Psaume de ce jour : court lexique - France Catholique
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Psaume de ce jour : court lexique

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21 avril – La prière de tout matin comporte nécessairement la lecture d’un premier psaume comme en comporte un second la liturgie eucharistique : en fut étonnée une dame rencontrée avant-hier dans un car filant vers Angers. Elle avait remarqué le livret ‘Magnificat’, dont la couverture était ornée d’une œuvre splendide de Jan Provost[1], un « Jugement dernier » qui se trouve aux Etats-Unis. Interrogé donc sur certains détails concernant ce mensuel, je le mis entre ses mains : « Que signifie ce mot ? », dit-elle, montrant du doigt son titre. On s’étonne toujours d’une certaine ignorance chez des personnes qui semblent cultivées… Ici, la dame lisait un roman d’au moins 600 pages, d’un auteur connu. Elle avoua bien vite n’être pas chrétienne… quoique désireuse de mieux connaître cette religion… je me dis à mi-voix, qu’elle entendit parfaitement, que la religion vient après la foi et que c’est donc elle qu’il faut d’abord scruter.

Tout en cherchant à définir pour elle le mot ‘magnificat’, je me disais que le lexique chrétien était d’une grande richesse et que je devrais plus souvent chercher à l’éclairer pour mon usage premier.

« Magnificat donc, Madame ? Ce mot concerne le cantique de louange chanté par Marie arrivée à la porte de sa cousine Élizabeth, cette toute jeune fille, seize ans probablement, qui venait en somme d’être comblée par la visite de l’Ange Gabriel et l’intervention de l’Esprit-Saint… » Partant de ce cantique découvert en page 4 de couverture, elle pensa d’elle-même que le verbe ‘exalter’ devait traduire ce mot, dont je savais par bonheur et de science récente qu’il venait en droite ligne de « magnifacio » : « faire grand cas de », et « magnificatio »[2] : « action de vanter, exalter ».

J’aime que Marie ait aussitôt complété le verset par le verbe ‘exulter’… même si celui-ci suppose une manifestation de tout l’être, qui peut aller jusqu’à danser de joie, même se livrer à une sorte de débordement radieux traduisant par un chant très vif, éclatant, une allégresse des plus vive dont les témoins s’étonnent au point de s’abandonner à leur exaltation semblable à l’ivresse de l’esprit…

Ainsi, entendons-nous ce chant de la Vierge Marie comme une célébration enthousiaste de l’œuvre accomplie en elle par le Père comme en toute l’histoire d’Israël. Cependant, pourquoi sommes-nous si discrets, nous autres Français, dans notre façon de dire ou de chanter le « Magnificat » ? J’ai vu en Côte d’Ivoire comme au Burkina Faso des foules irriguées littéralement par les mots de Marie : prenant les mains de leurs voisins de gauche et de droite, formant ainsi une chaîne animée d’un rythme de bonheur, elles lançaient les paroles plus haut que les voûtes, elles irradiaient la joie de toutes leurs dents, et leurs yeux pétillaient d’une vraie lumière d’amour.

Le Magnificat appartient au « Livre des Psaumes » : n’est-il pas composé de citations choisies parmi eux ? Lire ces chants aide à mieux comprendre le sens de quelques-uns des mots les plus importants de nos vies mais tels qu’ils étaient entendus par les auteurs bibliques et tels que Dieu les leur avait inspirés.

Lesquels donc ? « Tu as ‘aimé’, Seigneur… » affirme le psaume 84 lu il y a quelques jours ; il insiste plus loin : « Fais-nous revenir, Dieu, notre salut »… avant d’oser cette demande « Fais nous voir, Seigneur, ton amour !… » Quelques versets plus loin se découvre le lien extraordinaire qui associe l’amour et la vérité, la justice et la paix : « Amour et vérité se rencontrent, / justice et paix s’étreignent ; / la vérité s’enracine dans la terre / et du ciel se penche la justice »… Ne pas oublier que la conjugaison hébraïque suppose à la fois le passé, le présent et le futur : ainsi la Vérité « a germé, germe et germera »…

Quelle signification que ce rassemblement de quelques mots majeurs au sein du même texte ? Qu’ils ont tous une accointance entre eux : l’“amour” est boiteux s’il est étranger à la “justice” ; la “justice” est faussée si la “vérité” ne la soutient pas ; quant à la “paix” elle est mensongère si elle ne se rapporte point au “salut”, lequel dérive directement de l’amour. On pourrait penser que ce bouquet de vocables se rapporte directement à ce que Dieu veut.

