Peut-on encore apprendre le latin ? - France Catholique

Peut-on encore apprendre le latin ?

Peut-on encore apprendre le latin ?

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Dans Le Figaro d’hier, un grand titre en pages « Culture » : « Il est l’heure de retrouver son latin ». Est-ce vraiment le moment de poser une telle question alors que le monde brûle, que notre avenir national est très incertain et que mille soucis nous accablent ? Eh bien oui ! C’est du moins l’avis d’un certain nombre de gens très sérieux qui craignent que le ministère de l’Éducation nationale ne s’apprête à liquider ce qui reste d’enseignement du latin dans nos établissements. Il y a une rude discussion entre enseignants et organisations de parents d’élèves. N’est-ce pas la F.C.P.E. (Fédération des conseils de parents d’élèves) située à gauche, qui proclame que « l’étude des langues anciennes est ségrégative », donc cause de ségrégation sociale. En d’autres termes très actuels, on dirait encore discriminatoire. Sous-entendu : l’élitisme universitaire contribue à fragiliser les élèves dont le bagage culturel familial est inférieur à celui des classes aisées. Pour les initiés, on retrouve derrière ce réquisitoire toutes les thèses du sociologue Pierre Bourdieu.

Est-on bien sûr de telles allégations ? Le souvenir du passé, celui de l’école de la Troisième République, pourrait bien s’inscrire en faux contre le procès fait au grec et au latin. Des générations entières de boursiers de la République ont été formées à ces disciplines qui loin de les disqualifier, leur ont permis d’acquérir une incomparable formation de l’esprit. Je sais bien que l’évolution des dernières décennies est allée en sens inverse, abandonnant non seulement le grec et le latin, mais tout le bagage de la culture générale. C’est d’ailleurs d’une totale cohérence. La littérature française est tributaire de nos fondations antiques, tout comme d’ailleurs les sciences, le droit, la grammaire. Tous nos mots se réfèrent à une étymologie grecque et surtout latine.

Est-il utopique ou tout simplement concevable de revenir en arrière ? Ce serait sûrement très difficile. Mais pourquoi ne pas laisser la possibilité à ceux qui le désirent d’accéder à cette part précieuse de la mémoire et de la civilisation ? Il s’agit d’un choix humaniste, dans l’acception véritable de cette expression qui renvoie à la richesse des arts et des lettres, celle qui permet le développement de notre humanité.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 mars 2015.