2989-Les foetus de Saint-Vincent de Paul - France Catholique
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2989-Les foetus de Saint-Vincent de Paul

“L’affaire des fœtus”, conservés illégalement dans un hôpital parisien, a vite disparu de nos médias. Elle aura pourtant révélé un malaise durable du corps médical.
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C’est un haut-le-cœur hexagonal qu’a soulevé l’annonce, le 2 août dernier, de la présence illégale de 351 fœtus, avortés ou morts avant la naissance, dans une salle de l’hôpital St-Vincent-de-Paul à Paris. Un cadre hospitalier zélé avait effectué la découverte en se renseignant à propos d’un fœtus, à la demande de sa mère. Caroline Lemoine explique à La Vie qu’après une interruption médicale de grossesse (IMG) subie en 2002, le livre d’Isabelle de Mézerac* lui a ouvert les yeux : « Rémy était pour moi un enfant ».

Après avoir dénié son existence, elle éprouvait soudain un besoin « presque physique » de « voir où il était inhumé »… Et voilà qu’on lui révèle que le petit corps est encore entreposé dans une poche de formol, comme 350 autres.

Rendu public, le scandale suscite des réactions contrastées. Dominique de Villepin annonce, en complément de la procédure judiciaire, une enquête administrative, afin notamment de préciser le statut juridique de chacun des fœtus. La loi française les différencie selon qu’ils ont plus ou moins de 22 semaines ou de 500 grammes, ou selon qu’ils sont nés viables ou non. Seuls les enfants morts après leur naissance ont le statut de personnes.

Insistant sur ces frontières juridiques, le président du Comité consultatif national d’éthique, Didier Sicard, semble vouloir calmer le jeu tandis qu’à l’inverse le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, exprime son émotion en se rendant sur place.

Même contraste du côté des médecins : alors que le président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens, Guy-Marie Cousin, tente de banaliser la conservation de ces corps au nom de l’enseignement et de la recherche, jugeant « ahurissante » la situation créée par « ce concert d’indignations des responsables politiques », celui de l’Association nationale des médecins urgentistes hospitaliers de France, Patrick Pelloux, se dit « consterné » ajoutant même : « il faut faire tomber des têtes ».

Quant à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, maison-mère de l’hôpital en cause, elle rassurera l’opinion, en précisant que la situation constatée dans les annexes de cette chambre mortuaire est unique dans ses établissements.

Friande de scandales, la presse avait imaginé un trafic d’embryons ou de fœtus… La réalité semble plus simple : un anatomopathologiste débordé a été incapable de répondre dans les délais prévus par la loi aux diagnostics post-mortem qu’on lui demandait jour après jour. On peut bien lui reprocher de ne pas avoir grand respect pour les corps de ces êtres humains-là, mais il faut avouer que c’est l’ensemble de l’organisation du dépistage des anomalies fœtales, induisant l’administration de la mort pour nombre de ces fœtus, qui conduit à pareille « chosification ». L’encombrement de son service par des petits corps qu’on n’a pas le temps d’autopsier relève soit d’une incompétence professionnelle, soit d’un déficit de moyens humains au regard de l’activité hospitalière en amont. Et l’événement n’est pas tant dans le fait révélé que dans l’impact émotionnel de la révélation.

Situation paradoxale

L’homme se caractérise par le respect du corps de ses défunts : traiter comme une chose son embryon ou son fœtus ne peut le laisser indifférent. Même s’il y a quelque chose de paradoxal dans le deuil d’une mère qui a obtenu la mort de son enfant handicapé par l’avortement, il révèle qu’elle ne peut être consolée dans le déni de son existence.

Jugeant la réponse de l’hôpital respectueuse, Caroline Lemoine n’est pas allée jusqu’à porter plainte et le corps de son petit Remy a été incinéré. Mais quelle ambivalence ! Les équipes hospitalières et les familles confrontées à l’IMG n’en finissent pas d’être dépassées par leurs contradictions. D’un côté, les rites de deuil qui sont proposés ont le mérite de reconnaître l’être humain qu’on vient d’exclure, mais de l’autre, ils tendent à nier l’injustice de cette exclusion, la faisant peser sur la « fatalité ». Comme si l’accueil de la vie de cet enfant était impossible ! C’était au contraire l’unique solution propre à respecter sa dignité. D’ailleurs, la mère par qui le scandale est arrivé regrette aujourd’hui qu’on ne lui ait pas proposé d’accompagner Rémy « jusqu’à sa mort naturelle ». Affirmant « vivre avec la culpabilité », elle veut désormais enseigner à sa fille « le respect des différences et des enfants qui souffrent d’un handicap ». Beau retournement.

Tugdual DERVILLE