3010-Christian Vanneste fait appel - France Catholique
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3010-Christian Vanneste fait appel

Le député UMP du Nord Christian Vanneste a fait appel de sa condamnation (le 24 janvier dernier) en application de la loi du 30 décembre 2004, pour "injure" à l’encontre des personnes homosexuelles [3000 euros d’amende, 1000 euros de dépens, 2000 euros de dommages et intérêts à verser à trois associations dont Act up + des publications judiciaires...] Il avait jugé l’homosexualité "inférieure" à l’hétérosexualité" et les comportements homosexuels "inférieurs moralement".
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Tugdual Derville : Reconnaissez-vous que vos propos, qui ont mis le feu aux poudres, étaient maladroits ?

Christian Vanneste : Ils n’étaient pas maladroits mais ont été, à dessein, retirés de leur contexte. La phrase était d’abord le condensé d’un long développement. J’avais exprimé qu’on ne pouvait pas mettre au même niveau le comportement homosexuel et la relation sexuelle qui permet de donner la vie. En utilisant la notion kantienne d’ « impératif catégorique » – je suis professeur de philosophie – je soulignais que si nous devenions tous homosexuels, alors l’humanité se suiciderait. C’était une forme de boutade récapitulative, qui suivait un raisonnement sérieux et carré…
Son exploitation est un indice de tout ce qui s’est passé, marqué par une profonde malhonnêteté intellectuelle : citations tronquées, glissements sémantiques. Je n’ai jamais dit, ni heureusement pensé « les homosexuels sont inférieurs… » Mais on continue de vouloir me le faire dire.

TD : Vous avez affirmé que vous étiez davantage honteux pour la France qu’en colère pour vous-même. Pourquoi ?

CV : Parce que, au fond, j’ai une certaine fierté nationale. Le spectacle que donne la France avec cette condamnation m’attriste. La véritable démocratie commence avec la liberté d’expression. Il m’est pénible de constater que la liberté de débattre peut être bafouée à ce point. Ce jugement est une atteinte à la Convention européenne des droits de l’homme. Aux Etats-Unis, où la liberté d’expression est très protégée, de telles poursuites ne seraient pas possibles.

TD : Comment vos collègues députés réagissent-ils ?

C.V. : Il y a trois aspects. D’abord la prudence. Prudence par rapport aux médias dont ils sentent confusément – pas forcément à raison – qu’ils penchent en ma défaveur. Prudence également par rapport à la direction de l’UMP qui a eu vis-à-vis de moi jusqu’ici une attitude plutôt hostile, et prudence enfin par rapport au gouvernement. Je dois noter que Pascal Clément, ministre de la Justice, a au moins laissé passer la réquisition du procureur à mon encontre alors qu’il n’a donné aucune suite aux protestations du recteur de la cathédrale de Paris dans l’affaire de sa profanation par Act up. C’est là une justice à deux vitesses. Il faut relire le discours que Pascal Clément avait prononcé en, décembre 2004 lors du vote de la loi qui m’est aujourd’hui opposée, et qui inquiétait déjà nombre de députés et les syndicats de la presse. Il avait en substance déclaré : « Cette loi ne portera jamais atteinte à la liberté d’expression ! »

La seconde réaction de mes collègues, c’est l’étonnement. Ils croient que je n’ai pas voulu bénéficier de mon immunité parlementaire alors qu’en réalité je ne pouvais pas le faire. Les propos qui me sont reprochés se situent pourtant dans le contexte d’une interview où j’étais interrogé sur la position que j’avais eue, en tant que député, contre la loi. On me sommait de m’excuser et de me dédire. Et voilà qu’on me poursuit au nom de cette même loi ! N’aurais-je pas le droit, après-coup, de justifier ma position ? On n’est pas loin de Vichy où sévissait la rétroactivité de la loi pénale. C’est une atteinte évidente à ma fonction de parlementaire, à la liberté d’expression et à la Convention européenne des droits de l’homme.

Le troisième aspect, ce sont les réactions qui prennent différentes formes : certains comme Alain Marleix me soutiennent uniquement sur la forme « Je ne partage pas ton point de vue mais je trouve anormal de t’empêcher de l’exprimer ». D’autres prennent position dans le même sens que moi comme Jacques Myard. D’autres ont pour principe de ne pas commenter les décisions de justice, mais agissent dans le même sens que moi. C’est le cas des 174 députés et sénateurs qui ont publiquement pris position contre le mariage et l’adoption homosexuels… Je crois qu’on devrait écouter Jean Paul II :  » N’ayez pas peur !  »

T.D. : Et que dîtes-vous de Jean-Luc Roméro, qui a demandé des sanctions de l’UMP contre vous ?

C.V. : Il faut préciser trois choses : il n’est pas adhérent direct de l’UMP mais du parti radical ; il n’est pas parlementaire ; il a été désavoué de façon cinglante par les responsables des élections de mon parti (ndlr : Alain Marleix, secrétaire national aux investitures à l’UMP). Il est un peu étrange qu’un tel personnage puisse encore se réclamer de l’UMP et se répandre dans les médias à tous propos…

T.D. : Quel avenir pour la liberté d’expression ?

C.V. : Pour moi, c’est simple : la décision de justice de mardi dernier met fin à la démocratie. On transforme l’opinion en injure. Je rends hommage à des personnes qui, tout en m’étant diamétralement opposées sur le fond, me donnent totalement raison sur la forme comme ce professeur de philo homosexuel dont j’ai lu la prise de position sur Internet. Mais comment cela va-t-il évoluer ? Etouffer la parole des parlementaires est d’une absurdité totale. Et – Dieu merci – il y a de plus en plus de liberté de communication… En ce moment, je suis assailli de réactions de gens choqués. Il paraît aussi qu’on téléphone beaucoup à l’UMP, et c’est tant mieux. Je pense donc qu’à la limite, ce qui m’arrive sera salutaire. Il y aura un retour de balancier de ceux qui pensent qu’en matière de pensée unique et de police de la pensée, trop c’est trop. On arrivera à une situation où l’on aura dépassé nos mauvaises habitudes françaises. Le débat redeviendra possible.

