Une stratégie venue des abîmes - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Une stratégie venue des abîmes

Traduit par Bernadette Cosyn

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Avertissement : Dans cet article, l’auteur fait référence à un livre de C.S. Lewis. Un diable chevronné, Screwtape, y écrit des lettres de conseils à son neveu, diable débutant dans ses fonctions. « L’utilisation de modes dans la pensée, écrit l’oncle Screwtape de diabolique mémoire, permet de détourner l’attention des hommes des vrais dangers. » Une stratégie simple, mais éminemment efficace : Nous orientons l’opinion publique de chaque génération contre les vices qui présentent le moins de danger et nous organisons son approbation pour la vertu la plus proche de ce vice que nous tâchons de rendre endémique. Le plan consiste à les faire tous accourir avec des extincteurs à chaque inondation et à les faire s’agglutiner du côté où le bateau penche au ras de l’eau. Comme cela, nous mettons à la mode la dénonciation des dangers de l’enthousiasme à l’exact moment où ils commencent à devenir mondains et peu enthousiastes… Les cruels, nous les mettons en garde contre la sentimentalité, les paresseux et incapables contre la respectabilité, les lubriques contre le puritanisme. Le lecteur peut facilement penser à plein d’autres exemples de ce phénomène. Au moment où l’islam annonce qu’il va chasser les chrétiens et les juifs hors du Moyen-Orient et où ses jihadistes décapitent des journalistes de par le monde, brouillant la cervelle de jeunes garçons et brûlant des villages entiers pleins de femmes et d’enfants, les Occidentaux, somnambules plongés dans une religieuse indifférence, se tourmentent à propos d’islamophobie. Alors qu’il est devenu quasiment de la haute trahison que de suggérer que les femmes pourraient être limitées de corps, d’humeur ou d’esprit et que les travailleurs hommes voient leur emploi disparaître ou leur salaire diminuer, nous nous préoccupons de déterminer si une étudiante diplômée d’une université friquée devrait payer de sa poche les hormones synthétiques lui permettant de continuer à mener sans souci une vie dépravée. Récemment, un joueur charismatique de l’équipe des Minnesota Vikings a été accusé de maltraitance sur son fils de quatre ans. Il avait pris une baguette à l’enfant et lui avait cinglé les jambes, encore et encore. Le résultat n’était pas joli à voir. Depuis ce jour, les ondes bruissent de discussions sur ce que devrait faire son employeur, avec les plus sévères condamnations si l’employeur ne faisait rien. Je ne défends pas la cause des joueurs de foot pères fouettards. Mais il me semble que c’est un bon exemple de la stratégie de Screwtape. Notre époque est loin de faire régner une discipline trop sévère sur les enfants. Je n’ai pas grand chose de bon à dire sur l’enseignement public. Le fait est que dans beaucoup d’écoles, il n’y a pas de réelle éducation parce que les classes échappent à la discipline. Le problème est particulièrement flagrant là où les enfants grandissent sans père. Le danger provient d’au moins deux directions différentes. Un enfant têtu et effronté peut tenir tête à ses parents avec la menace d’une fausse dénonciation de maltraitance ; cela vient principalement de filles de mères célibataires voulant se venger. Pendant ce temps, les garçons grandissant sans père n’apprennent jamais à réfréner leur agressivité. Ils se dressent contre leur mère, leur enseignante, l’infirmière scolaire, le proviseur femme. Ca ne les dérange pas que leur effronterie apporte le chaos et les affrontements. Ces choses sont pour eux le sel de la vie. Ce n’est pas pour dire que les enfants sont « déchaînés » à l’extérieur, car, généralement, ils sont sauvages dans l’embrigadement. Ils ne connaissent ni les murmures de l’ancienne bibliothèque ni le cri d’envol du faucon. Ainsi nous faisons beaucoup de mal à nos enfants, et rarement à coups de baguette. Pour en revenir à l’employeur du joueur de foot américain, aux journalistes sportifs et aux amateurs qui veulent le voir être renvoyé : je n’ai aucune opinion quant à ce que devrait être son châtiment. Je note seulement l’aveuglement stupéfiant des gens suivant ce code moral particulier. Les jambes du garçon ne vont pas souffrir d’un dommage permanent. Mais si le joueur avait fait quelque chose d’infiniment plus dommageable pour son fils ? Supposons qu’il ait dit à sa femme : « je te quitte pour une autre » et soit simplement sorti de la vie du garçon, envoyant chaque mois un chèque conséquent pour soulager sa conscience ? Qui se mettrait alors à crier qu’il doit perdre son travail ? Absolument personne. Et pourquoi non ? L’abandon ouvre une blessure qui ne guérit pas, une blessure non sur la peau des jambes mais dans le coeur. Ici, ça ne fait pas l’affaire de dire que le divorce et la résiliation des autres engagements domestiques sont légaux tandis que zébrer de coups les jambes d’un enfant ne l’est pas. Personne ne nie que le sportif ait à encourir les foudres de la loi. Mais les critiques réclament un châtiment bien plus fort que celui que la loi impose. Ils somment la ligue nationale de football de se dissocier d’une telle atrocité morale. Et cela me semble étrange. Si l’homme avait abandonné l’enfant, personne ne battrait d’un cil. Il serait intéressant de savoir combien parmi les nombreux critiques ont enfanté hors mariage, combien ont abandonné leurs enfants, combien les ont corrompus en exhibant leurs désordres sexuels ou en laissant de la pornographie à leur portée. Pour ne pas mentionner les enfants démembrés dans le sein maternel. Ca ne laisse pas d’enfant à balafrer derrière. Des termites grignotent votre charpente, et vous vous souciez d’une petite fissure dans le sol de la cave. Vos os sont rongés par le cancer, et vous êtes désolé d’avoir perdu la ligne. Quand vous avez colmaté la fissure, perdu un kilo et viré le joueur de foot, vous vous félicitez d’être si responsable et vous dites que tout est parfait. L’oncle Screwtape hennit de joie. Anthony Esolen est conférencier traducteur et écrivain. illustration : Saturne dévorant ses enfants, tableau de Goya source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/strategy-from-the-abyss.html