Une analyse des propos du pape - France Catholique
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Une analyse des propos du pape

Traduit par Bernadette Cosyn

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« Le pape semble passer une bonne journée » m’a écrit par courriel un distingué jésuite juste après le discours de François au Congrès. C’est tout à fait ça. Il a évoqué des problèmes assurés de donner tant aux Démocrates qu’aux Républicains à la fois réconfort et brûlures d’estomac, mais son discours était pour l’essentiel plutôt bien équilibré, en fort contraste avec le discours de mardi à la Maison Blanche, dont plus de la moitié était consacrée au changement climatique. Il continue tout bonnement de charmer les gens avec un message de miséricorde et de réconciliation, et les conséquences de sa visite pourrait bien se trouver davantage dans cette dimension personnelle que dans quoi que ce soit de spécifique qu’il aurait pu dire. Mais pour cette raison même, il continue à y avoir des réactions vigoureuses, tant positives que négatives, à ce qu’il a dit et fait.Vous devriez examiner ces propos mais ayez la gentillesse de lire les propres mots du Pape par vous même (ici, un lien vers le texte du discours).

Si vous le faites, vous verrez que à la réunion du Congrès, il n’y a qu’un point où vous pouvez ressentir qu’il fait sans conteste un peu de lobbying – quand il est revenu brièvement aux problèmes environnementaux : « Je suis convaincu que nous pouvons changer, et j’ai la certitude que les États-Unis – et ce Congrès – ont à jouer un rôle important. Le moment est venu d’actions et de stratégies courageuses, visant à mettre en œuvre une « culture de la prévenance » et une approche multiculturelle pour combattre la pauvreté, restaurer la dignité des exclus et dans le même temps protéger la nature. » Si vous lisez en diagonale, vous pourriez croire que le pape demande simplement au Congrès de se remuer au sujet du changement climatique. Mais regardez mieux : il parle également d’une manière de faire multiculturelle pour résoudre les problèmes de pauvreté et d’exclusion.

Que veut-il dire exactement ? Comme d’habitude, il n’est pas toujours clair et ses textes demandent une analyse, ce qui conduit inévitablement à des disputes pour savoir sur quoi est mis l’accent. Mais il vaut la peine de noter qu’il a dit un peu plus tard : « L’entreprise est une noble vocation, orientée à produire des richesses et à améliorer le monde. Cela peut être une source fructueuse de prospérité là où elle agit, surtout si elle voit la création d’emplois comme une part essentielle de sa participation au bien commun. (Laudato Si, 129). Ce bien commun comprend aussi la terre, un thème central de l’encyclique que j’ai récemment écrite en vue ‘d’entrer en dialogue avec tous les habitants de notre maison commune’ » (Laudato Si, 3). Il a même reconnu que la globalisation économique a sorti plusieurs millions de personnes de la pauvreté. Son unique objection est que la tâche n’est pas achevée.

Le discours du Pape au Congrès était, de façon surprenante, explicite sur les principes fondamentaux de la doctrine sociale actuelle de l’Église – de façon surprenante, parce que d’habitude il n’insiste pas spécifiquement sur les principes sociaux catholiques. Le bien commun est un terme technique clef ayant une longue histoire, mais il est devenu important au vingtième siècle précisément parce qu’il offrait une nouvelle manière de comprendre les personnes et la société qui tranchait de façon frappante avec le collectivisme du marxisme tout aussi bien qu’avec l’individualisme radical de plusieurs courants dans les démocraties occidentales.

Le bien commun repose sur une certaine vision de la personne humaine – un être modelé par sa famille et par d’autres institutions sociales, mais qui a également une personnalité propre. Cette personne, convenablement comprise, ne peut pas se diluer dans une entité collective, mais elle ne peut pas non plus avoir une sorte d’autonomie radicale qui est devenu quasiment le cadre par défaut de la culture occidentale. En termes politiques, les catholiques parlent de subsidiarité et de solidarité comme de principes sociaux indispensables : la solidarité est bien évidemment le nom donné à notre responsabilité de prendre soin les uns des autres ; la subsidiarité nous avertit que nous agissons ainsi d’abord comme individus et dans le cadre des institutions de la société civile telles que la famille, l’église, l’école, etc. Attendre du gouvernement, excepté en dernier ressort, qu’il prenne soin de nous, comme nous le faisons si souvent de nos jours, est une invitation tout à la fois à la tyrannie et à la décadence.

Certains ont remarqué que le Saint-Père est plus clair et incisif quand il parle de problèmes auxquels il semble croire fortement : l’environnement, l’immigration, la crise mondiale des réfugiés, l’abolition de la peine de mort et même des condamnations à perpétuité, l’interdiction des armes sales. Quand il a été question des problèmes de vie et de mort, par exemple, il a prononcé la formule que tous les pro-vie attendaient : « La Règle d’Or nous rappelle notre responsabilité de protéger et défendre la vie humaine à tous les stades de son développement. » Mais à moins d’être pro-vie, vous pouvez ne pas avoir tout-à-fait compris, puisque le mot avortement n’a jamais été prononcé. Comme un lecteur me l’a écrit, une importante question n’a été abordée nulle part : combien de gens sont exécutés en Amérique par rapport au nombre d’avortements ? C’est quarante par an, contre plus d’un million. Et si vous vous attardez sur ces quelques quarante, peut-être que le million mérite d’être évoqué en plus d’une ligne.

Des gens différents vont réagir à la vision globale du Pape de différentes manières. Pourtant, je pense que ce n’est pas rien qu’il ait parlé en conclusion et d’abondance précisément de la famille. Il a redit une chose qu’il répète très souvent : nous avons besoin de préserver les liens entre les jeunes et les vieux et nous devons analyser comment les conditions économiques – en particulier le fort taux de chômage – et les pressions culturelles induisent moins de mariages chez les jeunes adultes.

Parmi ces facteurs culturels, il note que «  les relations fondamentales, telles que les véritables bases du mariage et de la famille, sont remises en question. » Ce la fait probablement référence à la façon dont on fait la promotion de l’homosexualité. Il n’a pas précisé qui était ce « on » et le mot homosexualité, tout comme le mot avortement, n’a jamais été prononcé. Il avait probablement également à l’esprit la « théorie de genre », qu’il a fréquemment dénoncée comme étant une fausse idéologie cherchant à imposer une large variété « d’expressions et d’identités de genre » en remplacement de la différence biologique essentielle mâle/ femelle. Comme il l’a dit à la Maison Blanche mardi, il va voyager jusque Philadelphie pour la 8e Réunion Mondiale des Familles « afin de célébrer et soutenir les institutions du mariage et de la famille en ce moment critique de l’histoire de notre civilisation. »

Beaucoup de gens pensent qu’il a mis la pédale douce sur la doctrine catholique, et je disais moi-même hier que je ne peux pas assurer qu’il soit toujours conscient de la nature de son auditoire. Mais comparé à ces soucis et intuitions, le discernement de François sur ce qui menace toute notre civilisation est clair et il a dit à notre Congrès des paroles dont nous devons lui être reconnaissants.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/09/25/parsing-the-pope/