3003-La boite noire - France Catholique
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3003-La boite noire

Le film "La boite noire"* de Richard Berry ne sera pas interdit aux moins de douze ans, comme le préconisait la Commission de classification des films après deux visionnages. Renaud Donnedieu de Vabres a tranché. Pourquoi ?
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Ignorant l’avis des experts, le ministre de la Culture a exercé son pouvoir régalien en classant le film La boite noire : “tous publics avec avertissement ». Le camouflet est rude pour les personnalités et associations engagées au service de la protection de l’enfance. Le quotidien Le Monde évoque une possible démission de Claire Brisset, défenseure des enfants – et à ce titre membre de la Commission – alors même qu’elle vient de rendre au président de la République un rapport annuel, bilan de toute son action.

Depuis des années, le système de classification des films est pris en étau. D’un côté le lobby des créateurs demande, au nom de la liberté d’expression, d’être protégé de toute « censure ». De l’autre, les téléspectateurs jugent de plus en plus sévèrement les dérives de la programmation télévisée. Car c’est bien elle qui se profile derrière le système de classification des œuvres cinématographiques. Impliquées dans leur production, les chaînes interviennent dans le cinéma « à tous les étages ». On ne voit plus guère de film qui ne soit marqué du logo d’une ou plusieurs d’entre-elles. La loi les oblige à financer la création cinématographique. Avec le risque que l’enfant soit le grand perdant. Car la diffusion télévisée d’un film étant le moyen d’élargir son audience et donc sa rentabilité, il est essentiel qu’on puisse le retrouver sur le petit écran. C’est pour cette raison que ses auteurs font pression pour éviter les signalétiques restrictives, les chaînes hertziennes n’étant autorisées à diffuser que quatre fois par an avant 22 heures et « en semaine » les films de catégorie trois (« interdits aux mineurs de moins de douze ans »). Ceux qui sont interdits aux mineurs de seize ans ne peuvent être diffusés qu’après 22h30. En déclassifiant La boite noire, le ministre de la Culture fait échapper le film à toutes ces contraintes : il pourra être vu en « prime time » (début de soirée) et aux jours où les enfants sont les plus nombreux devant leur poste de télévision (mardi, vendredi, week-ends ou vacances scolaires).

Dans les « making-off » de son film, Richard Berry légitime la scène de nu qu’il a fait tourner à ses acteurs. Et lorsqu’il commente le tournage d’une autre scène sensible – un accident de voiture – il affirme lui-même : « à l’arrivée, on a une séquence qui est d’une violence extrême ». Le réalisateur n’utilise-il pas le vocabulaire même dont il contesterait l’usage dans le cadre d’un classement ? Certains cinéphiles confirment que la scène en question les a mis au bord du vomissement…

Violence extrême

Chez Claire Brisset, on reconnaît qu’il est anormal que les scènes pornographiques du film Intimité aient pu être diffusées à 22h40, le 27 septembre dernier sur France 2, avec la seule mention « interdit aux moins de 12 ans » (voir FC n°2994). Mais depuis plusieurs années, tous les experts appelés par les autorités publiques pour tenter un arbitrage plus favorable à l’enfance dans le domaine du cinéma se sont cassé les dents. Ceux du Ciem (Collectif interassociatif enfance et médias), mandatés par Ségolène Royal, avaient tiré la sonnette d’alarme, révélant que, dans certaines classes de CM2, la moitié des enfants de dix ans avaient déjà vu une séquence pornographique, alors que, selon des psychologues, la vue de telles séquences pouvait avoir sur eux « un impact analogue à celui d’un abus sexuel ».

Quelques mois plus tard, Blandine Kriegel rendait des conclusions convergentes, subissant aussitôt un lynchage médiatique qui lui était d’autant plus douloureux qu’il émanait d’artistes issus de sa famille de pensée.

Fin 2002, la tentative d’interdiction des films pornographiques à la télévision avait tourné au fiasco, malgré le soutien du public (72 % des Français ne trouvaient « pas normal par principe que des films pornographiques soient diffusés à la télévision » selon un sondage CSA). Rien ne fut voté, pas même l’obligation du double-cryptage des films X. Malgré l’engagement solennel de Jacques Barrot, ministre à l’époque, le débat fut enterré. Va-t-il être réveillé par Dominique Richard, député du Maine-et-Loire ?

La mission d’information sur « le service public de l’audiovisuel » qu’il préside auditionne actuellement des représentants des familles passablement remontés. On note à Familles Médias, qu’on voit davantage les ministres de la Culture successifs aux « premières » des spectacles les plus déjantés qu’aux sobres assemblées générales des associations de téléspectateurs.

Tugdual DERVILLE