Quand Godzilla mène à Dieu - France Catholique
Edit Template
Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
Edit Template

Quand Godzilla mène à Dieu

traduit par Bernadette Cosyn

Copier le lien

Avertissement : le cheminement des pensées de l’auteur est influencé par le fait qu’en langue anglaise, la première syllabe de Godzilla est le mot qui désigne Dieu.

Lorsque nous avons décidé, plusieurs collègues masculins de EWTN (NDT : Eternal World Television Network, réseau télévisé) et moi-même, de visionner Godzilla lors de sa sortie sur les écrans, je réfléchissais qu’une commune affection née dans notre enfance pour le dinosaure de légende nous avait rassemblés alors que nous avions grandi dans des régions différentes d’Amérique. Tel est le pouvoir de la culture. Mais plus profondément, je pensais également que c’était notre culture catholique commune, notre union à Jésus et son Eglise qui nous avait poussés à servir ensemble le Seigneur au sein de EWTN à Irondale, en Alabama. Cela en amont de notre virée cinématographique.

.


Et puis nous avons regardé le film (attention : la suite de ce texte révèle des péripéties du film) et mes réflexions, de façon assez inattendue, ont porté sur Dieu et Godzilla. Certains argueront que le nom de Godzilla est en lui-même une offense à Dieu. Cependant, si nous considérons le thème du classique japonais original, datant de 1954, le nom du monstre provient probablement du désir d’illustrer ce qui arrive quand on pervertit l’ordre établi par Dieu plutôt que d’un surnom blasphématoire.

.

Le titre du film japonais originel est « Gojira » et ne contient aucun sous-entendu divin, mais il est devenu « Godzilla » lors de ses débuts en Amérique. Le réalisateur Ishuro Honda avait observé l’horreur des bombes atomiques larguées sur les populations civiles d’Hiroshima et Nagasaki par l’armée américaine (voir Gaudium et Spes, n° 80 pour la condamnation ecclésiale de cet événement).
Et donc Ishuro décrit le monstre comme le résultat – la punition même – des essais nucléaires qui sont une tentative d’asservissement de la nature par l’homme. Par conséquent, à la lumière de la vision d’Ishuro et de son titre américanisé, on peut arguer que la tentative de l’homme « d’être Dieu » a pour conséquence le bouleversement de l’ordre naturel créé par Dieu (Gen. 3:1-7 ; Rom. 1:22) et donc l’apparition du monstrueux « Godzilla ».

Dans la dernière mouture, celle de Gareth Edwards, Godzilla subit une « transformation » : d’adversaire vengeur à l’égard de l’homme, il devient son pendant réparateur et « sauveur ». Dans cette version, les monstres-insectes géants baptisés MUTOs (Massive Unidentified Terrestrial Organisms = énormes organismes terrestres non-identifiés) ne sont pas les produits d’un mauvais usage que l’homme aurait fait de la nature.

Ayant creusé profondément pour rejoindre le noyau terrestre et ses radiations (leur source de vie) quand ces dernières ont disparu de l’atmosphère à la fin du Mésozoïque, les MUTOs reviennent à la surface pour festoyer grâce à la technologie nucléaire. (Un usage légitime de l’énergie nucléaire est moralement bien différent de son utilisation dans une bombe nucléaire.)

Mais…Godzilla émerge aussi de la terre pour restaurer l’ordre naturel, pour sauver l’homme de ses excès et défaire les terrifiants MUTOs, qui sinon se seraient multipliés et aurait éventuellement exterminé l’humanité.

Cela semble divin ? Eh bien, le Dr Ichiro Serizawa, joué par Ken Wanatabe, se réfère au monstre sous le vocable « dieu », mais il désigne par ce terme une force de la nature et non l’auteur de l’ordre établi, et son action est en conformité avec cet ordre, tout bien considéré. (Je fais cette restriction parce que, si Godzilla est du côté de l’humanité, il y a toujours des dommages collatéraux quand la grosse bête combat ses monstrueux adversaires en zone urbaine densément peuplée. Il ne pouvait pas en être autrement.)

Et il y a plus. L’armée US projette l’utilisation d’une ogive nucléaire qui détruira les MUTOs mais également – hélas – Godzilla. Ce bébé va « faire ressembler la bombe atomique à un pétard », nous dit-on. Mais la mère MUTO intercepte le missile en faisant dérailler le train qui le transporte avant de l’installer dans son nid nouvellement construit, en vue de nourrir sa nombreuse progéniture prête à éclore.

Une troupe de soldats américains décolle pour récupérer la bombe, munie d’une minuterie, afin de l’inactiver ou de la transporter jusque la mer avant l’explosion. Avant de sauter en parachute, tous prient chrétiennement, demandant à Dieu de bénir leurs efforts. Et alors qu’ils descendent vers le sol, les accents du Requiem de Györgi Ligeti servent de fond sonore, a remarqué un chroniqueur.

Ainsi, l’homme et Godzilla s’opposent ensemble aux MUTOs, Godzilla est clairement subordonné au seul vrai Dieu, et même le monstre est une sorte de figure christique, aussi étrange que cela puisse paraître. Quand Godzilla vainc spectaculairement les MUTOs, il tombe au sol, terrassé par sa mission de « sauver le monde ». Et alors, bien qu’apparemment mort, il revient à la vie, à notre grande surprise, enveloppé de manière appropriée dans un « vêtement » constitué des résidus blancs accumulés lors des batailles.

Pour finir, Godzilla se traîne jusqu’à la mer en vainqueur sous les applaudissements des habitants de San Francisco pendant qu’un bulletin d’information télévisé le proclame en gros titre « Roi des monstres et sauveur de notre ville ». Tout à la fin, le directeur apparaît et use de termes avec lesquels un public largement chrétien ne peut qu’être d’accord.

D’autres ont remarqué les thèmes reliés à Dieu dans Godzilla, même si certains optent plutôt pour une analyse écologique.

En tout cas, c’est un film que les familles peuvent aller voir avec des enfants à partir de 10 ans. Il y a relativement peu d’écarts de langage et on peut avoir de bonnes discussions autour de ses messages positifs : comme quoi les mariages et famille authentiques sont bénéfiques et doivent être encouragés, que l’on doit être capables de sacrifices héroïques pour ceux qu’on aime, sa communauté, sa nation, et aussi, oui, que Dieu existe et qu’il faut se tourner vers lui dans l’épreuve.

Il y a sans conteste dans l’ensemble d’excellente raisons – en plus d’effets spéciaux bluffants – qui expliquent le bon placement du film au box office, malgré ses défauts, et tel qu’il est il est une alternative bienvenue aux si habituels films à succès, bien moins édifiants, qui sont programmés en Amérique et partout dans le monde.

— –

Tom Nash est un conseiller en théologie pour le réseau télévisuel ETWN où il anime des émissions.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/of-godzilla-and-god.html