Réflexions d'un technophobe - France Catholique

Réflexions d’un technophobe

Réflexions d’un technophobe

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Un ami me parlait d’une nouvelle fabrication de robots.

J’étais sur le point d’écrire une nouvelle « génération » de robots, mais je me suis arrêté à temps. J’ai réfléchi que les robots ne se reproduisent pas, contrairement aux humains et aux girafes. Du moins pas jusqu’ici, ni dans un futur prévisible. Bien qu’on puisse imaginer une alliance de techniques biologiques et mécaniques qui rendent caduque cette distinction.

Cependant, pour le moment, je crois que nous avons toujours à faire avec des interactions entre des hommes et des robots. On pourrait dire des robots qu’ils sont des ersatz du biologique depuis que beaucoup d’entre eux mènent à bien des tâches qu’autrefois seuls des humains étaient en mesure d’accomplir. Par exemple, ils jouent aux échecs ou ils fabriquent des voitures.

Ou bien considérons les machines bancaires que j’ai utilisé afin d’éviter de faire la queue pour un interlocuteur biologique. Les messages sur leurs écrans deviennent de plus en plus ingénieux. Avant peu, j’imagine, nous nous trouverons face à des animations qui nous souhaiterons une bonne journée. Ou plutôt, j’ai déjà vu une machine qui faisait cela, et qui me proposait un prêt alors que j’essayais d’obtenir un peu de mon propre argent.

Mais j’ai appris qu’en Suède, ils supprimaient déjà progressivement l’argent liquide. La monnaie électronique a l’avantage – selon le point de vue du Château de Kafka – que chaque unité monétaire peut être suivie électroniquement à la trace. Ce qui n’est pas le cas dans une transaction privée, et le gouvernement ne perdra ainsi pas un centime d’impôt.

L’élimination de la monnaie est une progression « naturelle ». Déjà, c’est en route, et ce depuis des décennies. Avant même que la cybernétique n’ait rattrapé son retard, nous avions le nouveau terme qui englobe tout : le crédit. Il pouvait toujours être représenté par des papiers imprimés et des jetons de métal ; l’idée d’un «  enregistrement des valeurs » persistait. Maintenant, elle peut disparaître car le véritable but de la monnaie – permettre les transactions privées – peut être évité.

On peut toujours posséder des choses, je suppose. Lesquelles peuvent probablement être troquées. Mais j’ai remarqué que les commerces ont déjà des codes numériques pour les produits, ce qui laisse présager un monde dans lequel toute chose ayant une valeur transactionnelle potentielle pourrait être pistée, comme le prisonnier avec un bracelet électronique doté d’une alarme et d’une connexion avec le poste de police le plus proche s’il essaie de l’enlever. Cela débutera probablement comme un moyen de contrôle des armes à feu, et cela s’étendra progressivement à tout le reste.

De telles innovations ont l’avantage d’accroître indéfiniment la surveillance du gouvernement, ce qui pourrait être excellent pour les bureaucraties mais beaucoup moins pour les bureaucrates. D’ici là, ils auront été remplacés par des ordinateurs. Cela pourrait également être bon pour les affaires – toute expansion du gouvernement crée des opportunités dans « l’économie mixte » – mais pas pour les employés. Qui a besoin de personnel une fois que la planète a été inventoriée et que tout, y compris les voleurs, peut être récupéré par des drones ?

Je précipite peut-être un peu les choses. La réalité a généralement tendance à tourner plus « désordonnée » – dans le sens de plus difficile à contrôler – que ce que l’on prévoit. On aura peut-être encore besoin de quelques commissaires du peuple, publics ou privés, pour quelques jugements d’appel.

Mais revenons à cette nouvelle fabrication de robots. Il est vrai que mon information ne provient que d’un humain, dans un de ces bars démodés – où l’on peut toujours boire un verre, si on ne peut plus fumer, et où il faut de plus en plus prendre garde à ses commentaires. Mais mon interlocuteur semblait savoir de quoi il parlait, et ce qu’il disait était vraisemblable.

Ce seront des robots qui vous interrogeront dans les aéroports, aux frontières et partout ailleurs. Vous vous asseyez en face du robot et ce dernier vous pose une multitude de questions triviales. Différents senseurs et des programmes d’analyse sophistiqués déterminent si vous mentez, tout en consultant une banque de données centrale pour déterminer si vous pourriez être recherché pour quoi que ce soit (troc illicite, consommation excessive de sucre, suppression de votre implant de sécurité sociale, attentat sur un marché de Bagdad).

Un beau jour, j’imagine, le robot pourrait être relié à une friteuse électrique, de façon à se débarrasser de ceux qui donnent de mauvaises réponses, tout comme les nouveaux tests « sécurisés » permettent non seulement de détecter la trisomie 21 d’un fœtus, mais de le liquider par dessus le marché.

De nouveau, je m’emporte, tout comme les routiers qui apprennent que leurs véhicules seront automatisés d’ici dix ans. J’allais ajouter, et également tous les véhicules de braquages de banques, quand j’ai pris soudain conscience qu’il ne serait plus possible de voler physiquement une banque.

On pourrait aussi m’accuser de prévoir un fantasme dystopique, si ce n’est que nous vivons déjà dans un tel monde, mais avec une technique inadéquate.

En définitive, on peut dire que je n’apprends rien de nouveau à mes honorables lecteurs. Je suis surpris, par exemple, du nombre de ceux qui ont compris que les emplois que monsieur Trump va rapatrier du Mexique sont prévus pour être automatisés dans un futur très proche. Et nous avons déjà des usines de voitures qui fonctionnent pour la plupart « tous feux éteints » – c’est à dire qu’elles n’ont pas besoin d’ouvriers, même pour épousseter les machines.

Il est écrit : « tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». Mais nous avons déjà des propositions visionnaires pour un revenu minimum, indépendamment d’un emploi, si bien que cela va peut-être passer par-dessus bord.

Une fois que tout sera automatisé, les gens pourront être maintenus en vie par les programmes du gouvernement, bien que je ne vois pas pourquoi. A part pour un artisanat improductif, ils feront double emploi avec les robots. Pas besoin non plus de les élever pour prélever leurs organes, à la manière de la Chine communiste, il n’y aura plus de demande.

Ce qui m’intéresse, c’est un passage précédent du Livre de la Genèse, chapitre 3. Je ne remonte pas jusqu’au début, seulement jusqu’à ce passage : « j’ai eu peur parce que j’étais nu, et je me suis caché ». A l’origine, c’est de Dieu que Adam et Eve ont eu peur et se sont cachés.

Mais par la suite – la vision actuelle du progrès – ce sera de l’État omniscient que nous chercherons, vainement, à nous cacher.


David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un chroniqueur de Ottawa Citizen. Il a une expérience approfondie de l’Extrême-Orient et du Proche-Orient.

Illustration : la vieille confection

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/01/06/a-luddite-reflects/