Sur la louange - France Catholique
Edit Template
Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
Edit Template

Sur la louange

Traduit par Bernadette Cosyn

Copier le lien

La quatrième préface ordinaire de la messe dit « Seigneur, bien que Tu n’aies pas besoin de notre louange, c’est pourtant Toi qui nous inspires de Te rendre grâce : nos louanges n’ajoutent rien à ce que Tu es, mais sont profitables à notre salut, par le Christ notre Seigneur. » (NDT : la version française est légèrement différente). Un tel passage liturgique est rafraîchissant. Mais il peut nous déconcerter. Les éléments en peuvent sembler contradictoires à première vue.

Le passage cité comprend cinq points : 1) Dieu n’a pas besoin de louange ; 2) Etre capable de le remercier est un don venu de Lui. 3) La grandeur de Dieu n’est pas augmentée par la louange humaine. 4) la louange humaine fait une différence éternelle. 5) Nous savons ces choses en raison de la personne du Christ.

Si Dieu avait besoin de quoi que ce soit, Il ne serait pas Dieu. Il n’avait pas besoin de créer, mais Il l’a fait. Le monde n’existe pas pour une « raison nécessaire » ayant son origine en Dieu. A moins d’avoir l’esprit particulièrement borné, nous savons que le monde existe, et que nous en faisons partie. Donc il doit y avoir une catégorie de causes qui ne découlent pas de la nécessité mais qui sont pourtant capables d’initier et de mener à bien leurs propres actions intelligentes. Ce qui n’a pas besoin d’exister ne peut pas se créer soi-même. Nous avons donc besoin d’une cause sans cause « dans les commencements. »

Des remerciements contraints ne sont pas de vrais mercis. Etre capable de remercier implique d’être tout autant capable de refuser de remercier. La capacité à remercier est une chose ; remercier effectivement et la raison de ce merci en est une autre. Si nous n’existons pas par nécessité, nous devons exister en vertu d’un cadeau. Seuls ceux qui savent ce qu’est un cadeau sont capables d’en offrir ou d’en refuser.

La grandeur de Dieu est sa propre gloire. Dieu ne devient pas plus Dieu si qui-n’est-pas-Dieu Le loue. Cette vérité ne signifie pas que Dieu vit dans un isolement hautain. Dieu est trois Personnes en un Dieu. Cependant, c’est très bien de ne pas être Dieu.

Qui n’est pas Dieu devrait Le louer. Qu’est-ce que la louange ? C’est la libre reconnaissance que quelque chose qui est de fait glorieux est reconnu comme glorieux. Louer signifie que celui qui loue a au moins une connaissance basique que ce qu’il loue mérite d’être honoré. La louange ne peut pas être achetée. Pour avoir du sens, elle ne peut être qu’offerte librement.

Mais la louange humaine fait une différence éternelle. Pour qui ? La formule célèbre d’Ignace de Loyola déclare : « l’homme a été créé pour louer, révérer et servir Dieu et, ce faisant, sauver son âme. » Louer Dieu a à voir avec notre salut. C’était quelque chose que nous avions besoin de faire et que nous désirions faire à côté des choses ordinaires. Manifestement, Dieu prend au sérieux comment les êtres qui Le connaissent Lui répondent dans leur vie.

Le 13 septembre est la fête de Saint Jean Chrysostome (mort en 407). Dans une homélie, il faisait remarquer, sur le sujet que nous considérons, que « le Seigneur veut qu’ils (les hommes) contribuent de quelque manière, de peur que tout ne semble l’œuvre de la grâce, et qu’ils semblent gagner leur récompense sans l’avoir méritée. » Dieu, qui n’avait pas besoin de créer, n’a pas créé des automates sans participation au réel. La gloire de la Cause Première, c’est qu’elle peut créer d’autres êtres, non des dieux, qui à leur tour peuvent agir.

Selon les mots de Cassiodore (mort en 585), « nous louons Dieu en rappelant ses merveilles. » Il faut que nous Le louions en réponse, en conséquence de notre prise de conscience de ce qui est bon, pas seulement Dieu, mais toutes choses. La meilleure louange est le plus souvent le chant. Les « chœurs célestes » sont probablement plus qu’une métaphore. Dans « Surprised by Beauty » Robert Reilly a écrit : « Cicéron nous parle de la musique comme nous rendant capables de ‘retourner ‘ dans les lieux célestes, sous-entendant une place que l’homme a un jour perdue… De nombreux compositeurs… ont rétabli la musique dans son rôle de nous rappeler le paradis et de nous rapprocher toujours plus du Chant Nouveau qui résonnera à travers toute l’éternité. » Le thème du début et de la fin, de l’Alpha et de l’Oméga est déjà là.

Cet examen de la louange et des remerciements n’est cohérent que « à travers le Christ Notre Seigneur. » La connexion entre « au commencement était le Verbe » et « le Verbe s’est fait chair et a demeuré parmi nous » est indestructible. Notre époque s’est donné beaucoup de mal pour nous persuader que le Christ était au mieux un homme formidable qui n’aurait jamais fait de mal à une mouche.

Ce qui nous frappe vivement de nos jours dans le Christ des Evangiles, c’est qu’Il se présentait également énergiquement comme Dieu, le Verbe, le Logos. Il est ce qu’Il a dit qu’Il était. Sa venue pour juger les vivants et les morts n’est pas une plaisanterie ni un mythe. La louange et les remerciements sont une réponse à ce qui est. Chrysostome avait tout à fait raison. Nous ne « gagnons pas notre récompense sans l’avoir méritée. »Nous ne la méritons pas si nous refusons de nous interroger « Quid sit Verbum ? » (« Qu’est-ce que le Verbe ? »)


James V. Schall, S.J., qui a été professeur à l’université de Georgetown durant 35 ans, est l’un des auteurs catholiques les plus prolifiques en Amérique.

Illustration : mosaïque de Saint Jean Chrysostome, vers 570 [Sainte Sophie, Istanbul]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/09/13/on-praise/