Racheter du temps - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Racheter du temps

Traduit par Pierre

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« Ainsi, prenez bien garde à votre conduite ; qu’elle soit celle non d’insensés mais de sages, qui tirent bon parti de la période présente ; car nos temps sont mauvais.» (Ép, 5 : 15 – 16)

« Le temps ne prend pas de congés.» On pourrait croire que cette simple remarque nous vient d’un contemporain — peut-être d’un homme d’affaires soucieux, d’un PDG, d’un politicien. Un des traits actuels les plus caractéristiques est l’obsession du temps. Nous tentons sans cesse de le maitriser, d’en gagner, de le rattrapper. Nous concevons une astuce et une tactique l’une après l’autre, et apprenons à gérer le temps — tentant sans cesse de tenir en laisse cet accessoire si précieux. Mais nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi il nous semble en avoir moins qu’avant.

« Le temps ne prend pas de congés.» Signé : Augustin d’Hippone [près de Bône (Annaba)] voici 1600 ans. Notre obsession du temps n’a rien de nouveau. Nous y sommes peut-être plus sensibles à cause de notre technique qui offre davantage d’occasions de nous en soucier. . . ou d’en éprouver de la peine. Mais courir après le temps — se soucier de l’avenir, regretter ou pleurer sur le passé — est dans la nature déchue du monde.

Dieu a créé le monde en temps. Le temps était à l’origine un don : la condition nécessaire pour que l’homme domine la terre, produise et se reproduise, s’épanouisse et grandisse en communion avec Dieu. Mais à cause du péché nous ressentons le temps comme une charge, une tâche, ou même une menace. Comme le reste du monde déchu, le temps se dresse contre nous, nous échappe et nous écrase. Il porte l’érosion, la décrépitude et la ruine. Et il est aussi devenu pour le Malin l’occasion d’accomplir ses méfaits. Ainsi donc Paul remarque que nos temps sont mauvais.

C’est pourquoi il parle de tirer bon parti de la période présente : littéralement, de se réformer. Ces quelques mots sont pleins de sens. Citer Dieu à propos du temps signifie que les heures, les jours, les années qui passent ne portent pas seulement la désintégration continue et la décrépitude. Puisque le Christ maîtrise le temps, le temps peut porter le rachat — la réforme. Comme le reste de la création, le temps est à la fois blessé par le péché et susceptible de rachat par nous, enfants de Dieu.

Ou, plutôt, nous participons à son rachat, à sa restauration, pour le Christ. Ce qui signifie qu’il ne faut pas faire n’importe quoi avec le temps — accumuler l’argent, le pouvoir, les plaisirs — mais le restaurer pour Dieu et Sa gloire. Selon un poête païen [Horace] : « Carpe diem – cueille ce jour.» Mais seul un chrétien peut vraiment le faire — rétablir le temps, s’en saisir et le consacrer à Dieu.

Dieu entrant dans le temps par l’incarnation du Christ, le temps nous a été rendu. Il nous offre alors la possibilité du repentir. Disons-le tout net, il nous reste du temps pour nous tourner vers Lui. Saint Paul y insiste également : « Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut.» (2 Co, 6:2). Nous devrions passer le temps dont nous disposons à nous éloigner du péché.

Bien plus. Le temps nous est accordé aussi pour grandir dans la Grâce. À quoi bon ces années, tant de temps accordé ? Certainement pour nous permettre de nous repentir. Mais également pour nous permettre de grandir. De manière à cultiver et épanouir la vie du Christ semée en nos âmes lors du baptême — à atteindre « la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ.» (Ep 4:13)

Alors, comment — concrètement — pouvons-nous racheter le temps ? D’abord, comme avec toutes les créatures, il nous faut l’offrir en sacrifice, pour le mettre en valeur. Nous devons consacrer du temps au Seigneur — en particulier par la prière. Dire « je n’ai pas le temps de prier.» signifie qu’on ne rachète plus le temps. Le temps vous mènera alors par le bout du nez et vous entrainera dans le processus de désintégration. Le monde pense, bien sûr, que consacrer du trmps à la prière, d’est du gaspillage. Bravo ! Allons perdre notre temps avec le Seigneur, Maître du temps.

Ensuite, on rachète le temps en faisant attention — en réagissant — aux tâches du moment. Pour Saint François de Sales : « chaque instant nous touche chargé d’un message de Dieu, ne serait-ce que pour passer et plonger dans l’éternité, et y demeurer à jamais, tel que nous en avons tiré parti.» Chaque instant est une occasion de servir le Seigneur — par la prière, le travail, le silence, la parole, la souffrance.

Tout celà par la pratique rigoureuse de notre emploi du temps. Pourquoi programmons-nous nombre d’activités — travail, distraction, congés, visites au médecin, au dentiste, au garagiste, etc. . . . — mais n’appliquons-nous pas la même sage méthode à notre vie spirituelle ? Pourquoi n’appliquons-nous pas la même méthode pour maîtriser le temps vers l’éternité ? Pratiquement en programmant la prière, la lecture spirituelle, la confession, etc.

Ces idées catholiques sur le temps n’impliquent pas une activité permanente. Les gens les plus occupés sont typiquement les esclaves du temps, et non son maître. Une bonne question : êtes-vous un homme d’action ou un homme actif ? Un homme d’action a maîtrisé le temps pour s’en servir. Un homme adtif est tenu par le temps et rebondit d’un évènement, d’une tâche, d’un engagement à l’autre. Il nous faut mettre du temps de côté, en « gaspiller » (selon le sens commun) au profit du repos, de la prière, de la distraction. Allons plus loin : les coupures dans le travail, dont nous avons besoin, ne servent pas à « coincer la bulle » ou à « tuer le temps ». Il s’agit de mettre du temps de côté pour se reposer comme l’a ordonné le Seigneur.

Nous n’avons pas à nous contenter de voir passer le temps, nous devons le libérer. L’opinion de S.E. le Cardinal Manning :

« Avec la Grâce, le temps est le plus précieux don de Dieu. Et pourtant, combien en gaspillons-nous. On dit que le temps accomplit bien des choses. Il nous enseigne nombre de leçons, nous protège de bien des folies, nous fortifie dans nos bonnes résolutions, et guérit beaucoup de plaies. Cependant il n’en fait rien. Le temps ne fait rien. Mais le temps est la condition nécessaire pour que Dieu les accomplisse au bon moment. Le temps est empli d’éternité. Nous serons tels que l’usage que nous en ferons. Chaque jour a ses possibilités, chaque heure nous offre ses Grâces.»

10 janvier 2016.

Citations des Épitres : texte français de la Bible de Jérusalem.

Illustration : L’Angelus – Jean-François Millet, vers 1858.
Musée d’Orsay – Paris.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2016/01/10/redeeming-the-time/