Réparer les vivants - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Réparer les vivants

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Une transplantation cardiaque : voilà le sujet de ce roman. A priori une histoire destinée d’abord aux passionnés de médecine et de science. Ou peut- être aux amateurs de sang, et de récits lugubres. Pourtant il n’y a rien de tout ça dans le roman de Maylis de Kerangal. Le cœur dont il est question est certes un organe, mais s’ il occupe cette place centrale, ce ne sont pas pour des raison organiques, mais justement parce qu’un cœur est beaucoup plus qu’un organe, fut-il vital. Considéré, depuis la nuit des temps, comme le siège des émotions et de l’amour, c’est en lui que se niche le péché des hommes ou la grâce. Ce sont tous ces symboles que rappelle l’auteur avec une maitrise magistrale.

Le récit est cependant très dur, car pour qu’il y ait greffe d’organe, il faut qu’il y ait aussi mort. Mort d’un être sain, en bonne santé et plutôt jeune pour garantir la qualité des greffons. Et le roman commence par cela. En quelques pages, on aura fait auparavant connaissance avec Simon, le jeune homme plein de vie, dont la mort brutale va permettre de faire vivre des personnes condamnées à mourir. C’est d’abord la violence effroyable de l’accident, du tsunami qui s’abat en quelques secondes sur les parents de Simon, qui vont n’avoir que quelques heures pour affronter à la fois la mort de leur enfant et la décision de donner ce corps tant aimé, où le cœur bat encore. Les médecins, infirmières, tous ceux qui ont d’une manière ou d’une autre un contact avec ce corps sont aussi racontés de l’intérieur. Car ils ne sont pas seulement des soignants, mais des hommes et des femmes qui tous les jours sont confrontés à la mort, et à avoir à l’annoncer aux proches ; et qui tous les jours se battent pour faire reculer cette mort, la tenir en échec en avançant avec ténacité dans la recherche.

Le roman se termine bien, bien que je ne sois pas sûre que ce soit le terme approprié. Certes, une femme condamnée à brève échéance, va pouvoir revivre vraiment et c’est un livre qui porte la vie. Mais avec une grande justesse, car comme dans toute vie, il y a juste derrière, toujours aux aguets, la mort et la souffrance. Et pendant ce temps, de quoi débattent nos députés : d’euthanasie, de sédation terminale…Et s’ils prenaient le temps de s’intéresser un peu plus aux vivants !

Maylis de Kerangal réparer les vivants. Gallimard