2995-Les arracheurs sont dans la ville - France Catholique

2995-Les arracheurs sont dans la ville

2995-Les arracheurs sont dans la ville

Les métros parisiens ont donc fini par afficher la campagne pour le salon "Rainvow attitude". A première vue, cela ne se passe pas si facilement...
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José Bové aurait-il fait des émules urbains ? Depuis le jeudi 13 octobre 2005, un phénomène protestataire inédit se propage dans les escaliers du métro parisien où viennent d’être apposés les deux mille visuels du salon gay “Rainbow attitude”. Des affiches sont déchirées voire complètement décollées. Station Bonne Nouvelle, un voyageur, dès sa descente d’une rame, en arrache prestement deux, en s’arrêtant à peine. Sur l’une d’elles figuraient deux femmes, yeux fermés, s’embrassant sur la bouche ; sur l’autre, ce sont deux hommes dans la même posture.
Vendredi, les Parisiens constatent que la contestation s’est déjà amplifiée, signe que les arracheurs se sont organisés sur la “toile” : au petit jour, la station Alma-Marceau a été « nettoyée ». Il faut dire que l’opération est simple, à en croire les messages qui s’échangent sur les forums du web : « Il suffit de prendre un coin de l’affiche et de tirer, ça part tout seul ! » précise un internaute. « Oui, mais si elle est recollée, ça devient difficile » rétorque un autre. Les opposants à la « pollution publicitaire », échangent impressions et conseils.

Sous l’appellation SOS enfant dans la ville, un groupe incite à « ne rien ajouter au visuel » pour « ne pas entrer dans l’engrenage de la provocation ». Son mot d’ordre : « tout doit disparaître ! »
Le Bureau de Vérification de la Publicité avait mis en garde contre le rejet des affiches par des usagers des transports publics. La contestation observée donne aujourd’hui raison à cet organisme, ainsi qu’à Métrobus, la régie publicitaire de la RATP, qui avait, dans un premier temps, refusé l’affichage. Les visuels et le slogan de Rainbow attitude (« Ca change rien pour vous, et pour nous c’est important ») choquent plus d’un voyageur.

Agissant à visage découvert, Adeline s’explique : « Imposer de telles images, ça change tout : cela veut dire que les enfants n’ont plus leur place ici. » Et la jeune femme de revendiquer : « J’en ai déjà enlevé quatorze, sur trois stations, et aucun passant n’a protesté, j’ai plutôt eu des regards et des gestes de soutien. »

Pourtant, même chez les opposants à la campagne d’affichage, l’arrachage ne fait pas l’unanimité. « J’ai des amis qui ont peur d’être traduits en correctionnelle », précise Adeline. Certains préfèrent écrire à la RATP, méthode qu’ils jugent « moins incivique ». Claude balaie ces scrupules du bras : « Et que diront-ils lorsqu’ils auront sur leurs murs des visuels de fellation ? Ils écriront une belle lettre ? » s’emporte l’homme qui en est à son deuxième arrachage.

Quant à la RATP, qui se dit noyée sous les protestations, elle a laissé entendre, dans un communiqué de presse, qu’elle regrettait d’avoir été forcée par la position de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE). Fort de ce soutien de poids, les organisateurs de Rainbow attitude avaient en effet crié victoire. Vont-ils découvrir qu’ils sont allés trop loin ?

Pour le moment, Régine Corti, Déléguée générale du salon, juge que cette campagne « comptera dans les avancées des droits des gays », se félicitant, sondage à l’appui, de l’évolution des mentalités.

Sur le site Internet du salon, on découvre, chez les artistes exposants, des « professions de foi » plus offensives : le sculpteur Roger Vène affirme à propos de ce qu’il nomme son projet politique : « J’inscris dans la sculpture la visibilité de l’amour gay, permettant ainsi au spectateur de pouvoir s’identifier (et je pense tout particulièrement aux adolescents) ».

C’est bien un bras de fer politique qui se profile derrière l’exhibitionnisme imposé aux usagers du métro : le maire de Paris a apporté son entier soutien à Rainbow attitude contre les velléités de « censure » de la RATP. En sens inverse, des associations comme Familles de France ou la Fédération Familles Médias ont dénoncé l’abandon d’une politique de protection de l’enfance à Paris, rejoignant ce qui semble être l’avis de la majorité silencieuse. Ils stigmatisent le trouble que ces visuels peuvent provoquer chez les plus jeunes.

Président de Familles Médias, Antoine Beauquier ne se dit donc « pas étonné d’un phénomène d’autodéfense » tout en s’inquiétant « d’un risque de dérapage ». Il déplore surtout que la HALDE se soit « discréditée » en « prenant parti contre les enfants dès sa première décision. » Il juge discriminatoire « une campagne qui s’impose par la pression » et annonce avoir alerté sur ce sujet Claire Brisset, défenseur des enfants.

En Italie, une affiche du photographe Oliviero Toscani présentant pour une marque de vêtements deux hommes s’embrassant dans une pose obscène vient d’être interdite : « la campagne, outre un trouble à l’ordre public, peut attirer l’attention des mineurs qui n’ont pas les clefs de lecture pour comprendre ces images, provoquant anxiété et gêne », a argumenté l’Institut italien d’autodiscipline publicitaire.

Tugdual DERVILLE