Un dimanche du mois de nisan - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Un dimanche du mois de nisan

Traduit par Bernadette Cosyn

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C’était le mois de nisan. Le Livre de l’Exode donnait l’ordre que ce mois-là l’agneau pascal soit choisi, et conduit quatre jours plus tard au lieu du sacrifice. Le dimanche des Rameaux, l’Agneau fut choisi par acclamation populaire ; le Vendredi Saint, Il était sacrifié.

Notre Seigneur a passé son dernier sabbat à Béthanie, avec Lazare et ses sœurs. La nouvelle circulait qu’Il allait se rendre à Jérusalem. Pour préparer Son entrée, il avait envoyé deux de Ses disciples au village, où il leur avait été dit qu’ils trouveraient un ânon attaché, qui n’avait encore jamais été monté. Ils devaient le détacher et le Lui amener. « Si quelqu’un vous demande, pourquoi le détachez-vous ? Vous répondrez : le Seigneur en a besoin. » (Luc 19:31)

On n’a peut-être jamais écrit un paradoxe plus grand que celui-ci – d’un côté la souveraineté du Seigneur, et de l’autre son « dénuement ». Cette combinaison de divinité et de dépendance, de possession et de pauvreté était la conséquence du Verbe prenant chair. En vérité, lui qui était riche s’est fait pauvre à notre bénéfice, afin que nous puissions être riches. Il a emprunté un bateau à un pêcheur pour prêcher de son bord ; Il a emprunté des pains d’orge et des poissons à un jeune garçon pour nourrir la multitude ; il a emprunté une tombe hors de laquelle Il puisse ressusciter ; et maintenant il emprunte un ânon sur le dos duquel Il va entrer dans Jérusalem. Quelquefois, Dieu emprunte et réquisitionne les biens de l’homme, comme pour lui rappeler que toute chose est un don venant de Lui. Il suffit pour ceux qui Le connaissent d’entendre : « le Seigneur en a besoin. »

Comme il approche de la ville, une « grande foule » vient à Sa rencontre ; parmi elle, il n’y avait pas que des citoyens mais aussi des pèlerins venus pour la fête et, bien sûr, les pharisiens. Les autorités romaines étaient également en alerte durant les grandes fêtes, de peur d’une insurrection. Dans toutes les occasions précédentes, Notre Seigneur a rejeté le faux enthousiasme des gens, a fui les projecteurs de la publicité et a évité tout ce qui ressemblait à une mise en avant.

A un certain moment : « Il leur interdit de dire à quiconque que Lui, Jésus, était le Christ. » (Matthieu 16:20)

Quand Il ressuscite la fille de Jaïre : « Il leur demande avec insistance de n’en rien dire à personne. » (Marc 5:43)

Après avoir révélé la gloire de Sa divinité lors de la Transfiguration : « Il les avertit de ne dire à personne ce qu’ils avaient vu avant que le Fils de l’Homme ne soit ressuscité. » (Marc 9:8)

Quand la foule, après le miracle de la multiplication des pains, cherche à Le faire roi : « Il se retire à flanc de colline, tout seul. » (Jean 6:15)

Quand ses proches Lui demandent d’aller à Jérusalem et d’étonner les participants à la Fête par Ses miracles, Il dit : « mon Heure n’est pas encore venue. » (Jean 7:6)

Mais l’entrée dans Jérusalem est tellement publique que même les pharisiens ont dit : « regardez, tout le monde s’est mis à Le suivre. » (Jean 12:19)

C’est en opposition avec ses façons de faire habituelles. Avant, Il sapait leur enthousiasme, maintenant Il l’attise. Pourquoi ?

Parce que son « Heure » est venue. Il est temps maintenant pour Lui de faire la dernière affirmation publique de Ses revendications. Il sait que cela le conduira au Calvaire, à Son Ascension et à l’établissement de son Royaume sur terre. Une fois qu’Il accepte leurs louanges, il n’y a plus que deux voies ouvertes pour la cité : le reconnaître comme Messie, comme l’a fait Pierre, ou bien le crucifier. Soit Il est leur Roi, soit ils ne veulent pas avoir d’autre roi que César. Le bon moment pour faire son ultime proclamation n’était pas les rivages ou les sommets de Galilée, mais bien la cité royale à la période de la Pâque.

Il attire l’attention sur sa Royauté de deux manières, premièrement par l’accomplissement d’une prophétie familière au peuple et deuxièmement par les hommages à sa divinité qu’Il accepte comme un dû.

Matthieu explique clairement que la procession solennelle était destinée à accomplir la prophétie faite par Zacharie des années plus tôt : « dis à la Fille de Sion, regarde, voici que ton roi vient à toi, humblement monté sur un âne. » (Matthieu 21:5) La prophétie est venue de Dieu par la bouche d’un prophète, et maintenant Dieu Lui-même l’amène à réalisation.

