Racines d’une servitude - France Catholique
Edit Template
Van Eyxk, l'art de la dévotion
Edit Template

Racines d’une servitude

Au travers du regard d’Alan Turing, un des pères de l’informatique moderne, les auteurs dévoilent les racines du transhumanisme. Passionnant et terrifiant.

Bande dessinée

Copier le lien
transhumanistes.jpg
Tout commence dans l’empire romain du IIe siècle ap. J.-C., avec le mouvement gnostique. Cette hérésie chrétienne prône la nécessité de se détacher du corps, pour retrouver « l’étincelle de notre divinité originelle ». Puis, au XVIIe siècle, Descartes formalise le « concept de l’homme-machine » dans son Traité de l’homme, et les premiers automates imitant l’homme sont créés. Au XIXe siècle, Mary Shelley écrit Frankenstein, la « créature humanoïde fabriquée ex nihilo », pendant que Villiers de l’Isle-Adam rêve de la fabrication d’une femme artificielle : « L’Ève future. » C’est la naissance d’un nouveau rêve : rendre l’homme parfait. Il entraîne la naissance de l’idéologie eugéniste, en Angleterre, avec le fantasme de créer une race humaine supérieure. Dans les années 1920, un scientifique imagine la procréation d’êtres humains dans un utérus artificiel : l’ectogenèse. Aldous Huxley dénonce alors cette folle utopie « d’une société fondée sur un ordre génétique » dans Le meilleur des mondes (1931). Il est ainsi « le premier opposant historique au transhumanisme moderne ». Ironie de l’histoire, c’est son propre frère, le biologiste réputé Julian Huxley, qui inventera le terme « transhumanisme » –  pour effacer le mot « eugénisme » utilisé par l’Allemagne nazie –, pour « dépasser [la nature humaine] » et devenir des « transhumains ». Teilhard de Chardin Pourtant, contre toute attente, le véritable « pionnier du transhumanisme » serait le prêtre jésuite scientifique, Pierre Teilhard de Chardin. Son œuvre philosophique évoque le « destin de l’homme, qui serait de s’émanciper de sa nature première pour atteindre la perfection grâce à la science ». Son annonce d’un nouvel âge de l’humanité, dans lequel l’homme atteindra le plein « épanouissement », serait « la genèse du transhumanisme moderne ». Mais c’est le développement de l’informatique, dans la deuxième moitié du XXe siècle, qui va entraîner le vrai développement de ce rêve : réparer les défauts de la création de l’homme, en l’augmentant et l’hybridant avec la machine pour le rendre plus puissant, capable de survivre dans l’espace, et enfin immortel… À la fin des années 1990, le transhumanisme devient un courant de pensée reconnu. L’ingénieur surdoué Ray Kurzweil, traumatisé par le décès précoce de son père, rêve de vaincre la mort. Il imagine, grâce à la convergence des progrès technologiques, que d’ici 2045, le corps humain ne sera plus qu’une enveloppe augmentée par les machines, avec un cerveau transférable sur ordinateur. L’immortalité sur terre est imminente, selon lui. Depuis les années 2000, les GAFAM – les cinq plus puissantes firmes technologiques américaines – financent cette course en avant du transhumanisme. Google embauche Ray Kurzweil et devient leader sur ce nouveau marché, y investissant des milliards de dollars. Religion mondiale Malgré les inquiétudes de quelques chercheurs et hommes d’affaires devant le développement de l’intelligence artificielle, qui pourrait entraîner la disparition de l’humanité  – Elon Musk (pourtant fervent transhumaniste), Nick Bostrom (un des pères du transhumanisme, repenti), Jacques Testart (père du premier bébé-éprouvette)… –, le transhumanisme est devenu une véritable religion mondiale. Cette bande dessinée singulière nous livre avec talent les clés de compréhension de cette révolution. Indispensable.
—  immortalite.jpgL’incroyable histoire de l’immortalité. L’épopée du transhumanisme, Benoist Simmat (scénario), Philippe Bercovici (dessins), éd. Les Arènes, BD, 2021, 21,90 €.