Un coeur pur - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Un coeur pur

Traduit par Christophe L.

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Mon père était l’homme le moins prude que j’ai jamais connu, considérant la moralité ordinaire du corps comme allant de soi.

Un jour, alors que je regardais à la BBC « la tempête », une aventure loufoque présentant un Ariel androgyne légèrement bedonnant en compagnie d’esprits à la peau brune vêtus du plus minuscule des pagnes à l’avant, et nus à l’arrière.

Mon père passait par là alors que 20 de ces personnages dénudés dansaient pour le compte du couple nouvellement fiancé Ferdinand et Miranda. Alors que Shakespeare avait écrit cette scène en hommage à la bienveillance et à la générosité du mariage conjugal chaste, c’était là ce qui aurait pu être des Tahitiens déshabillés dansant dans le but d’exciter Christian Fletcher et ses vieux loups de mer qui étaient frustrés depuis longtemps.

Mon père s’arrêta, fixa cette scène, et me lança un sourire ironique. « qu’est-ce c’est », demanda-t-il? C’est « la tempête » de Shakespeare, répondis-je? « Ummm , répondit-il alors qu’il partait. Je coupais la télévision et trouvais quelque chose de mieux à faire.

Je l’ai seulement entendu une seule fois marmonner une obscénité. Oh, il pouvait être assez grossier s’il écrasait son pouce avec un marteau, mais des obscénités, jamais; à l’exception d’une seule fois, lorsqu’il avait été le manageur du tournoi du club de baseball des « Babe Ruth ».

Mon frère était le premier joueur de champ; l’arrêt-court était un petit type rapide avec un genre. Ce jour là, l’arrêt-court réchauffait le banc de touche car il avait loupé un entraînement sans aucune excuse. Son père était dans les gradins.

Notre équipe perdait, et ça a fait sortir son père de ses gonds. C’était un homme maigre avec une caisse là ou la nature avait jugé bon de placer la bouche chez la plupart des hommes. Il marchait avec une canne, s’étant récemment cassé la jambe. Tout ce qu’il faisait, manche après manche, à une distance de 20 pieds du banc de touche, était de maudire, de faire claquer ses lèvres, et de maltraiter mon père, le traitant d’idiot, l’accusant de soutenir ses favoris, tournant en dérision ses décisions dans le jeu, criant des choses désagréables, et faisant baisser de honte la tête de son fils qui était assis sur le banc de touche.

Soudainement, d’un seul coup, mon père en eut assez, et il regarda au dessus de la barrière le perturbateur et lui dit de la fermer, utilisant un participe présent que je n’avais entendu de sa bouche, et ajoutant que si le supporter n’était pas content, il pouvait l’être pour lui.

« Continue », répondit le perturbateur en brandissant sa canne. « Frappe moi, frappe moi, j’aurai ta maison! » (Dieu le père de Cima da Conegliano, c. 1515)

Le pauvre fils regardait fixement ses pieds dans un silence de mort. Soudainement l’arbitre ordonna au perturbateur de quitter les terrains, sous la menace d’une sanction, et c’était comme ça.

Mon père ne raconta jamais d’histoires graveleuses, pas plus qu’il n’en écouta. Ce n’était pas parce qu’il pensait qu’il était meilleur que les autres; Il aurait dit, si vous le lui aviez demandé, que cela ne l’intéressait pas. Il n’a jamais répandu de commérages, pas plus qu’il n’en a écoutés. Il était doté d’un jugement affuté des personnes, mais ce n’est qu’à une seule ou à deux reprises que j’ai pu l’entendre dire une chose au sujet d’une personne qu’il ne lui aurait pas dit en face.

Il vendait des polices d’assurance à des clients dans des zones rurales éloignées, ne gagnant sa vie qu’avec des commissions, jamais avec un salaire. Cela signifiait qu’il voyait moins de prospects en une semaine que des vendeurs travaillant en ville, car il avait beaucoup de route à faire. Mais il aimait les gens des campagnes, ils étaient hospitaliers et bavards, et il appréciaient une personne qui leur disait, « Voilà ce que je vous offre, voici ce que vous avez aujourd’hui, voici le prix pour mon contrat, ce que le votre coûte, voici ce que nous couvrons que le votre ne couvre pas, voici ce que votre contrat couvre que le notre non, » et ainsi de suite.

Mon frère, qui appris le commerce avec lui me dit qu’il arrivait parfois qu’il déclare tout simplement au prospect qu’il feraient mieux de ne rien faire, et que celui-ci finisse littéralement en le suppliant de le laisser lui acheter quelque chose.

Les fermiers habitaient loin les uns des autres, mais ils vivaient entre eux, dans la réalité du labeur partagé dans la sueur et des fêtes.

« Tu peux faire une sale vente », disait-il à mon frère, « mais c’est comme marché dans du fumier. Tu mettra des mois avant de te débarrasser de l’odeur. »

Mon père avait le coeur pur. Il avait été élevé à une époque ou on pouvait attendre un garçon dur à la tâche, bien élevé, qui avait servi de nombreuses années à la messe en tant que servant d’autel, et dont à la fois le pasteur et la mère voulaient qu’il devienne prêtre.

« Bénis soient les coeurs purs », dit Jésus, « car ils verront Dieu. » Mon père était italien, pas un Gallois, mais j’aime beaucoup ce que les Gallois appellent le Saint esprit, parce qu’Il met en relation cette béatitude mystérieuse avec l’une des plus encourageante promesses de Jésus.

« Quel Père serait-ce », dit Jésus, « si son fils lui demande un oeuf, et qu’il lui donne un serpent? Ou s’il lui demande un poisson, et qu’il lui donne un scorpion? Mais vous, qui êtes mauvais, vous savez comment donner de bonne choses à vos enfants, et combien alors votre Père qui est dans les cieux donnera-t-Il le Saint Esprit à ceux qui Le lui demandent? » Le Gallois a un mot pour « saint », mais pas ici; la troisième personne de la Trinité est « yr Ysbryd Glan » : ce qui signifie littéralement, l’Esprit pur.

« Crée en moi un coeur pur, oh Dieu, » chante le psalmiste, « et renouvelle mon esprit. » Le corps de mon père est maintenant poussière, mais il a été, et sera de nouveau, le temple de l’Esprit pur; et j’espère seulement que son fils brillera de la moitié de ce qu’il a brillé.


http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/a-clean-heart.html

Image : Dieu le Père par Cima da Conegliano, c. 1515


Anthony Esolen est maître de conférence et écrivain. Son dernier livre est un receuil de réflexions sur la vie chrétienne : Comment notre histoire est une histoire de Dieu et 10 manières de détruire l’imagination de votre enfant. Il enseigne à Providence college.

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