Patriotisme - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Patriotisme

Traduit par Vincent de L.

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Le traitement du patriotisme dans les écrits du plus grand philosophe de tous les temps, St Thomas d’Aquin, se trouve au chapitre « Piété ». A première vue, cela peut sembler étrange à ceux qui pensent à la piété en tant que relative uniquement à l’amour de Dieu. Mais dès lors qu’on se rappelle que l’amour du prochain est inséparable de l’amour de Dieu, on voit bien qu’aimer nos prochains citoyens est une forme de piété.

En ces jours où tant d’activités subversives sont à l’œuvre, se souvenir de la nécessité d’aimer notre pays vient tout à fait à point. Consciemment ou inconsciemment, nos concitoyens se regroupent autour des deux seules réponses ultimes aux questions épineuses possibles concernant notre pays.
La première réponse est que l’essence de l’esprit américain est la révolution, la deuxième réponse est que l’essence de l’esprit américain consiste en la reconnaissance du caractère sacré de la personne humaine.

D’abord, considérons la théorie révolutionnaire. Les communistes, dans leur tentative de justifier une autre révolution, réécrivent l’histoire américaine pour qu’elle corresponde à la dialectique de Marx et Lénine. Leur argument est le suivant : l’Amérique commence par une révolution… S’ils insistent dans leur référence à la révolution américaine, nous leur rappellerons qu’il s’agissait d’une révolution politique contre un gouvernement situé outre-mer, et pas d’une guerre civile avec lutte des classes les unes contre les autres.

En tant qu’Américain, on doit être opposé à tous les dictateurs, fascistes, nazis ou communistes. La ruse du communiste est de traiter de fasciste tous ceux sui sont opposés au communisme. Mais ce n’est pas vrai. Ce n’est pas parce que je n’aime pas le caviar russe que je suis nécessairement fou de spaghettis ou de wiener-schnitzel… Le meilleur moyen de garder le fascisme hors de la vie américaine est de laisser dehors le communisme…

L’essence du fait américain n’est pas la révolution mais la reconnaissance du caractère sacré de la personne humaine et des inaliénables droits inhérents que tout homme possède indépendamment de l’État. C’est pourquoi, à la naissance de notre pays, nos Pères Fondateurs étaient des plus anxieux de trouver des bases pour les droits de l’homme, des fondements pour les libertés humaines, des garanties pour la personne humaine, qui seraient au-dessus des atteintes de la tyrannie et des abus.

Mais où trouver les fondements du droit d’un homme à être son propre maître, capitaine de sa propre âme, libre dans ses droits de rechercher sa fin ultime avec une conscience libre ? Où enraciner et faire croître le droit d’être propriétaire comme extension de la personnalité ? Où trouver le roc sur lequel installer toutes les libertés, qui soit assez solide pour résister aux gouvernements, pouvoirs, États qui voudraient les absorber comme les monarchies l’avaient fait, et comme le font aujourd’hui certaines dictatures ?

Pour un tel ouvrage, les Pères se sont d’abord tournés vers l’Angleterre. Là, l’idée fut avancée que nos libertés et nos droits sont enracinés au Parlement. Cette idée fut rejetée au motif que, si le Parlement donne des droits et des libertés, le Parlement peut aussi les retirer. Puis ils se sont tournés vers la France, où l’on considérait que la liberté et les droits de l’homme sont enracinés dans la volonté de la majorité. Les Pères ont également rejeté cette théorie au motif que si les droits de l’homme sont le don de la majorité, la majorité peut alors retirer les droits de la minorité.

Où donc trouver la source des libertés et des droits de l’homme ? Sur quelles fondations stables doivent-ils être construits ? Quelle est leur source ? La réponse qu’ils ont donnée est la bonne. Ils ont posé les fondements des droits de l’homme et des libertés sur quelque chose de si sacré et de si inaliénable qu’aucun État, aucun Parlement, aucun Dictateur, aucun pouvoir humain ne pourraient jamais les en enlever : ils les ont donc enracinés en Dieu. En conséquence, notre Déclaration d’Indépendance déclare : tous les hommes « sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables… parmi lesquels la Vie, la Liberté et la recherche du Bonheur. »

Remarquons que le mot utilisé est « inaliénable », ce qui signifie que ces droits appartiennent au caractère sacré de la personne humaine et ne sont pas accordés par l’État ni par le dictateur, qu’il soit fasciste, nazi ou communiste. En d’autres termes, le droit de l’homme à la propriété privée, le droit de l’homme à éduquer sa propre famille, le droit de l’homme d’adorer Dieu en accord avec ce que lui dicte sa conscience, ne viennent pas de la Constitution, du gouvernement, du parlement ou de la volonté de la majorité, mais de Dieu.
Par conséquent, aucun pouvoir sur terre ne peut les retirer. C’est là l’essence de l’esprit américain. Maintenant, si l’essence de l’esprit américain est le caractère sacré de la personne humaine en tant que créature de Dieu, qu’est-ce qui fait le plus pour préserver cet esprit américain ? L’école qui ne mentionne jamais Son nom ? Les universités et lycées qui dissolvent la Divinité dans la dernière découverte de la physique ou de la biologie ? Les professeurs qui ajustent leur éthique pour correspondre à des vies amorales ?

