Police religieuse - France Catholique
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Police religieuse

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Parmi les suggestions avancées pour faire face à la radicalisation des candidats au Jihad, le transfert du bureau des Cultes hors du ministère de l’Intérieur est une des plus originales. L’auteur, Pierre Conesa, qui travailla longtemps aux affaires stratégiques au ministère de la Défense, considère dans un rapport extrêmement fouillé rédigé pour la Fondation d’Aide aux Victimes du Terrorisme (FAVT) publié avant les événements de janvier, que « c’est un préalable indispensable pour conduire avec les élites musulmanes une action qui ne les fasse pas considérer par leurs coreligionnaires comme des auxiliaires de police ».

Le bureau des cultes est ce qui a survécu après la séparation de l’Eglise et de l’Etat de la grande direction des cultes du régime concordataire. Dirigé par un administrateur civil, il se compose de six fonctionnaires au sein de la sous-direction des Libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur. Ses attributions résiduelles sont de trois ordres : la « police des cultes », terme inscrit dans la loi de 1905, qui consiste à assurer le respect de l’ordre public lors des manifestations publiques du culte, les sonneries de cloches comme l’absence d’offenses de caractère politique lors des services religieux ; les relations avec les associations cultuelles, chrétiennes, bouddhistes, juives et musulmanes ; le conseil juridique notamment aux collectivités locales en première ligne sur le terrain.

Depuis la séparation, le ministre de l’Intérieur n’est plus ministre des Cultes mais ministre chargé des cultes. Cela n’a pas toujours été le cas : avant 1905, ce fut le ministre de l’Instruction Publique. En 1946, on avait pensé confier cette mission au Garde des Sceaux, ministre de la Justice. De nombreuses administrations ont en effet vocation à traiter des relations entre l’Etat et les cultes ou, pour employer un langage plus contemporain, les religions : la direction du Patrimoine au ministère de la Culture qui supervise les édifices religieux antérieurs à 1905 ; l’enseignement privé et les aumôneries au ministère de l’Education ; l’aumônerie des prisons au ministère de la Justice ; les aumôneries aux armées au ministère de la Défense ; les exemptions fiscales au ministère des Finances ; les organisations caritatives au ministère des Affaires sociales ; les relations avec le Saint-Siège, l’Organisation de la Conférence Islamique ou le Dalaï Lama au ministère des Affaires étrangères, qui s’est adjoint en 2009 un observatoire des religions au sein de la direction de la prospective. La liste est loin d’être exhaustive, sans oublier la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Dans ces conditions, au-delà de la micro-administration du « bureau des cultes », la question du positionnement du ministère de l’Intérieur au cœur de cette nébuleuse mérite effectivement d’être posée. Le maintien de ce rattachement est habituellement justifié par la permanence du régime concordataire dans les trois départements de l’ex-Alsace-Lorraine mais qui est désormais géré depuis Strasbourg. Les nouvelles missions de ce bureau, qui fut la cheville ouvrière de l’organisation du culte musulman par Pierre Joxe et ses successeurs, imposent sa restructuration. Pour éviter tout amalgame, les fonctions de « police » devraient être fondues dans les services existants, banalisant toutes les formes de trouble à l’ordre public, tandis que le dialogue avec les autorités religieuses, les sociétés de pensée, et tous les intervenants dans le domaine de la religion ou de l’irréligion, c’est-à-dire le pilotage de la laïcité intellectuelle, ce que le rapport Conesa qualifie de « contre-discours de la radicalisation », devrait aller à un ministère du même ordre, un ministère de la Culture digne de ce nom, sinon au ministère de l’Education nationale 1.. Il s’agit de porter le débat au niveau qui doit être le sien dans nos sociétés démocratiques au lieu de l’enterrer dans une soupente digne de Courteline 2 parce que, sous prétexte de laïcité, l’Etat devrait s’absenter le plus possible du terrain religieux.

  1. Contrairement au rapport Conesa qui suggère le rattachement du bureau des cultes soit au Premier ministre soit au ministère de la Justice
  2. Courteline pour sa « direction des dons et legs » avait pris pour modèle la direction des Cultes qui siégeait alors rue de Bellechasse dans un immeuble qui abrita après la séparation le nouveau ministère du Travail !