Rendre le mariage séduisant - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Rendre le mariage séduisant

Traduit par Bernadette Cosyn

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Un ami a eu ce bon mot sur son profil Twitter : « au secours, je suis gouverné par Anthony Kennedy ! »

Je comprends ce sentiment. Après tout, le juge Kennedy est comme on dit le « vote bascule » de la Cour Suprême. Et il semble que bien souvent, sur les plus importants problèmes constitutionnels qui agitent notre pays, il ne reste qu’à ronger son frein en attendant anxieusement son vote décisif.

Et jamais autant que lors des délibérations actuelles à la Cour Suprême sur la constitutionnalité du mariage homo. Quelle sera la décision du juge Kennedy en juin prochain ? Va-t-il rejoindre les juges conservateurs en refusant de faire de la redéfinition du mariage un droit constitutionnel ? Ou nous entraînera-t-il plus loin dans les ténèbres ?

L’avenir nous le dira. Mais considérez ceci : au mieux, ce que la Cour Suprême fera le mois prochain, c’est ce qu’elle n’a pas fait dans Roe contre Wade – c’est-à-dire renvoyer le problème aux électeurs dans les différents États. Comment ce processus démocratique fonctionnera-t-il ? La dernière fois que j’ai vérifié, le mariage homo était loi d’État dans 37 de nos 50 états.

Donc peu importe ce que sera la décision de la Cour Suprême le mois prochain, les défenseurs du mariage traditionnel auront une bataille politique et culturelle de grande ampleur devant eux. Et la pire des batailles est la bataille culturelle.

Qu’est-ce que j’entends par bataille culturelle ? J’entends par là la lutte pour réformer – et pour nous catholiques pour évangéliser – les cœurs, les esprits, les habitudes et les pratiques de nos concitoyens.

Utiliser une métaphore militaire pour décrire ce travail est éclairant mais également épineux. Parler de batailles et de guerres culturelles évoque des images de scandale et de manifestations. Mais quoique le scandale et les manifestations, utilisés avec prudence, soient certainement nécessaires à la défense du mariage traditionnel, nous devons admettre que ce n’est pas de cette manière que l’on gagne les cœurs et les esprits.

Ce qui ne veut pas dire que la métaphore militaire de « bataille culturelle » soit inutile. Mais il se peut que nous ayons à penser notre champ de bataille d’une façon quelque peu différente. Pensez à l’image de l’Église proposée par le pape François : un hôpital de campagne après la bataille. Dans cette métaphore militaire là, l’Église joue le rôle de médecin vis-à-vis des victimes des assauts acharnés de notre culture séculière contre tout ce qui lui résiste. De grands dommages ont été causés et le temps est venu du tri des urgences et de la chirurgie.

C’est une image appropriée de notre culture quand il est question d’homosexualité et de mariage homo. C’est une champ de bataille jonché d’âmes blessées attendant désespérément des soins dont elles ne sont même pas conscientes d’avoir besoin. Et c’est une image appropriée du principal rôle de l’Église dans cette circonstance : notre mission est de mettre en place un hôpital de campagne et d’entreprendre le travail miséricordieux du soignant.

Mais comment soignerons-nous ces blessures ? Comment seulement engager une conversation avec quelqu’un enraciné dans l’idéologie du mouvement pour les droits des gays ?

C’est une question que nous ferions bien d’examiner. Nous avons besoin de penser plus profondément à notre manière de nous adresser à la culture dominante sur ce sujet.

Je ne veux pas dire par là que nous devons développer de meilleurs arguments théologiques et philosophiques.En ce qui concerne les prémisses majeures et mineures des arguments trouvés dans le Catéchisme de l’Église catholique ou celles déployées par des intellectuels effectuant un travail de Romain pour défendre le mariage traditionnel sur des bases naturelles, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de changer grand chose, si même il faut changer quoi que ce soit.

Là où nous devons travailler, c’est sur que j’appellerais l’aspect rhétorique de nos arguments. C’est-à-dire que nous devons penser aux « langages » de persuasion que nous employons – pas seulement le langage verbal – quand nous cherchons à atteindre quelqu’un qui n’a pas jusqu’ici des oreilles pour entendre des arguments abstraits.

Pensez seulement à certains des rhétoriques populaires utilisées par les défenseurs des droits des gays, comme le slogan « l’amour, c’est l’amour », et le terme presque radioactif « bigot » appliqué à tort et à travers aux opposants du mariage homo. Pensez aussi au pouvoir persuasif que des célébrités drôles ou belles ont, spécialement sur les jeunes, quand elles portraiturent les homosexuels à la télé ou dans des films, ou quand elles soutiennent simplement l’idéologie. Et gardez à l’esprit que le discours persuasif n’est pas toujours verbal, pensez à ces petits auto-collants bleus avec le signe égal en jaune qui révèle que le conducteur adhère à « l’égalité face au mariage ».

Tout cela est rhétorique. Et un discours d’une telle persuasion, c’est quelque chose que le mouvement pour les droits des gays fait dangereusement bien. Alors nous devons nous demander : quelle est notre rhétorique ? Que faisons-nous pour que nos arguments ne soient pas seulement logiquement irréfutables mais également attirants ?

Si vous attendez de moi une réponse brillante, je suis navré de vous décevoir. C’est une question sur laquelle je commence juste à réfléchir et qui demande une réflexion poussée.

Mais il y a au moins une chose, je ne pense pas que l’expression « mariage traditionnel » soit très heureuse, du moins pour s’adresser aux jeunes générations, qui d’habitude n’ont aucune envie de devenir « traditionnelles ».

Comment exprimer de façon concise et persuasive que le mariage implique la complémentarité, que la sexualité implique les bébés et s’épanouit dans la différence des sexes, que les enfants ont besoin à la fois d’une maman et d’un papa, que le tissu social se désagrège quand le mariage devient un « concept ouvert » ? Ce sont les défis rhétoriques sur lesquels nous avons besoin de travailler.

En parlant des méthodes naturelles de régulation des naissances aux couples de notre diocèse, mon épouse l’aborde sous l’angle du « naturel », elle les appelle les méthodes « écolo » d’avoir des enfants. C’est une tentative pour conduire des jeunes gens non formés à la vérité de la doctrine catholique par le moyen de quelque chose – « le retour à la nature » – qui les attire probablement déjà. Si je peux exprimer la fierté que m’inspire mon épouse, c’est un magnifique usage de la rhétorique.

Et c’est exactement le genre de discours que nous avons besoin de développer en ce qui concerne l’homosexualité et le mariage homo.

Alors je pose la question qui demandera les efforts de nombreux esprits à tous ceux qui se sentent concernés : quelles sont vos idées ?


Daniel McInerny est philosophe est auteur de fiction tant pour les enfants que pour les adultes. Vous pouvez trouver davantage de renseignements sur sa personne et son œuvre sur danielmcinerny.com.

Illustration : « le chant de Salomon 1;7 » par Alba Lavermicocca

source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/08/make-marriage-sexy/