Quand on sacralise la violence - France Catholique
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Quand on sacralise la violence

Traduit par Bernadette Cosyn

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Au milieu de la rédaction d’un article pour The Catholic Thing sur le « théâtre politique » (c’était hier matin, honorable lecteur), j’ai reçu un courriel d’un ami. Il attirait mon attention sur la fusillade de policiers à Dallas, m’incitant à consulter les informations. Dernièrement, j’essayais plutôt d’éviter les informations, recevant suffisamment de mauvaises nouvelles d’autres sources ; quand c’est possible, je préfère planifier ces choses.

Mon impression, depuis la noble hauteur de la non-implication politique, a été que le monde tourne en Bagdad. Je ne veux pas seulement dire par là que notre monde devient plus violent ; ou que la violence, que tout lecteur peut constater, se cantonne au carnage physique. La violence se propage sous différentes formes, et comme toujours, les pires d’entre elles pourraient bien être spirituelles – la violence, ou plutôt, en raison des limites humaines, la tentative de violence contre Dieu.

Car avec la politisation de toute la vie humaine est venue la déchristianisation, et vice versa. Je le dis crûment, afin que le lecteur le voie bien.

L’esprit post-moderne déchristianisé, ou déchristianisant, n’est pas apte à saisir cela. Nous sommes matérialistes, utilitaristes, et, par extension, bureaucrates. Nous travaillons avec un système de dossiers classés par ordre alphabétique, pas par ordre d’importance.

Nous classons les choses dans des dossiers séparés, mais théoriquement d’importance égale. La politique dans ce dossier, la religion dans cet autre. Même l’économie est systématiquement séparée de la politique ; et chaque question politique a son propre sous-dossier. Cela cause une considérable irritation – je l’ai souvent constaté comme critique journalistique – quand quelqu’un mélange les dossiers. Comment ai-je eu le culot de faire intrusion dans le dossier politique avec une remarque d’ordre religieux !

Souvent, j’ai découvert que mes rédacteurs en chef (généralement mes critiques les plus acharnés) n’étaient pas anti-religieux ; du moins pas « personnellement. » j’en ai même une fois eu un qui allait à l’église. Bien que protestant, il « n’avait pas de préjugé contre les catholiques ». Du moins le disait-il. J’ai très vite remarqué que sa véritable objection était ma façon de mettre le bazar dans son système de dossiers. La une, c’est pour la politique. La religion va dans une autre page. Le fait que cette autre page n’existait plus n’était pas de son ressort : cela avait été la décision d’un autre.

Mon opinion, ce jour-là, autant qu’il m’en souvienne, avait été, curieusement, que le politique envahissait ce qui jusqu’alors avait été plus ou moins universellement reconnu comme le domaine religieux – le domaine religieux public. Que le profane empiétait sur le sacré. (il en est résulté le « mariage homo. ») Et dans la foulée, le profane s’est « sacralisé » – ou pour le dire plus justement, a tenté de le faire.

Celui (ou ceux?) qui ont tiré sur les policiers ne pouvaient pas avoir fait le projet de massacrer tous les policiers des Etats-Unis. Mais ils pourraient bien vouloir tenter d’instaurer un violent chaos. Ils avaient certainement l’intention de tuer, si pas également de se suicider. Mais leur action est au tout premier chef une gesticulation – une pièce de théâtre politique, une « liturgie » profane.

Nous pouvons bien ne pas aimer cette sorte de théâtre – j’espère que c’est le cas – cela ne la rend pas moins théâtrale. Cela ne sort pas non plus de tels actes de la plus large sphère où le jeu politique se joue de manière violente mais moins hors-la-loi.

La démagogie dans tout cela est politique, et non religieuse. C’est en partie pour cela que nos politiciens libéraux ne peuvent, par exemple, se résoudre à affronter l’islam radical. A la place, ils condamnent le « terrorisme », qui peut être interprété comme un crime politique.Ils peuvent sans difficulté imaginer un monde où une entité politique s’oppose à une autre, et donc déclare la guerre à l’Etat Islamique. Ils ne peuvent s’en figurer un où les religions s’affrontent, sans égard pour le principe politique de multiculturalisme.

Je le dis sérieusement : ils sont incapables de l’imaginer. Pour Obama là-haut jusque dans les rangs des républicains conventionnels, la religion est une chose du passé. Elle ne suit pas avec leur système de dossiers. Ils sont on ne peut plus sincères en refusant de reconnaître l’islam comme une catégorie politique valable, parce que c’est une religion. La violence doit donc obligatoirement avoir des causes purement politiques.

Et ils sont également sincères quand ils condamnent toute opposition à la religion musulmane comme une offense contre la tolérance multiculturelle, comme une forme de racisme. Cela les mène au dilemme d’Orlando, où deux groupes de l’électorat démocrate – les homosexuels et les musulmans – étaient en conflit ouvert. Les victimes homosexuelles se devaient de blâmer tout autre que l’islam militant pour ce massacre. Ils ne devaient pas fissurer « la coalition progressiste », qui est, par définition, post-religieuse.

L’actuelle politisation de l’islam, je l’ai moi-même dit, est une déformation de l’islam religieux. C’est-à-dire que c’est une adaptation de l’islam aux conditions d’un monde qui, bien au-delà de l’occident, est devenu post-religieux. C’est un monde dans lequel l’attitude religieuse – orientée par nature vers Allah ou Dieu – est remplacée par l’attitude politique, orientée ouvertement vers un concitoyen.

Dans ce sens, qui doit sembler plutôt hermétique à l’esprit libéral, le « terrorisme » est certainement une déformation de l’islam. Que l’islam tourne à un sommet de violence politique chaque fois qu’il se sent menacé, là n’est pas la question. Il est également plus que paisiblement religieux quand il ne se sent pas menacé. De nos jours, il est confronté à un monde hautement politisé.

Naturellement, je ne sais rien, et ne saurai peut-être jamais rien du ou des tireurs de Dallas. La seule chose que je peux supposer d’où je suis, c’est qu’il a ou qu’ils ont été formés au « terrorisme » par les maîtres actuels. Cela inclut l’usage de la violence comme « théâtre politique. »

Bush en Irak, Obama en Amérique, tous deux ont souscrit au même dogme séculier, que je préfère désigner comme profane et post-religieux. Celui qui prétend que « la démocratie libérale va nous sauver. » Ceux qui ne souscrivent pas au dogme sont pour eux une énigme. Que peuvent-ils bien penser ?

Ma propre opinion, c’est que le Christ peut nous sauver. Mais je crois que pour qu’Il le fasse, nous devons essayer de ne pas nous éloigner de plus en plus loin de Son chemin.


David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et un chroniqueur de Ottawa Citizen. Il a une profonde expérience du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/07/09/sacralizing-violence/