3000-Les mots pour le dire - France Catholique

3000-Les mots pour le dire

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C’est sans doute en constatant le décalage entre le précieux message de l’Eglise sur la vie et ce qui en est perçu ou compris par le public, notamment les chrétiens et surtout les plus jeunes, que Mgr Vingt-Trois avait demandé, en tant que président de la Commission épiscopale pour la famille, qu’un document accessible au plus grand nombre soit réalisé. Devenu Archevêque de Paris, il exprime encore la même préoccupation : n’y a-t-il pas le risque qu’à force de divergences sur le sens des mots, chrétiens et non-chrétiens ne parlent plus la même langue ? « Simples questions sur la vie… » répond à ce souci. On aurait presque pu le titrer « Parlez-moi d’amour ! » : il utilise avec justesse le langage du temps qui se décline en images, slogans et témoignage… sans en rester là. Car, plus les questions sont simples, plus les réponses sont difficiles à formuler. Or, dans un magazine de 100 pages abondamment illustrées, les auteurs ont réussi à atteindre la précision – osant même prendre le risque de la profondeur – sans devenir rébarbatifs. La plupart des sujets sensibles qui occupent l’actualité de ce qu’on nomme les « questions de société », et qui sont si souvent maltraités sur le plan médiatique, sont abordés ici avec une pédagogie efficace, incarnée par une foule d’exemples parmi lesquels chacun pourra retrouver ses préoccupations.

En assumant sa paternité sur un document aussi ambitieux, la Conférence des Evêques de France a fait preuve de courage, au moment où l’Eglise catholique se trouve en butte à l’hostilité sur ces sujets : dignité de la sexualité humaine, complémentarité homme-femme, respect de la vie… Dans son exhortation pour l’entrée dans le nouveau millénaire, Jean-Paul II demandait aux chrétiens de se faire les avocats des positions de l’Eglise sur la vie qui la rendent impopulaire. Au fil des 24 chapitres du document, on découvre dans cet exercice difficile la grande liberté de ton et le sens de la formule de Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes. Car le grand danger, sur ce qui touche au plus intime, et remet en cause des comportements répandus, c’est la maladresse. De nombreux chrétiens qui désirent ardemment promouvoir la vie ont pu découvrir qu’ils risquaient, par des attitudes inappropriées, d’être des contre-témoins, provoquant des contresens. Ceux qui veulent annoncer la « bonne nouvelle de la vie », dont « le mystère paradoxal de la justice miséricordieuse de Dieu » (Jean-Paul II, Evangile de la vie n°9) est une clef majeure, sont alors perçus comme des accusateurs ou des justiciers. Certains militants ont pu ainsi errer comme des brebis sans berger. Les approbations conjointes de Mgr Jean-Pierre Ricard, président de la Conférence des Evêques de France et de l’archevêque de Paris qui figurent en quatrième de couverture du document encouragent les catholiques à adopter son ton et les modalités d’action qu’il recommande. On y découvre un foisonnement d’initiatives dans des domaines aussi variés que l’éducation affective, le conseil conjugal, l’aide aux personnes seules, le soutien aux femmes menacées par l’avortement ou qui l’ont subi,
l’accompagnement de la fin de la vie ou du deuil. Le cardinal Philippe Barbarin note que parfois semblent s’ignorer d’un côté les chrétiens qui se battent pour la justice sociale et contre la pauvreté matérielle, et de l’autre ceux qui agissent pour le respect de la vie et contre la misère morale, alors que les uns comme les autres ont le souci des pauvres et des plus faibles. Ce document pourrait aider à la réconciliation entre les deux sensibilités, car il part des problèmes concrets – voire des drames – qui jalonnent chaque existence, sans rien nier de leur complexité, tout en expliquant le sens des réponses de l’Eglise. « Simples questions sur la vie… » montre combien ce qui anime la « doctrine » sur de tels sujets, c’est la recherche du véritable bonheur pour chaque personne.

Le pari était risqué ; les critiques ne manqueront sans doute pas, à propos d’un document si ambitieux qu’il ne peut prétendre ni tout dire, ni le dire de façon parfaite… Quoi qu’il en soit, il constitue un véritable appel d’air pour les catholiques de France. « On doit commencer par renouveler la culture de la vie à l’intérieur des communautés chrétiennes elles-mêmes » soulignait l’auteur de l’Evangile de la vie (E.V. n°95). Un tel document y encourage les chrétiens de France et mérite d’être très largement diffusé dans les paroisses et tous les mouvements qui construisent l’Eglise. Pour seulement 7 euros, c’est un beau cadeau.

Tugdual DERVILLE