T.D. : Faut-il faire le rapprochement, comme certains médias le font, entre votre condamnation récente et les débats autour de l’amendement sur les aspects positifs de la colonisation attribué à votre nom ?

C.V. : C’est une question qu’il faut se poser. Cela doit soulever des interrogations. Ce que dit très bien un responsable de l’observatoire du communautarisme : aujourd’hui, on ne peut plus avoir une pensée de droite, on ne peut plus être UMP et de droite. Au fond, on peut rapprocher deux acharnements : celui avec lequel on a voté les trois amendements sur l’homophobie, à la va-vite, en décembre 2004, et celui avec lequel on tente d’anéantir l’amendement que vous évoquez, en le réduisant par voie réglementaire avant de le faire passer à la trappe. On va jusqu’à prétendre que mon amendement avait été voté lui même à la va-vite, alors qu’il a été confirmé par quatre votes successifs ! Tout cela vient peut-être de très haut ! Pour gagner quelles voix ? Pour créer quelle tension interne à l’UMP ? Je m’interroge.

T.D. : Vous êtes dans les deux cas, suspecté par vos adversaires de véhiculer un certain « racisme »…

C.V. : C’est faux, d’un côté comme de l’autre… Dans le premier cas, il faut dire que le terme même d’homophobie est stupide sur le plan philosophique, même s’il constitue un piège sur le plan dialectique, et je n’ignore pas qu’on tente de l’amalgamer au grave problème du racisme qui s’en trouve injustement manipulé et dénaturé. Ce n’est jamais la peur du même qui pose problème, mais bien plutôt celle de l’autre : « hétérophobe » aurait plus de sens, et on peut d’ailleurs, comme l’explique Tony Annatrella, déceler derrière la problématique homosexuelle un certain narcissisme, un rejet de différence sexuée…

Dans l’autre cas, l’amendement que vous citez est, non pas sur le colonialisme, mais, dans son premier alinéa, sur la liberté de la recherche universitaire, et, dans son second alinéa, sur la façon de traiter dans les manuels scolaires le sujet sensible de la présence de la France outre-mer.
Les députés ont voté pour que soit présenté le rôle positif de la France outre-mer et la présence éminente des troupes de l’outre-mer dans les conflits qui ont marqué notre pays. C’était donc une présentation équilibrée reconnaissant d’un côté le bien que la France a pu faire et, de l’autre ce que les habitants de ces territoires ont pu lui donner. Et cela avait un but : souligner que tous les enfants de France qu’ils soient de rapatriés, harkis, immigrés (souvent issus de zones de colonisation française) et Français de souche ont quelque chose en commun… Si la France a pu participer à sa propre libération, il y a soixante ans, c’est bien parce qu’elle avait une existence outre-mer. Ici, comme pour mon procès, on ne cite, comme par hasard, qu’une partie tronquée du texte. Et c’est tout l’inverse d’un vote à la sauvette : 170 députés étaient présents dans l’hémicycle en novembre, ce qui est un chiffre important.

T.D. : Comment vivez-vous le fait d’être une victime emblématique ?

C.V. : Je me dis qu’au moins je suis allé jusqu’au bout de mes convictions et que je suis cohérent. J’ai conscience qu’un grand nombre de députés et de gens pensent comme moi et qu’on a voulu faire un exemple. Bien sûr, cela bouscule ma vie politique et atteint ma vie personnelle. Mais, de toutes les façons, la politique, c’est ça.

T.D. : Que comptez-vous faire du fort courant de sympathie que votre condamnation a provoqué ?

C.V. : Sur le plan politique, j’attends une prise de conscience : il faut un sursaut. Il faut arrêter de se laisser faire, d’avoir peur. Je le pense aussi pour les chrétiens, qui ne doivent pas se taire. En France, la coupe est pleine, particulièrement pour les catholiques qui sont de plus en plus mal protégés. Or, la liberté est le point central qui nous fait vivre.

T.D. : Ne craignez-vous pas d’être utilisé par des personnes qui, sur le fond, amalgament les comportements et les personnes ?

C.V. : C’est le très grand risque, et c’est précisément ce que le lobby homosexuel attend pour diaboliser mes positions. Et je ne souhaite pas être soutenu par quelque extrémiste que ce soit, qui permettrait à mes adversaires de déformer mes positions. Mais il faut savoir que le lobby homosexuel utilise la provocation… Je n’avais jamais demandé à m’exprimer sur cette loi dans l’interview qui m’a valu ce procès. Avec Fogiel qui m’a interrogé sur RTL, si j’avais été naïf, j’aurais pu tomber dans des chausse-trappes. De toutes les façons, la colère est mauvaise conseillère. Un vrai chrétien sait très bien – et tout le monde le sait – qu’on peut condamner le péché mais pas le pécheur. On peut à la fois être accueillant et garder ses convictions…

Même si j’ai été parfois agressé assez directement par quelques excités, je n’ai aucune espèce de phobie. Lorsqu’on me l’a demandé, j’ai soutenu la mémoire des 210 personnes homosexuelles déportées d’Alsace par les nazis, parce qu’il serait indigne de faire une quelconque discrimination sur un tel sujet. J’accepte le débat et le discours du lobby homosexuel. Mais j’ose dire qu’il diffuse une forme de terrorisme intellectuel qui met en danger la démocratie.