Passage en force - France Catholique

Passage en force

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Ainsi François Hollande a voulu passer en force, en faisant publier le décret sur la réforme du collège au Journal officiel. C’est un risque sérieux qu’il a pris, car à prendre à rebrousse poil une grande partie des enseignants chargés d’appliquer cette réforme et une grande partie de l’opinion publique, qui dépasse d’ailleurs le clivage droite gauche, il s’expose à envenimer une crise profonde. Celle qui est apparue dans les discussions passionnées de ces dernières semaines. Visiblement, on n’était pas parvenu à une conclusion raisonnable d’un conflit intellectuel de premier ordre. Je ne sais pas encore si une riposte de grande ampleur se produira, capable d’entraîner une mise en demeure sévère du pouvoir. Mais dans l’hypothèse où le Président aurait réussi son opération, il subsisterait pour longtemps les séquelles d’une blessure morale s’ajoutant à d’autres.

Je ne puis m’empêcher de faire une comparaison avec ce qui s’était passé au début du premier septennat de François Mitterrand, à propos de la création d’un service unique d’enseignement qui aurait absorbé l’école catholique. En 1981, Mitterrand avait la majorité nécessaire pour passer en force. Or, il ne l’a pas voulu. C’est peut-être aussi qu’il n’a pas pu. Dès le départ, il était apparu que le projet le plus extrême de nationalisation n’était pas prêt. Et par ailleurs, le président avait confié l’élaboration du projet de loi à un ministre, Alain Savary, qui refusait l’hypothèse la plus laïciste. C’est donc qu’en dépit de certains de ses propos catégoriques, François Mitterrand était conscient de la cassure qui se serait produite. Au demeurant, il était lui-même en proie à une crise de conscience, partagé entre sa culture catholique et son ralliement tardif à une autre culture.

Il laissa donc se déployer un débat de plusieurs années qui aboutit au retrait pur et simple d’une loi pourtant très différente de celle présentée lors de la campagne présidentielle de 1981. Lors d’un entretien, il m’avait déclaré qu’il fallait que le combat se déroule jusqu’au bout, pour permettre au pays d’admettre une conclusion qui s’imposerait à tous. Telle n’est pas la voie qu’a choisie cette fois François Hollande.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 21 mai 2015.

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Gérard Leclerc, La bataille de l’école, Denoël, 1985.