Questions et réponses. - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Questions et réponses.

Traduit par Bernadette Cosyn

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Vous n’avez pas besoin de fréquenter très longtemps le milieu universitaire pour découvrir que le questionnement est la justification de l’enseignement. Que nous questionnons toute chose devient véritablement une raison donnée pour aller dans une telle institution. Actuellement, ce serait plutôt la meilleure raison de s’en tenir éloigné.

Le pauvre Socrate est décrit comme errant dans les rues d’Athènes, posant allègrement des questions avec une grande désinvolture. Thomas d’Aquin est célèbre pour avoir posé quelque dix mille questions rien que dans sa Somme Théologique. Dieu seul sait combien d’autres apparaissent dans ses autres travaux. De tous côtés, même parmi les gens d’église, on entend parler de dialogue, de s’interroger sur nos « valeurs » de base.

Mais si nous posons la question  » pourquoi posons-nous des questions ? », la réponse appropriée n’est pas qu’ainsi nous pouvons poser davantage de questions. C’est plutôt que nous pouvons trouver une réponse à notre question. Certes, la réponse à une question mène à une autre question, mais seulement si la réponse est une véritable réponse. C’est-à-dire si elle est vraie. Evidemment, si la réponse n’est pas vraie, d’autres questions surgiront aussi.

L’intention de l’esprit n’est pas de transmettre une sorte de flou universel où chacun affirmerait « je ne sais pas » à propos de tout sujet imaginable. Il est clair qu’il y a des choses que nous savons et devrions savoir. Si, comme le fameux parti politique, nous « ne savons rien », nous sommes à peine humains. Même Descartes, quand il décide de douter de tout, le fait dans le but de trouver quelque chose dont il ne puisse douter – qui se révèle être qu’il pense. Sur cette base, il espérait bâtir un monde affranchi du doute.

Dans les évangiles, Marie pose des questions : « comment cela peut-il se faire ? ». Le Christ le fait aussi : « d’après les gens, qui suis-je ? ». Tous deux obtiennent ou donnent des réponses. Les philosophes nous disent qu’au commencement nos esprits sont vides. Il n’y a qu’une intelligence avec rien dedans.

Cette situation change vite. Un enfant de deux ans est infernal avec sa mère, lui posant question après question. Elle n’est pas là uniquement pour le nourrir et prendre soin de lui, mais pour répondre aux questions de chaque enfant pris individuellement lui pose. Nous soupçonnons parfois que cela puisse être le rôle maternel primordial. Chesterton disait que la différence entre une mère et un enseignant est celle-ci : l’enseignant enseigne une seule et même chose à cent enfants alors que la mère doit répondre à une centaine de questions d’un seul enfant.

Parfois, nous inversons les rôles. Plutôt qu’une question attendant une réponse, nous disons : « bon, voilà la réponse, quelle est la question ? » Visiblement, les réponses ne sont pas là comme ça. Une réponse va avec une question. Elles forment un tout. Et pour rappeler Thomas d’Aquin, nous ne comprenons pas la réponse à aucune question tant que nous n’avons pas compris aussi les arguments contraires à la vérité donnés en réponse à la question. Une réponse à une question est consciente d’autres réponses possibles qui ne sont pas vraies ou seulement partiellement vraies.

Si nous creusons un peu cette entreprise de questions réponses, nous comprenons que l’esprit est conçu pour fonctionner de cette manière – pas à pas, une réponse en construisant une autre. Quand nous posons une question, nous attendons une réponse. Ce qui veut dire que nous supposons que le monde est ainsi fait qu’il existe des réponses à nos questions. Le parcours de notre vie a pour but de les trouver. Ce parcours inclut de poser les questions importantes, bien qu’il n’y ait rien de mauvais dans les questions frivoles. Et même, il peut arriver que ce nous avions considéré un moment comme des questions frivoles nous mène à des réponses importantes.

Nous touchons maintenant à un des plus curieux aspects du jeu des questions et réponses. Alors que nous cherchons vraiment des réponses, nous sommes aussi alertés par des réponses que nous soupçonnons pouvoir être vraies, mais que nous ne voulons pas entendre parce qu’elles nécessiteraient de notre part une action que nous ne voulons pas entreprendre. Alors que faisons-nous ? Nous fabriquons une série de questions dont les réponses produisent la réponse que nous voulons et non celle qui est vraie. C’est ce que Platon voulait dire lorsqu’il parlait d’avoir un mensonge dans nos âmes.

Il se révèle que toute réponse à une question n’est pas vraie. Une chose telle que « ma vérité » n’existe pas. Il y a seulement la vérité, que j’accepte ou que je rejette. Si chacun a sa propre « vérité », alors nous ne pouvons rien avoir en commun. Nous ne pouvons pas être amis. Nous ne pouvons même pas vivre dans le même univers. Ironiquement, nier que certaines réponses soient vraies fait de « chaque humain une île ». Nous flottons tous chacun dans son propre univers sans moyen de contact les uns avec les autres.

La question est importante parce qu’elle génère une réponse. Mais c’est cette réponse et sa vérité qui font que toute autre question mérite d’être posée, que toute vie mérite d’être vécue.


James V. Schall, qui a enseigné durant 35 ans à l’université de Georgetown, est l’un des écrivains catholiques les plus prolifiques aux Etats-Unis.

illustration : enfants interrogatifs, par Karel Appel (1949)

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/on-answers.html