3001-Sauver l'éthique du Téléthon ? - France Catholique
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3001-Sauver l’éthique du Téléthon ?

A force de flirter avec ce que le monde de la recherche a produit de plus rebelle aux garde-fous éthiques, l’Association Française de lutte contre les Myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon, est-elle devenue un des principaux promoteurs de l’eugénisme en France?
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Le « Comité pour sauver l’éthique du Téléthon » (CSET), qui s’exprimait quelques jours avant la nouvelle édition de l’évènement phare de la générosité nationale (2 et 3 décembre), a donné l’alerte. Coïncidence, la révélation d’un nouveau scandale éthique venu d’Extrême-Orient donne de l’eau à ce moulin, à cause des relations qui lient le chercheur français Marc Peschanski, que l’AFM a pris sous son aile, et le professeur coréen Hwang Woo-suk, modèle dont il ne cesse de vanter les mérites. Héros national en Corée du Sud, ce « pape » du clonage, devait être sacré à Paris le 24 novembre « homme de l’année 2005 » au théâtre des Folies Bergères, lors de la cérémonie des Victoires de la médecine.

Mais comme la conférence de presse qu’il devait tenir aux côtés du professeur Peschanski sur les vertus du clonage humain « thérapeutique » son voyage a été annulé en catastrophe : on vient de découvrir que les propres collaboratrices du chercheur coréen ont été payées pour fournir son indispensable matière première, leurs précieux ovocytes. La communauté scientifique mondiale a aussitôt dénoncé une grave transgression. Le quotidien Le Monde se demande si le savant n’a pas perdu là le prix Nobel vers lequel sa carrière le conduisait tout droit. Hwang Woo-suk qui présidait depuis un mois un consortium international sur les cellules souches humaines a dû démissionner de toutes ses responsabilités scientifiques et gouvernementales.

Il explique « c’est ma façon de faire repentance » tout en essayant de se justifier. La tendance à prétendre balayer les obstacles éthiques au clonage, dès lors « qu’il n’y a pas d’alternative crédible » n’est pas une exception coréenne. C’est le credo du professeur Peschanski qui dirige la première équipe française autorisée à faire des recherches sur les cellules souches embryonnaires

Liberté totale au laboratoire

Or, depuis deux ans, l’AFM se flatte de l’héberger dans les locaux de son Généthon d’Evry (elle lui aura versé un million d’euros en 2005). Comme son sponsor privé, le scientifique français plaide depuis plusieurs années pour « une liberté totale » au laboratoire. Déjà, en mars 2001, l’Humanité explicitait sa dénonciation des « entraves tatillonnes et d’inspiration religieuse, qui freinent l’utilisation des cellules de fœtus, provenant d’IVG, pour des greffes neuronales. » Sa conception ultralibérale de la recherche, récuse aussi les objections éthiques que la France continue d’opposer au clonage et à la création d’embryons à des seules fins de recherche. Ne cessant de dénoncer les « forces rétrogrades » qui s’opposent à ces transgressions et donc l’actuel gouvernement – il vient encore de protester contre la nomination de Claire Legras à la tête de l’Agence de Biomédecine – Marc Peschanski semble avoir trouvé avec le Généthon, un lieu en phase avec sa contestation du système de financement public et de régulation éthique de la recherche.

Idéologie cachée

Mais n’est-ce pas une fuite en avant dans laquelle les responsables actuels de l’AFM se sont laissés entraînés par certains chercheurs au risque d’occulter toute précaution éthique ? C’est l’avis du docteur Xavier Mirabel, à l’origine de CSET. Lui-même père d’un enfant atteint de maladie chromosomique, il se dit « désolé d’un triple gâchis : d’argent, d’espérance et de véritables progrès scientifiques. » Et d’expliquer son désarroi : « Le Téléthon a ouvert dans le cœur de nombreux français les vannes du dévouement au travers d’évènements sportifs, culturels, artistiques… Beaucoup ne se rendent pas compte de l’idéologie qui se cache désormais derrière cette fête. Mais comment leur faire comprendre la dérive que nous constatons sans les dégoûter de l’engagement bénévole et du don ? » Les responsables du Comité se disent d’autant plus « effarés par le virage pris par le Téléthon » qu’ils reconnaissant « l’extraordinaire élan de générosité des Français, qui a permis à de nombreux malades d’être mieux considérés », tout en soulignant « les avancées considérables dues à l’AFM, tant dans le domaine de la recherche fondamentale que dans l’aide à la vie quotidienne de personnes souffrant de maladies génétiques ».

C’est aussi l’avis de nombreuses personnes concernées par le handicap qui ont déjà rejoint le CSET pour que l’AFM retrouve sa vocation originale : « Je frémis à l’idée qu’un diagnostic prénatal aurait pu ne pas laisser vivre mon fils, mort à 19 ans d’une maladie génétique », écrit Jean-Jacques. « Suis-je condamnée à choisir entre ma vie et le sacrifice d’embryons humains? » questionne une personne malade. Pour un ancien responsable de l’AFM « le désir de guérir à tout prix a peut-être fini par aveugler ses dirigeants actuels ». A moins que ce ne soient les espoirs déçus de la thérapie génique. Car la dérive ne date pas d’hier : elle a commencé quand on a exhibé sur les plateaux de télévision les premiers « Bébéthons » issus du diagnostic préimplantatoire (DPI) : on prétendait que leur bonne santé était due à la recherche alors qu’ils devaient la vie à un tri embryonnaire, dont les frères et sœurs victimes étaient soigneusement occultés.
Un sénateur avouait déjà en privé son malaise après avoir entendu, sur le plateau du Téléthon, un petit garçon en fauteuil murmurer : « nous aussi on est des enfants quand même ! »

Tugdual DERVILLE