Un guide pour les égarés (*) - France Catholique
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Un guide pour les égarés (*)

Traduit par Vincent de L.

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Nota : Certains lecteurs ont réagi à l’article de George Marlin paru hier (le 3 mai 2016, ndt), scandalisés que The Catholic Thing (TCT) « s’implique à présent dans la politique ». Nous ne nous y impliquons pas seulement maintenant car nous y sommes impliqués depuis le début, parce que l’Église n’est pas une secte, qu’elle s’est engagée et doit s’engager sur certaines questions relevant de l’ordre public, et que le Christ est le Seigneur de tous. Et nous entrerons à nouveau dans l’arène lorsqu’il le faudra. Hier, M. Marlin exposait des raisons de son opposition à Donald Trump et pourquoi il pense qu’il ne peut pas gagner la présidence ; aujourd’hui, Hardley Arkes offre une lecture plus pleine d’espoir que, dans une année d’étrange élection, n’importe quel président républicain puisse toujours être le meilleur rempart contre la posture anti-vie effrénée du parti démocrate tel qu’il est actuellement constitué. TCT, en tant qu’institution, ne prend aucune position partisane, de quelque côté que ce soit, mais en tant que site pour la réflexion catholique, accueille les points de vue de ses différents rédacteurs – et commentateurs – qui ne seront pas toujours d’accord, si ce n’est d’être pleinement et fidèlement catholique.

Robert Royal.

Mon ancien professeur, Leo Strauss, avait coutume de dire que l’on fait moins de violence lorsque l’on voit le bas à la lumière du haut que lorsqu’on regarde le haut à la lumière du bas. Le maire d’une commune peut être impliqué dans des affaires comme le nettoyage des rues ou les autorisations d’aménagement. Cependant, au cœur de la tâche politique, il est nécessaire de délibérer sur les politiques qui peuvent susciter l’adhésion et l’approbation, car c’est une manière d’être juste et de se fonder sur des principes dans le traitement des groupes rivaux, et d’en sortir avec des décisions qui semblent provenir d’une justice à fois rude et digne.

La vie politique trouve toujours son centre dans les questions à propos du juste et de l’injuste, du vrai et du faux. Ainsi, ce maire prendra sa part de l’ouvrage qu’Abraham Lincoln a mené à un niveau extraordinaire de recherche. On comprend beaucoup mieux la vocation de ce maire si l’on comprend qu’elle offre une petite image du travail de Lincoln, beaucoup mieux que si l’on voyait Lincoln à la lumière du bas, c’est-à-dire juste comme un politicien essayant d’arranger le favoritisme et les marchés publics.

Ce qui occasionne ce propos est la perplexité qui entoure l’avènement de Donald Trump et les réactions qu’il suscite dans les endroits les plus improbables. Comme cet ami qui a enseigné pendant plus de vingt ans à l’université d’Oxford et qui est pour Trump depuis le début. Il apprécie beaucoup la qualité de la réflexion apportée par Lincoln lorsqu’il expliquait ses buts et élaborait les moyens les plus adroits d’y parvenir. Les politiciens seront toujours imparfaits ; mais nous pouvons quand même prendre leur mesure en utilisant Lincoln comme la référence de ce qu’ils pourraient être de mieux.

Mais Donald Trump n’a apporté aucun niveau comparable de réflexion, très peu de choses au-delà de l’incantatoire « rendre sa grandeur à l’Amérique », de la construction d’un mur le long de la frontière mexicaine, et de prendre le risque d’une guerre commerciale en tapant sur les prix. Mon ami universitaire est habituellement le plus critique des écrivains d’essais et des candidats. Alors pourquoi la volonté de relâcher ici ces normes exigeantes ? Pour mon ami, je crois que c’est le reflet de son mépris pour notre classe politique et la volonté de voir « secouées » les choses. Mais une fois qu’on a « secoué les choses », où sont-elles censées atterrir ? Vers quelle fin cette agitation doit-elle être orientée ?