Bien évidemment, la réponse est que les forces qui bâtissent un esprit américain constructif sont celles qui reconnaissent en pratique l’existence de Dieu. Ce sont les écoles a-religieuses qui sont en dehors de la tradition de l’esprit américain, et qui sont sur la défensive. Au début de notre vie nationale, pratiquement toutes les écoles et lycées étaient des écoles religieuses. Notre constitution et son esprit présumaient qu’elles devaient être religieuses.
La raison en était évidente. Si la dignité humaine et la liberté proviennent de Dieu, il s’ensuit que la perte de la foi en Lui signifie la perte de la foi en ces libertés qui découlent de Lui. Si nous désirons de la lumière, il nous faut conserver le soleil, si nous désirons garder nos forêts, nous devons garder nos arbres, si nous désirons conserver nos parfums, nous devons conserver nos fleurs, et si nous désirons conserver nos droits, alors il nous faut conserver notre Dieu. Il est parfaitement inutile de conserver les triangles sans garder les figures à trois côtés, de la même façon qu’il est vain de conserver la Liberté sans l’esprit qui rend l’homme indépendant des contingences et, par là-même, libre.

Nous, les catholiques, prenons la religion si sérieusement comme référence de notre pays que, plutôt que de voir Dieu expulsé de notre vie nationale, nous dirigeons 7 929 écoles primaires et 1 945 lycées et collèges, et nous y employons respectivement 58 903 et 16 784 professeurs… Et, en se basant sur les coûts des écoles publiques, nous faisons économiser aux contribuables de notre pays un programme de constructions d’un milliard de dollars et, pour l’entretien, environ 139 000 000 de dollars chaque année. Chaque centime de cet argent provient de la poche des catholiques, pourquoi ? Parce que nous croyons que les 2 102 889 élèves des écoles primaires catholiques et les 284 736 élèves des collèges et lycées ont le droit de connaître la vérité qui les rend libres.

Autrement dit, nous prenons très au sérieux la Déclaration d’Indépendance qui fait provenir de Dieu les Droits de l’Homme.

En conclusion, le véritable esprit américain est le fait de croire que la liberté de l’homme provient de Dieu. Pour cette raison, si nous voulons conserver la pureté de cet esprit américain, nous devons garder notre religion. Il faut ajouter à cela le fait que les dictatures, comme le communisme, considèrent l’homme seulement comme un estomac à nourrir par l’État, ou comme un outil pour contribuer à bonne santé de l’État. Réduisez les hommes à ce niveau et ils n’auront plus besoin de religion, pas plus que les animaux n’ont besoin de religion, ou que les clés à molette n’ont besoin de liturgie.

Mais les mettre à ce niveau consiste à les dé-personnaliser et à les mécaniser pour les faire descendre au minimum de leur essence. Une démocratie a besoin de religion, car celle-ci considère que l’être humain n’est pas seulement un ventre mais aussi une âme qui est le siège de ses droits ; et comme l’âme doit être nourrie au même titre que le corps, l’être humain a besoin de la religion. La démocratie ne doit pas reposer sur la force mais sur la liberté d’être et de penser. Mais la liberté d’être et de penser est inséparable de la responsabilité, la responsabilité est inséparable de la conscience, et la conscience est inséparable de la religion.

En conséquence de quoi c’est notre tâche solennelle en tant que catholiques d’être conscient de notre devoir envers l’Amérique et de protéger sa liberté en protégeant sa foi en Dieu…

Mais comme nous parlons de patriotisme, il pourrait être bon de nous rappeler que dans une telle crise, la dévotion aux bandes et aux étoiles (« stars and stripes ») n’est pas suffisante pour nous sauver. Nous devons regarder au-delà, vers d’autres bandes et étoiles, à savoir celles du Christ qui nous illumine de Ses étoiles et dont les bandes nous guérissent !

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/07/04/patriotism/


Nota : cet article est un extrait d’une allocution prononcée par le Père Sheen à la radio lors de l’émission The Catholic Hour le 20 février 1938.

Fulton John Sheen est né à El Paso, Illinois, le 8 mai 1895. Il suit la formation du séminaire Saint Paul dans le Minnesota et est ordonné en 1919. Après des études à l’Université Catholique, il obtient un doctorat de philosophie à l’université catholique de Leuwen, en Belgique. En 1930, Sheen démarre une émission nocturne de radio The Catholic Hour (« L’heure catholique ») et, en 1951, Monseigneur Sheen lance Life is worth living (« La vie vaut la peine d’être vécue ») qui devient l’une des émissions de télévision les mieux cotées des États-Unis et qui lui obtient un prix Emmy en 1952.

Il est nommé archevêque par le pape Paul VI en 1969. Il meurt le 9 décembre 1979 et est inhumé dans la crypte de la cathédrale St-Patrick. Le pape Benoît XVI l’a déclaré Vénérable Serviteur de Dieu le 28 juillet 2012.

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Illustration : Drapeau des cuirassiers de Washington, 1775.