C’est ainsi qu’en ces quelques lignes se trouve comme explicitée ce que l’on nomme « transcendance de la nature humaine » par rapport à l’ensemble de la création. Non qu’il soit juste de mépriser cette création qui fut, tout de même, le refuge d’Adam et Ève lorsqu’ils durent s’enfuir du jardin d’Éden : ils y trouvèrent à la fois un lieu d’accueil et un lieu d’épreuves. Un lieu de vie et un lieu de mort. Ils y connurent la paix et la guerre, l’amour et la haine, la vérité et le mensonge, la justice et le crime, le salut et la perdition. Ils y rencontrèrent leur Prince, qui n’était que celui des Ténèbres, Puissance du Mal en sa révolte jamais renoncée, depuis lors soucieux seulement de nuire à Dieu et donc de faire échouer la mission du Christ.

Transcendance impossible à éradiquer car appartenant à la nature de chacun des êtres que nous sommes, situés entre la transcendance divine, qui appartient à l’ordre de l’infini : auquel Dieu nous rattache par son amour, et la non-transcendance du créé, qui relève de l’ordre de la mort : à laquelle nous sommes soumis de par le péché mais dont nous sommes délivrés par la Mort salvatrice du Christ.

Cette transcendance suppose, affirme notre capacité à aimer, à concevoir la vérité, à pratiquer la justice (donc à la formuler), à vouloir la paix comme à désirer ce que nous sommes dans l’impossibilité d’atteindre, ce salut qui, seul, peut nous faire revenir en la demeure du Père, son Royaume confié à son Fils : salut théorisé en de nombreux travaux théologiques…

Le monde des animaux, si frénétiquement exploré par nos médias, est dans l’absolu incapacité de chercher l’amour reçu de Dieu comme celui qui lui est dû, de comprendre ce qui est vrai comme ce qui est faux, d’établir une paix qui soit authentiquement la Paix, de recevoir le Salut de la main même du Sauveur divin… En ce monde-là le péché est absent, car il faut une volonté précise pour qu’il soit : une intension perverse, un désir mauvais, et c’est pourquoi nos péchés – quand ils sont ainsi voulus, réfléchis, désirés – blessent affreusement l’Amour sans limite du Dieu Trinitaire.

Deux autres mots me paraissent nécessaires au centre de cette courte liste : celui de ‘Savoir’, lequel se conjugue intimement avec ‘Pouvoir’. Nos premiers ancêtres eurent en effet à rechercher comment survivre, comment s’imposer à cette nature si différente de celle qu’ils avaient découvert en Éden, en effet à la fois bienveillante et cruelle, indéfiniment complexe et indéfiniment prodigue, admirable aussi quoique recélant en elle d’innombrables horreurs.

En lui-même, le savoir s’impose, déjà en germe chez les animaux. Un certain pouvoir va de soi : comment agir sans pouvoir ? Mais si le Bien s’accomplit à partir d’un savoir et d’un pouvoir qui en découlent, le Mal ou le Feu qui brûle incessamment en Satan apparaît chez l’être humain comme un désir insatiable et féroce.

Nous reste la ‘Prière’ : mais non en solitaire ! Prier ainsi avec Marie, avec nos saints Anges gardiens, avec nos saints…

Dominique DAGUET

[1] – Né vers 1465 et mort vers 1529. Ma grande honte fut de n’avoir jamais entendu parler de lui, jamais lu ne fut-ce qu’un court article à son sujet. « Mea culpa » donc pour mon ignorance… Il est vrai que je devrais battre ma coulpe très souvent et même trop… car il est bon de ne pas tout savoir et à cet égard je ne puis me faire aucunement illusion, utile manque de munitions contre l’orgueil…

[2] – Manquent les accents sur les ‘a’ et les ‘i’, mais je ne les trouve pas dans les « symboles » proposés par Word…