Que faire après la débacle ? - France Catholique

Que faire après la débacle ?

Que faire après la débacle ?

Copier le lien

Le conflit contre le « mariage » de même sexe en Amérique est terminé. On a perdu plus qu’une bataille. On a perdu la guerre. Soutenir l’idée du véritable mariage mérite toujours qu’on s’y attache, mais c’est une affaire de longue haleine. Des questions plus urgentes appellent notre attention.

À mon avis, ceux qui soutiennent l’idée d’aller à Washington et de persuader les législateurs de produire un amendement à la Constitution pour annuler la décision de la Cour Suprême pédalent dans le vide. Un tel acte subira le sort de l’Amendement sur la Vie Humaine [NDT : suite à la sentence de la Cour Suprême sur l’avortement, « Affaire Roe v. Wade » de nombreuses tentatives de 1973 à 2003 ont échoué pour contrer cette sentence.] entraînant perte de temps et d’argent, et ne menant nulle part.

Ceux qui comparent le combat pour le mariage à la lutte « pro-vie » sont, selon moi, dans l’erreur. La guerre contre l’avortement se poursuit grâce aux avancées scientifiques et techniques convainquant de plus en plus de gens que l’avortement consiste à détruire une innocente vie humaine.

La plupart des gens nés après Vatican II ne voient cependant pas le mariage gay comme une abomination du même ordre. Pour eux, deux personnes peuvent s’unir par le mariage parce que l’amour en est la règle unique.
Et en pratique, aucun responsable fédéral ou d’État ne se précipitera pour défaire des milliers de mariages gay. Ça ne se produira pas.

Alors, avant d’établir de nouveaux plans de bataille nous devrions tirer les leçons des erreurs commises par le mouvement « Pro-Vie ». Suite à « Roe v. Wade » la plupart des efforts se porta dans la capitale fédérale au lieu des capitales d’États. Erreur stratégique.

Les élections au Congrès de 1974 — après « Watergate » — donnèrent aux Démocrates [gauche] assez de sièges pour bloquer une avancée significative de la législation « pro-vie ». Même l’amendement « Hyde » de 1976 restreignant les subventions fédérales à l’avortement dût comporter des exceptions (viol, inceste, danger pour la vie de la mère) afin d’être voté.

Les terres fertiles pour la cause « pro-vie » dans les années 1970 étaient les capitales d’États. Il y avait alors nombre de Catholiques Démocrates sympathiques, et de Protestants Républicains dans les assemblées des États de toute la nation — même dans les États gauchistes du Nord-Est et du Midwest.

Un exemple pris dans l’État de New York (mon État d’origine) : En Mars 1970 l’Assemblée de l’État approuva une loi pro-avortement signée et promulguée par le Gouverneur Rockfeller. En Novembre [lors des élections suivantes] les électeurs vidèrent les trois législateurs Catholiques qui avaient donné leur soutien et voté pour cette loi.

Suite au renversement de majorité, l’Assemblée abrogea la loi. Mais Rockfeller opposa son veto à cette abrogation. Quelques mois plus tard, la Cour Suprême des États-Unis rendait sa sentence [pro-avortement] dans l’affaire « Roe v. Wade », que le New York Times déclara « décalquée en partie de la loi de l’État de New York ».

La leçon : si une loi sur l’avortement pouvait être rejetée dans un des États les plus à gauche dans les années 1970, le mouvement « pro-vie » alors en pleine croissance aurait pu persuader les législateurs des États de par le pays de voter des lois qui auraient limité les avortements.

Voyez ce qui est survenu au niveau des États au cours des dernières années. Depuis que les Républicains, en 2010, contrôlent une majorité de capitales d’États, plus de 230 limitations aux avortements ont été adoptées sous forme de lois.

Alors, plutôt que perdre un temps précieux et gaspiller de l’argent pour un amendement constitutionnel sur le mariage, nous devrions consacrer notre énergie à la protection des libertés religieuses au niveau de l’État. Pourquoi ? Parce qu’actuellement les prêtres célébrant les mariages sont à la fois représentants de l’Église et de l’État — et ce n’est qu’une question de temps avant que leur fonction d’agents de l’état-civil soit mise en cause.

Voici un scénario vraisemblable : un couple de même sexe entre dans une église Catholique de New York, informent le curé que tous deux ont été baptisés dans sa paroisse, et insistent pour qu’il les marie. Le curé dit « Non.» Le couple argumente : il a le devoir de célebrer la cérémonie car il représente l’État et doit se conformer à la loi de l’État sur l’égalité dans le mariage. Le curé, qui a le droit de refuser de marier des Catholiques pour différents motifs cités par le Code de Droit Canon (par exemple l’un des fiancés n’a pas été confirmé ; ou l’un d’eux a notoirement rejeté la religion catholique ; ou encore l’un des deux (ou tous deux) est frappé d’interdit). Le curé maintient sa position, et il est poursuivi devant la justice.

Compte-tenu de la composition du système judiciaire de l’État de New York, l’Église aurait toutes les (mal)chances de perdre en une telle affaire, à tous niveaux, y-compris au sommet, en Cour d’Appel.

Si l’Église est dépouillée de son rôle de représentation de l’état lors d’un mariage, un couple Catholique devrait d’abord s’unir par le mariage civil, puis, selon son choix, faire bénir son union à l’Église par une cérémonie religieuse.
Si le lobby du mariage gay l’emporte devant les tribunaux d’État, attendez-vous à le voir faire monter la pression en portant plainte fiscale devant le Service des Impôts au nom de l’égalité sociale, de la cohésion culturelle, de l’équité, et du devoir de l’État d’éliminer les idées inconvenantes et les pratiques religieuses, le Service des Impôts pourrait alors fort bien révoquer l’exemption fiscale de l’Église.

Vue de l’esprit, me direz-vous ? Je ne crois pas.

Lors du sixième Sommet annuel des Femmes dans le Monde en Avril, l’intervention notable de Hillary Clinton retint l’attention : « il faut changer les codes culturels incrustés, les croyances religieuses, et les déviances structurelles.»

Si Mme Clinton entre à la Maison Blanche en 2017, attendez-vous à la voir déployer tous les moyens à sa disposition, spécialement fiscaux, pour imposer ses vues aux Catholiques et autres protestataires entêtés.

Nous devons consacrer notre temps et notre énergie au cours des dix-huit prochains mois à élaborer une législation sur la liberté religieuse dans tous les États — et à Washington. Les propositions devraient être rédigées par les constitutionnalistes les plus compétents disponibles. Il faudrait une approche homogène, non pas des projets élaborés par des organismes divers cherchant à récolter de l’argent. On ne peut tolérer des conflits internes, le créneau ouvert pour l’action va bientôt se fermer.

Le texte doit comporter des termes protégeant le droit pour un prêtre de représenter l’État et de célébrer des mariages conformes à la pratique et aux croyances de l’Église. Promulguer une telle loi à introduire dans le code civil ou un amendement à la Constitution de l’État devrait relever du choix des législateurs, au cas par cas.

Promulguer de telles lois dans tout le pays rendrait difficile toute action des opposants souhaitant nous imposer leurs vues. Ce qui ne signifie pas que nous ne risquons pas un échec final, mais les tribunaux auront bien de la peine à nous contrer.

8 août 2015

After Obergefell: What Is to Be Done?

Image : Comté par Comté, État par État, les « rouges » [Républicains, Droite].