M. Rush Limbaugh, souvent si plein de bon sens dans son analyse politique, a dit que Trump représentait le rejet du « politiquement correct ». Mais cela me paraît assez loin de la vérité. Est-ce que Trump a entrepris une défense du mariage contre les courants d’opinion générés par les tribunaux, les media, l’université et les corporations, classant comme bigots tous ceux qui voudraient s’opposer au mariage entre personnes du même sexe ? Dans ses commentaires à propos de l’avortement, il est clair qu’il n’a donné pour ainsi dire aucune réflexion sérieuse sur le sujet. Et sur la question du soi-disant « transgenre », il est maintenant considéré comme d’un avis semblable à celui qui dit que l’évolution de notre « culture » fait que l’on n’a plus besoin de respecter les vérités de la nature qui nous constituent comme hommes et femmes.

Non, Rush Limbaugh a tort : Trump a simplement été impoli et grossier dans son discours ; il s’est placé contre les conventions de la civilité mais n’a proposé absolument aucun défi aux orthodoxies du politiquement correct. Pour prendre une comparaison ancienne : Socrate aurait pu se faire ravageur à Athènes, mais cela ne signifie pas que tous les ravageurs soient Socrate.

S’il faut faire un choix, en novembre, entre Donald Trump et Hillary Clinton, je peux comprendre pourquoi certains amis ont fait des recherches sur l’immobilier… à Malte. Et pourtant, de notre point de vue, la présence de deux candidats frappants et peu attirants fait courir le risque d’un profond réexamen des textures profondes et des structures de notre vie politique.

Comme le sait le lecteur de ces colonnes, la Chambre des Représentants a voté en septembre dernier à 248 voix contre 177 afin de punir les chirurgiens qui tuent les bébés qui ont survécu à un avortement. Les 177 votes contre provenaient des Démocrates. Nos amis, lors d’un entretien à la radio, ont été des conservateurs enflammés en traitant les Républicains du Congrès de mauviettes. Ils ont fait avec trop de désinvolture la lumière sur les différences sérieuses, de principe, qui vont séparer les partis politiques.

Tout ce qui est dans la nature et la dynamique d’un système de partis qui produit de telles différences systématiques dans les principes, est un sujet sur lequel je pourrai revenir plus tard. Mais il faudrait être en quelque sorte aveugle pour ne pas souligner dès maintenant certaines différences. Même si la candidate de la gauche était séduisante et impeccablement propre, un gouvernement de gauche serait implacable dans sa guerre pour que les institutions catholiques financent l’avortement et la contraception, et s’éloignent de toute objection morale contre le mariage entre personnes du même sexe.

Nous verrions une extension de la même ligne de conduite visant à détacher encore plus les ordres de l’Exécutif des lois qui leur fournissent à la fois leur autorité et leurs limites. Une « règle de droit », qui vacille à présent à la limite, pourrait bien passer au-delà de cette limite, non seulement en nous privant de droits civils, mais en nous diminuant tous.

M. Trump est un joker, mais il est susceptible de signer des mesures pro-vie, et il prend aujourd’hui ses avis auprès des bonnes personnes pour nommer un successeur au Juge Scalia. Dans ce Guide pour les Égarés, nous pouvons trouver une raison de nous mordre les lèvres et de choisir le Joker plutôt que la brutale Certitude de l’autre côté.

(*) “Le guide des égarés” est le titre de l’œuvre principale de Moïse Maïmonide, philosophe juif majeur du XIIe siècle (ndt).

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Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/05/04/a-guide-for-the-perplexed/

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Hadley Arkes est professeur émérite de jurisprudence à la chaire d’Edward N. Ney de la faculté d’Amherst. Il est également fondateur et directeur du James Wilson Institute on Natural Rights and the American Founding (Institut James Wilson des droits naturels et de la fondation américaine). Son livre le plus récent est Constitutional Illusions & Anchoring Truths: The Touchstone of the Natural Law (Illusions constitutionnelles et vérités de fond : la pierre angulaire de la loi naturelle). Le volume II de ses conférences audio tirées de The Modern Scholar, First Principles and Natural Law (Le chercheur moderne, premiers principes et loi naturelle) est à présent disponible au téléchargement.