Turquie : guerre ou élections - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Turquie : guerre ou élections

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Afin de forcer le destin aux élections du 1er novembre, le président turc a eu recours à une stratégie de tension. Il a été débordé par les effets de la déstabilisation régionale.

Les attentats du 10 Octobre à Ankara faisant une centaine de morts lors d’une manifestation pour la paix étaient redoutés par la plupart des Turcs. La relance des opérations militaires avec le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) laissait craindre la perspective d’une nouvelle guerre civile. Ce climat de peur était délibérément recherché par le président afin de rassembler autour de lui et de son parti islamo-conservateur l’AKP une majorité de suffrages lors des élections du 1er Novembre en recouvrant les voix qui lui avaient manqué le 7 juin dernier (l’AKP n’avait obtenu que 39% des voix contre près de 52% aux élections présidentielles de 2014). Le président guettait la faute qui lui aurait permis de disqualifier le nouveau parti pro-kurde (HTP) qui avait réussi à passer la barre des 10% et donc à priver l’AKP de la majorité des deux-tiers nécessaire pour réformer la constitution et parachever le régime présidentiel. Que ce parti ait été privé de candidats ou que certaines régions de l’Est aient été empêchées de voter en raison de l’insécurité, l’AKP retrouverait par le jeu de la loi électorale la majorité absolue des sièges.

Cette stratégie pouvait fonctionner dans une Turquie de l’Est qui ressemble à un bout du monde internationalement isolé et coupé de ses voisins. Depuis le siège de Kobane, ce n’est plus du tout le cas. La Turquie s’est retrouvée à son corps défendant en première ligne. Sa politique des petits pas en direction des Kurdes de Turquie et le cessez-le-feu avec le PKK ont été compliqués par l’autonomie acquise de l’autre côté de la frontière par les Kurdes de Syrie proches du PKK. Après avoir favorisé l’Etat Islamique (EI) contre Assad, Erdogan a bientôt été débordé par les conséquences internationales tandis que les attentats gagnaient le territoire turc.

A qui profite le crime ? Tout pronostic est hasardeux. Il se peut que le recul enregistré par l’AKP en juin soit structurel. Le parti n’a-t-il pas atteint le maximum de ses objectifs et comblé ses partisans ? Les musulmans les plus pratiquants ont acquis droit de cité et conquis d’importantes positions. Ce qui n’empêche que l’enrichissement apporté par la dernière décennie ait aussi fait évoluer la société turque dans le sens de la modernité, de l’ouverture et du pluralisme. Porté au crédit de l’AKP, le développement économique sans précédent n’en connaît pas moins un certain essoufflement comme d’autres pays émergents du G 20. Certes, les coalitions gouvernementales continuent d’avoir mauvaise presse depuis leur échec au cours de la décennie précédente, celle des années 90. Ce souvenir a empêché une fois encore en juin dernier la formation d’un gouvernement incluant l’opposition. Au lendemain du 1er novembre, l’union nationale sera peut-être à l’ordre du jour, ne serait-ce que pour traiter le problème kurde qui ne peut l’être qu’en dehors de toute instrumentalisation politicienne. Mais aussi pour retrouver une crédibilité dans le nouveau jeu régional au Moyen-Orient.

Le réflexe sécuritaire joue habituellement plutôt en faveur du parti en place. L’imbrication des enjeux intérieurs et extérieurs fait que les hésitations sont permises cette fois. Réponse le 1er Novembre.