Une bizarre démarche du Saint-Père - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Une bizarre démarche du Saint-Père

Traduit par Pierre

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On le sait bien, désormais. En fait, on savait déjà, mais sans confirmation explicite. Le long harcèlement, la torture, ont pris fin : depuis l’invitation de S.S. François au Cardinal Kasper en février 2014 pour qu’il s’adresse aux évêques à Rome jusqu’à la lettre pontificale adressée la semaine dernière à des évêques argentins confirmant les directives qu’ils avaient élaborées collectivement, et selon lesquelles, « dans des cas exceptionnels » les divorcés remariés (vivant en adultère, comme on croyait depuis 2000 ans de Chrétienté occidentale) pourraient recevoir la Sainte Communion. Toute une affaire bizarre. Il n’y a pas d’autre mot.

Alors que je publiais fréquemment sur ce site [www.thecatholicthing.org] avant les deux Synodes sur la famille, quotidiennement lors de ces événements, et encore après, il était évident — au moins pour moi — que le pape souhaitait que ses frères évêques approuvent un côté de ce qu’on appellerait « Proposition Kasper ». Je notais qu’il n’a guère obtenu d’approbation — en fait les évêques de diverses parties du globe l’ont refoulée — ce qui l’a visiblement fâché, et l’a même incité à ronchonner lors de la clôture du deuxième Synode contre certaines opinions « parfois » exprimées, « hélas en des termes pas très bien pensants. »

Mais la bienpensance imparfaite d’un individu peut être pour un autre la conviction de demeurer fidèle à la parole de Jésus. Et depuis lors, même après la publication de « Amoris Laetitia », les Catholiques — en fait tout le monde — ont été embrouillés dans une tumultueuse et stérile spéculation pour deviner si les choses avaient changé, ou non. Même le notable renvoi N° 351 dans « Amoris Laetitia » pour toutes les interrogations suscitées chez les Catholiques traditionnels n’a pas vraiment répondu à l’attente ni clairement exposé la pensée du pape.

On comprend la perplexité des gens. Un pape a-t-il jamais changé quelque chose d’une telle signification par des renvois confus et, maintrnant, par une lettre à caractère privé adressée à un petit groupe local d’évêques ? Dans ce contexte peu limpide, il est tout-à-fait catégorique : « Le document est excellent et explique totalement la signification du chapitre VIII de « Amoris Laetitia ». On ne saurait donner une autre interprétation.»

Je le répète : bizarre — tant la façon d’agir que son contenu. Il a fallu plusieurs jours avant que soit confirmée l’authenticité de la lettre aux évêques Argentins — fuite ultérieurement confirmée par le Vatican. S.S. François n’est pas gêné de prononcer en public des expressions telles que «qui suis-je pour juger ?» et «si vous ne vous renouvelez pas, allez à confesse.» Il s’en prend, souvent à raison, contre le carriérisme, les cancans, les jalousies au sein de la Curie, mais, soudain, prend peur quand il s’agit du mariage et de la famille ? Comme l’a déclaré crûment lors des Synodes le Cardinal Hongrois Peter Erdö, tout se résume à un choix : ou bien vous donnez la Communion à certains, ou bien vous la refusez.

Et même après le « Oui » de S.S. François, on continue à entendre qu’il y a des conditions, des nuances, des limites. À maintes reprises, le pape a refusé de commenter ce changement voulant, selon ses dires, éviter de donner une « réponse simpliste ». Mais en dehors du fait qu’il a déjà agi ainsi sur nombre d’autres sujets, il semble pour le moins croire qu’il sera possible d’affiner la question par un accompagnement, du discernement, termes aux contours bien flous. Les évêques Argentins ont insisté pour qu’on ne considère que des cas exceptionnels : «il faut éviter d’interpréter cette possibilité comme un accès sans restriction aux sacrements, ou comme si n’importe quelle situation pouvait le justifier.»

Mais alors qu’ils ont identifié le risque, ils ne l’ont pas écarté. Dans notre monde présent, chacun considère qu’il est un cas particulier ; pitié à l’avenir pour le pauvre curé de paroisse ou l’évêque du diocèse semblant trop « rigide » en n’accordant pas aux gens assez de « cas particuliers ».

Un catholique est en droit d’attendre un certain accompagnement et du discernement à propos de l’enseignement de l’Église — en particulier sur les principes régissant les « conditions exceptionnelles ». Prenons un exemple qui ne restera pas longtemps hypothétique : un couple d’homosexuels unis et éprouvant toute leur vie l’attraction pour le même sexe, sans que ce soit leur faute ? Quand le premier Synode s’est engagé sur cette pente, la question a été considérée comme extrême et vite abandonnée par les quelques évêques qui souhaitaient qu’elle fût traitée. Mais sans quelques principes clairs pour traiter à part de tels cas, pourquoi pas ?

Au cours des 2000 ans d’histoire de l’Église — histoire d’apôtres, de martyrs, confesseurs, grands saints, brillants docteurs, profonds mystiques — aucun n’a jugé catholique un tel enseignement. Certains même sont morts en défendant l’indissolubilité du mariage. Pour un pape, critiquer ceux qui demeurent fidèles à cette tradition et leur reprocher un certain manque d’indulgence, les abaisser au même niveau que des Pharisiens au cœur de pierre hostiles au miséricordieux Jésus, est bizarre.

J’ai vécu assez longtemps à Washington et passé suffisamment de temps à Rome pour ne pas ajouter foi à ce qu’un journaliste déclare avoir entendu d’un dirigeant — séculier ou religieux — en privé. Mais je suis persuadé que lorsque Eugenio Scalfari — l’excentrique rédacteur en chef de La Repubblica, le journal socialiste de Rome — déclare que S.S. François lui a dit qu’il permettrait à tous de recevoir la communion, il n’a pas bien retenu les termes exacts. Mais il a reniflé quelque chose.

En fait, les catholiques reçoivent de nos jours un nouvel enseignement, et pas seulement sur le divorce et le remariage. On a une nouvelle vision de l’Eucharistie. Rappelons qu’en janvier le pape, tout crûment, sans exclusive, a suggéré à un groupe de Luthériens à Rome qu’eux aussi devraient « dialoguer avec le Seigneur » et « aller de l’avant ». Après quoi, ils communièrent à la messe au Vatican. C’est d’une certaine façon encore plus significatif. Un couple de catholiques, divorcés et remariés, est dans le péché mais — au moins en principe — ils sont toujours catholiques. La Communion « intercommunion » avec des Chrétiens non catholiques a-t-elle aussi été décidée sans la moindre consultation — un peu comme si une telle avancée dans la compréhension du Sacrement de l’Unité n’avait guère d’importance ?

Je le dis avec tristesse, mais je crains que la suite de cette papauté soit marquée par des hordes de dissidents, des accusations d’hérésie papale, des menaces — peut-être même l’apparition d’un schisme. Seigneur, ayez pitié.

14 septembre 2016

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/14/a-bizarre-papal-move/

[N.d.T. : « errare humanum est . . . », hormis sur les questions de dogme, le pape n’est pas infaillible.

« …perseverare autem diabolicum ». Implorons l’Esprit Saint de ranimer les lumières dont Son Église semble avoir grand besoin.]