (grossesse imprévue ou difficile, stérilité, maladie…) tandis que d’autres sont enfin parvenus à émouvoir à propos du fœtus. La balance pourrait pencher de leur côté s’ils sont rejoints par des femmes concernées dans leur histoire intime, ou par des « survivants », nombreux chez les plus jeunes. Dans le film « Le papillon », une petite fille s’interroge à propos de ce qu’il serait advenu d’elle si sa mère avait pu mettre à exécution son intention de l’avorter. « Rien ! », répond Michel Serrault. « C’est triste d’être rien » murmure alors l’enfant. Jugeant que cette réplique remettait en cause l’IVG, le Planning familial avait officiellement protesté.

Trugdual DERVILLE