La prophétie de Zacharie avait pour but de révéler le contraste entre la majesté et l’humilité du Sauveur. Quand on regarde les anciennes dalles sculptées d’Assyrie ou de Babylone, les peintures murales d’Égypte, les tombes perses, les inscriptions des colonnes romaines, on est frappé par la majesté des rois triomphant sur leurs chevaux ou leurs chars, parfois au-dessus des corps prosternés de leurs ennemis. Par contraste, il y en a Un qui vient triomphant sur un âne.

Comme Pilate, s’il jetait un coup d’œil hors de sa forteresse ce jour-là, a dû rire au spectacle ridicule d’un homme proclamé roi et cependant assis sur l’animal qui était le symbole des déclassés – un moyen de transport adapté pour quelqu’un chevauchant vers les mâchoires de la mort ! S’Il était entré dans la ville avec la pompe royale, à la manière d’un conquérant, Il aurait donné l’occasion de croire qu’Il était un Messie politique. Mais les conditions qu’Il a choisies valident sa revendication que son Royaume n’est pas de ce monde. Rien de suggère que ce Roi pauvre est un rival de César.

Les acclamations du peuple sont une autre reconnaissance de Sa divinité. Plusieurs ôtent leur manteau et l’étendent devant Lui ; d’autres coupent des rameaux d’olivier et des palmes et les répandent sur le chemin. L’Apocalypse parle d’une multitude immense, se tenant devant le trône de l’Agneau avec des palmes de victoire à la main. Les palmes sont là, si souvent utilisées à travers l’histoire pour signifier la victoire, comme lorsque Simon Macchabée entre à Jérusalem, témoignant de Sa victoire – juste avant qu’Il ne soit momentanément vaincu.

Alors, reprenant les vers du Grand Hallel (NDT : le grand psaume de la Pâque juive) qui se réfèrent au Messie, les foules le suivent en criant : « Béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur ; paix dans le ciel, gloire au plus haut des cieux. » (Luc 19:38) Reconnaissant maintenant qu’il est l’Envoyé de Dieu, ils répètent pratiquement le chant des anges de Bethléem, car la paix qu’Il apporte est la réconciliation de la terre et du ciel. La salutation des Sages à son berceau est également répétée :« le Roi d’Israël ».

Un nouveau chant est repris quand ils crient : « hosanna au Fils de David ; hosanna au plus haut des cieux. » (Matthieu 21:9)

« Roi d’Israël » (Jean 12:13)

Il était le Prince promis de la lignée de David ; l’Envoyé investi d’une mission divine. Hosanna, qui est originellement une prière, devient un cri d’accueil triomphant à un Roi Sauveur. Ne comprenant pas exactement pourquoi Il a été envoyé, ni la sorte de paix qu’il apporte, ils confessent néanmoins qu’Il est d’essence divine. Les seuls à ne pas partager leurs acclamations sont les pharisiens : « certains des pharisiens présents dans la foule Lui dirent : maître, reprends tes disciples. » C’est assez étrange qu’ils en aient appelé à Notre Seigneur, puisqu’ils étaient choqué qu’Il ait accepté les hommages de la foule. Avec une terrible majesté, Notre Seigneur rétorque : « je vous le dis, s’ils se taisent, les pierres crieront à la place. » (Luc 19:40)

Si les hommes restaient silencieux, la nature elle-même se mettrait à crier et proclamer Sa divinité. Les pierres sont dures, mais si elles crient quand même, combien plus durs doivent être les cœurs des hommes qui ne reconnaissent pas la miséricorde de Dieu à leur porte. Si les disciples se taisaient, les ennemis n’y gagneraient rien, car les montagnes et les mers prendraient voix.


Fulton J. Sheen est né à El Paso (Illinois) le 8 mai 1895. Il a rejoint le séminaire Saint Paul (Minnesota) et a été ordonné prêtre en 1919. Après des études ultérieures à l’université catholique, il obtint un doctorat de philosophie à l’université catholique de Louvain (Belgique). En 1930, il a lancé une émission radiophonique le dimanche soir, « l’heure catholique » et en 1951, devenu évêque, une émission télévisée « la vie vaut la peine d’être vécue » qui a fait un tabac et lui a valu un Emmy en 1952.

Le pape Paul VI le nomme archevêque en 1969. Il meurt le 9 décembre 1979 et est enterré dans la crypte de la cathédrale Saint-Patrick. Benoît XVI le déclare bienheureux le 28 juillet 2012.

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illustration : « l’entrée du Christ à Jérusalem » par Jean-Hyppolyte Flandrin, 1848 (Saint- Germain- des-Prés, Paris)

source : http://www.thecatholicthing.org/2015/03/29/a-sunday-in-nisan/